NUNATAK
Binam’ a ramené ça dans sa petite distro, intéressant à plus d’un titre :
Cette revue se veut un support pour développer et partager les critiques, du point de vue des régions montagneuses qu’illes habitent. Illes désirent aussi chercher des moyens de concrétiser leur opposition au monde tel qu’il se présente à nous, dévier du sentier balisé des flux de la marchandise et de l’autorité, s’attaquer à ce qui nous sépare les uns des autres, se plonger dans les histoires que racontent les ruisseaux, les êtres, les arbres ou les rochers…
C’est plus que la version française de la revue éponyme en langue italienne. Il y a bien des traductions de plusieurs textes parus dans cette revue, mais il y a aussi des articles inédits en français autour de la montagne et la manière d’habiter cet espace et donc ce monde dans lequel nous vivons tous et toutes. Nous avons particulièrement apprécié y trouver un texte de Christine sur la transhumance à pied, un autre sur la guerre des demoiselles. Il y a aussi un texte sur les communances alpines, formes d’autogestion montagnarde et un autre tiré d’une enquête ethnobotanique sur les savoirs anciens autour des plantes dans le Massif du Mercantour et dont la démarche prend en compte tout à la fois les témoignages oraux, les aspects botaniques du terrain et les données historiques : La bête, le serpent, l’ellebore et le berger. Le tout, ce n’est pas négligeable, est de belle facture et agréable à lire. Pour autant, et au contact d’une telle perspective, nous attendons encore davantage d’ouverture et de libertés. Nous attendons du vertige que diable ! Alors grimpons !
» L’imaginaire autour de la montagne résonne pour nous comme une métaphore. Dans la langue des Inuits, le terme nunatak désigne une montagne s’élevant au dessus des étendues gelées, où se réfugie la vie pour perdurer pendant l’ère glaciaire. La montagne, c’est donc tous ces petits espaces où subsistent et où s’expérimentent des façons d’exister qui tentent de contredire le froid social triomphant « .
Le numéro peut être téléchargé ici. Il est aussi disponible en version papier dans plusieurs endroits (consulter la liste des lieux de diffusion )
Nunatak c/o Café du siècle 1 Rue Biron, 34190 Ganges revuenunatak@riseup.net
NUMERO ZERO (Printemps/été 2016) TELECHARGER
De l’autre côté des alpes/Contre la très haute tension/ La transhumance à pied/Réflexions sur la montagne en dépeuplement/ La bête, le serpent, l’ellebore et le berger/La montagne contre l’Etat/ Le chant du rossignol/ Les communances alpines, formes d’autogestion montagnarde / La drôle de guerre des demoiselles / Le chemin de la frontière
Quatre présentations de Nunatak, « revue d’histoires, cultures et luttes des montagnes » auront lieu dans les Hautes Alpes cette semaine :
- Mercredi 9 / 11 – 19h : Châteauroux les Alpes, à L’Epicerie Littéraire
- Vendredi 11/11 – 16h : Briançon, au café asso Le Chapoul, dans le Fort du Château
- Samedi 12 / 11 – 18h : Abriès, au Retour d’Est, avec l’EOEP
- Lundi 14 / 11 – 19h : Gap, à la maison Cézanne, face à l’entrée des Urgences
L’édito :
Nous habitons la montagne. Pour certains c’est un choix, pour d’autres un exil, un refuge, une prison. Nous l’habitons par désir ou par la force des choses, et nous posons la question de comment habiter cet espace. L’habiter réellement, ne pas nous contenter de notre position de consommateur perpétuel, dévier du sentier balisé des flux de la marchandise et de l’autorité, nous attaquer à ce qui nous sépare les uns des autres, nous plonger dans les histoires que racontent les ruisseaux, les êtres, les arbres ou les rochers…
Nous nous sommes réunis autour de l’envie de faire écho à la revue italienne Nunatak, revue d’histoires, de cultures, et de luttes des montagnes, s’inspirant de celle-ci pour une publication française. Nous ne cherchons pas à la reproduire à l’identique, mais à imaginer une forme similaire en résonance avec nos propres vécus.
La montagne est tout à la fois accueillante et contraignante, vivifiante et terrifiante, mais elle nous permet surtout un certain recul sur le monde et sur nous-même. Des populations successives l’ont façonnée pour y établir leur existence. Les pentes difficiles, les hameaux parsemés parfois inaccessibles en ont compliqué le contrôle. Tout un imaginaire entoure cet espace, terre d’insoumissions et d’hérésies, haut-lieu des bandits et contrebandiers, espace de résistance et d’autonomie.
