Daniel Sangsue par Barbaut
A lire ICI, sur Sitaudis, la chronique de Les fantômes comme les chats choisissent leurs maîtres, de Daniel Sangsue, par l’ami Jacques Barbaut.
A lire ICI, sur Sitaudis, la chronique de Les fantômes comme les chats choisissent leurs maîtres, de Daniel Sangsue, par l’ami Jacques Barbaut.
Léon Bloy sait parfaitement désobliger son monde – on l’aime pour ça – et notamment quand il raconte la guerre de 1870 qu’il a vécue de l’intérieur, engagé dans les combats contre des Prussiens dont il fait une peinture monstrueuse et tellement excessive que son outrance sidère et amuse. En quelques contes noirissimes aux titres évocateurs, l’auteur des Histoires désobligeantes fait entrer ce conflit honteux dans la littérature au côté des nouvelles de Maupassant, bien tendres à côté des siennes. C’est rude et souvent très drôle, à la limite de l’expressionisme. C’est surécrit et cela crée un contraste saisissant avec le sordide des situations racontées. C’est une vengeance terrible dont on jouit encore plus de cent après.
Texte lu par Piero, le chanteur de Camelia Sinensis, devant une assemblée attentive et émue, juste avant les premières notes de leur concert explosif au L’Ouïe pleure fest, samedi dernier, jour des obsèques de Greg.
Ce set on aimerait le dédicacer à toutes les personnes qu’on croise dans nos vies, dans nos villes, nos quartiers, ou ailleurs, ces personnes avec qui on brasse un peu de loin, potes de potes, connaissances, ces gens qu’on salue chaleureusement, avec qui on tape la discut’ rapido, sans stress, c’est cool comme ça, c’est fluide, y’a pas de pression, on se sent pas snob ou malpoli parce qu’on trace vite la route. Ces personnes qu’on a l’impression de connaître depuis toujours sans forcement avoir des liens d’amitié proches, ni de projets en commun. Un ou une camarade avec qui on a jamais eu de grandes discussions politiques, mais on sait quand même qu’on est du même côté par des brefs échanges qui laissent entendre que si faut y aller, on sera de la partie et surtout solidaire.
Y’a la sape aussi qui nous lie, on se reconnait de loin, on peut même juste se faire un signe de la main sans changer de trottoir parce qu’on est speed, on se fera la bise la prochaine fois.
Du coup ouais on se croise dans la rue, au bar, au concert, dans les manifs, à un apéro.
On ne connait pas grand chose de sa vie, mais suffisamment en tout cas pour toujours être sincère dans l’attention qu’on se porte en se claquant un tcheck, une bise ou une poignée de main bien franche.
Ces personnes qui pourraient devenir des vrais srab mais qui, d’une manière ou d’une autre, sont toujours là, dans notre décor… y’a des trucs qui changent, mais eux pas trop, ça rassure, c’est comme des repères, on sait où on est, y’a pas de doute. C’est rassurant d’avoir un bon feeling avec des gens en toute simplicité, au milieu de l’agitation ambiante, parfois hostile.
Même si on est pas toujours les plus sociables du monde, qu’on est timide, farouche, parano ou dans la lune, on pense que ça vaut le coup, même d’un simple signe de tête, de faire preuve de reconnaissance à l’égard de toutes ces personnes.
« Je finis par une grosse pensée pour Greg, que j’ai l’impression d’avoir croisé toute ma vie à Lille, comme ce fameux repère qui rassure et qui met bien, en me disant à chaque fois, il fait grave plaiz’ ce type, il est vraiment stylé.
Du coup, ouais, il est parti trop tôt.
Force à ses proches, à ses amis et sa famille. »
(cimer Milky pour la tof).
Grosse performance, on arrive quasiment à tenir le rythme ! Un an après le précédent numéro, voici une nouvelle mouture, toujours au format tabloïd, mais avec la couleur en plus…
20 pages bien remplies pour ce nouveau Permafrost, zine sans espoir, zine plein d’espoir.