Cet imaginaire a tendance à ériger la montagne en mythe lui conférant le pouvoir d’échapper à l’horreur de ce monde. Prise dans la toile des industries et du tourisme, découpée en zones d’exploitation ou en parcs naturels qui servent de musée pour des formes de vie anéanties, la montagne n’est pas un espace préservé. Le capitalisme s’acharne à neutraliser tout ce qui lui échappe. La métropole s’étend inexorablement dans un processus d’uniformisation qui aménage les territoires en vue de les soumettre à la gestion marchande. Le mode de vie qui en est issu se présente comme le seul envisageable. Dans ces régions reculées, nous entretenons des rapports tout autant imprégnés de l’hégémonie régnante.
Notre analyse est paradoxale. Partant du constat qu’il n’y a pas d’en dehors, que les oasis ont été absorbées par le désert, nous reconnaissons cependant que certains espaces n’ont pas été totalement dévastés et présentent encore des particularités auxquelles nous sommes attachés. Il y subsiste en effet des traces qui nous renvoient à des récits, des histoires, des pratiques et des vécus singuliers échappant en partie à l’uniformisation totale des modes de vie. Ces traces nous laissent entrevoir des contradictions et des possibilités d’explorer des trajectoires divergentes.
C’est sur ces singularités que nous désirons nous attarder, afin de faire circuler des outils et des idées qui nous permettent de reprendre le pouvoir sur nos vies.
L’imaginaire autour de la montagne résonne pour nous comme une métaphore. Dans la langue des Inuits, le terme nunatak désigne une montagne s’élevant au dessus des étendues gelées, où se réfugie la vie pour perdurer pendant l’ère glaciaire. La montagne, c’est donc tous ces petits espaces où subsistent et où s’expérimentent des façons d’exister qui tentent de contredire le froid social triomphant. Et si nous voulons nous concentrer en premier lieu sur les régions montagneuses, cela n’exclut en aucun cas les contributions venues d’ailleurs.
Nous avons envie de retracer les chemins qui nous ont amenés à habiter en montagne ou à faire le choix d’y rester, de croiser nos récits et expériences afin de les confronter à d’autres.
Nous voulons effectuer des recherches pour fournir des documents sur les histoires de révoltes, de désertions passées et actuelles, individuelles et collectives, spécifiques à ces zones géographiques.
Nous désirons aussi nous intéresser aux animaux, aux plantes, aux minéraux, à l’eau… à tout ce qui constitue ce que ce monde a figé en un « environnement » qu’on voudrait nous vendre comme terrain de ressources exploitables. Nous considérons plutôt qu’il s’agit d’un ensemble dont nous faisons partie et qui nous traverse.
Nous souhaitons enfin nous pencher sur des pratiques, des savoirs-faire, des formes d’organisation différentes afin de tenter de nous les réapproprier pour leur usage et non leur valeur marchande. Nombre de ces mêmes pratiques ont été récupérées, muséifiées en tant que concept marketing : label biologique, tourisme, patrimoine…
Nous ne voulons pas laisser aux traditionalistes et aux musées, aux identitaires et aux chauvins, aux réformistes et autres réactionnaires les interprétations de l’histoire.
Il ne s’agit pas pour nous de trouver dans les cultures du passé un idéal à atteindre, nous sommes convaincus que s’opposer à l’idéologie du progrès ne signifie pas un retour en arrière. Ce n’était pas mieux avant. De quels éléments de notre histoire pouvons-nous alors nous emparer pour imaginer et concevoir des perspectives radicalement autres ?
Cette revue se veut un support pour développer et partager nos critiques, du point de vue des régions montagneuses que nous habitons. Mais nous désirons aussi chercher des moyens de concrétiser ce que nous pensons pour pouvoir nous opposer au monde tel qu’il se présente à nous : développer et intensifier des liens, confronter des réalités et lutter contre le rapport de consommation aux espaces que nous essayons d’habiter. Essayer, sans nous faire d’illusions, d’expérimenter ici et maintenant sur la base de notre refus ce vers quoi nous voulons aller.
Combattre concrètement l’uniforme.
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7/11/2016