Comme d’hab’, on naviguera entre contre-cultures et remise en question de ce vieux monde pourrissant.
Pour ce faire, on laissera la parole à deux « anciennes » qui ont bien roulé leur bosse et ont de sacrés bouts d’histoires à transmettre. Dominique Manotti revient sur les romans noirs dont elle nous gratifie depuis trente années maintenant. Ce qui nous permet d’aborder les luttes « victorieuses » des travailleurs immigrés dans les 70’s. Et avec Nicole Claveloux, pointure de l’illustration dans les livres jeunesse (mais pas que), on discute d’enfance, d’édition, de la décennie 70 (là encore !), de censure et d’érotisme (un peu). Et pour revenir à une actualité plus brûlante bien que très certainement méconnue, Nathanel Amar nous fera découvrir la réalité des punks (mais pas que) en République Populaire de Chine : Anarchy in the RPC !
On saupoudrera évidemment tout cela des quelques friandises de rigueur, chroniques zines et bouquins, quizz, courrier des lecteurs/rices, etc., et voilà un quatrième volume bien rempli !!
Pour recevoir le zine, toujours prix libre, une seule adresse : permafrost-zine @ riseup.net ! Idem, pour aider à sa diffusion !
A bientôt !
Appel à communications pour un colloque international
Faire couple en littérature, de 1880 à nos jours
Sociohistoire, pratiques et représentations d’une institution littéraire
Université Paris Cité, 5-6 juin 2025
CERILAC, RIRRA21, Institut universitaire de France
Alors que la conjugalité, l’amour et l’hétéronormativité ont fait l’objet d’importants travaux dans les études de genre et la sociologie dans les dernières décennies[1], la notion de couple a bien souvent été ignorée, voire déconsidérée dans la critique littéraire, où elle s’est vue volontiers associée à un registre anecdotique, voire à une certaine forme de voyeurisme. Cantonnée aux dictionnaires des couples célèbres et aux biographies de collaborations, la conjugalité en littérature – et plus largement dans les univers culturels et artistiques – n’a jusqu’à présent guère fait l’objet d’approches sociohistoriques, théoriques et méthodologiques rigoureuses.
Ce colloque consacré aux couples dans le champ littéraire, de la fin du xixe siècle à aujourd’hui, vise à pallier ce manque, en mettant au centre des réflexions une unité d’analyse située entre l’individu et le groupe, deux échelles plus traditionnelles dans les études littéraires et en sociologie de la littérature. Pour ce faire, nous souhaitons partir d’une définition du couple littéraire entendu comme une institution sociale caractérisée par une socialisation conjugale aux implications proprement littéraires. L’intérêt de cette définition sociologique, à rebours d’une lecture étymologique du couple insistant sur une variété possible de liens affectifs – y compris amicaux ou familiaux –, est d’interroger la nature amoureuse, sentimentale et/ou sexuelle de la relation (qu’elle soit officialisée ou non par le mariage ou la cohabitation) dans son rapport à la création au sens large – les individus n’y étant pas nécessairement des auteur·rices singulièrement reconnu·es comme tel·les, mais concerné·es par le travail d’élaboration littéraire. Travailler sur les couples dans les littératures d’expression française en étant attentif·ve aux questions de genre nécessite alors de porter une attention aiguë tant aux corpus d’œuvres qu’aux socialisations, prises de position et sociabilités afin, notamment, de ne pas invisibiliser les « petites mains[2] » du processus créatif, principalement féminines dans l’histoire littéraire et intellectuelle.
En choisissant comme terminus a quo les années 1880, nous proposons d’envisager l’historicité et la légitimité propres de cette institution sociale en partant d’un moment d’évolution juridique de la cellule conjugale et familiale. Dans ces années, la féminisation de l’enseignement, la légalisation du divorce et la perte de l’importance accordée à la dot en France y transforment radicalement les attendus du mariage. Apparaît dès lors la possibilité pour les femmes, possibilité jusque-là exceptionnelle, de partager autre chose qu’un foyer : une vie intellectuelle. Des romans comme Princesse de science (1907) de Colette Yver ou Les Feuilles mortes (1912) de Jacques Morel témoignent de ce changement[3]. En cela, la notion de couple littéraire permet de contribuer à une histoire sociale genrée de la littérature, en tant qu’elle révèle à quel point la conjugalité a été une voie d’entrée capitale pour les femmes dans le champ littéraire à la fin du xixe siècle, au moins aussi efficace que le célibat, pourtant davantage étudié par la critique[4] – ce qui rejaillit aussi sur les trajectoires et les carrières d’écrivains masculins.
Les bénéfices du couple pour les autrices ne doivent en ce sens pas non plus être idéalisés. Au sein des « ménages d’artistes » qui se multiplient à la fin du xixe siècle et dont rendent compte des magazines comme Femina ou La Vie heureuse, il est entendu que l’épouse collabore activement à l’œuvre de son époux sans produire d’œuvre propre[5]. Le couple formé par Edmond Rostand et Rosemonde Gérard est révélateur de cette distribution des rôles participant de la surexposition plus ancienne des hommes dans l’espace public ; alors que celle-ci était déjà connue pour la parution de son recueil Les Pipeaux, elle cesse ainsi totalement d’écrire pour s’occuper de l’œuvre de son mari[6].
Si le champ littéraire s’est largement féminisé au xxe et au xxie siècles, ce mouvement démographique d’accès à la publication et à la reconnaissance n’a dès lors pas mis fin à une domination masculine dont les formes se sont recomposées. Longtemps effacées devant leurs époux, à l’instar de Suzanne Césaire face à Aimé Césaire ou de Clara Malraux face à André Malraux, les femmes continuent par exemple d’être soumises à un traitement différencié dans les médias et les canons littéraires[7]. Alors que la (re)présentation de soi en tant qu’écrivain·e dans l’espace public est devenue une exigence de plus en plus affirmée à l’ère du « marketing littéraire[8] », les autrices, même consacrées, y sont volontiers ramenées à leur statut de compagne, d’épouse et/ou de mère, selon une hétéronormativité et un familialisme présents dans la critique littéraire et journalistique auxquels échappent davantage les auteurs[9]. Quel rôle le couple, qui participe sous sa forme hétérosexuée d’une organisation sociale patriarcale, a-t-il joué dans de tels mécanismes de réception, en particulier dans les cas d’apparitions en duo, de discours tenus sur l’autre, voire d’interventions polémiques ?
Le colloque entend cependant dépasser la seule étude des couples littéraires hétérosexués, bien plus visibles dans l’histoire littéraire que leurs homologues gays ou lesbiens, en posant notamment la question suivante : la collaboration littéraire fonctionne-t-elle différemment à partir du moment où la domination de genre n’est plus un critère structurant[10] ? L’imposition aux femmes de la norme sociale du mariage hétérosexué a en particulier contribué à l’« invisibilisation tenace » d’une histoire littéraire lesbienne qui commence à être davantage étudiée aujourd’hui[11]. Une telle approche pourrait permettre de revisiter l’alliance de Renée Vivien et Natalie Barney[12], par exemple, ou, plus proche de nous, celle de Virginie Despentes et de Paul Beatriz Preciado ou de Rachid O et de Mathieu Lindon.
Différents axes d’étude pourront être envisagés, sans exclusivité :
Les propositions de communications, de 500 mots maximum, comprendront un titre, un résumé et la mention de l’axe (ou des axes) d’étude concerné(s). Quelques indications bio-bibliographiques sur l’auteur·rice sont également attendues. Les propositions sont à envoyer, de même que toute demande de renseignements concernant le colloque, à l’adresse colloquecouple2025@gmail.com« >colloquecouple2025@gmail.com avant le 20 décembre 2024.