Les chardons
Tu ne seras jamais la fiévreuse captive Qu’enchaîne, qu’emprisonne le lit, Tu ne seras jamais la compagne lascive Dont la chair se consume et dont le front pâlit. Garde ton blanc parfum qui dédaigne le faste. Tu ne connaîtras point les lâches abandons, Les sanglots partagés qui font l’âme plus vaste, Le doute et la faiblesse ardente des pardons Et, puisque c’est ainsi que je t’aime, ô très chaste ! Nous cueillerons ce soir les mystiques chardons. |
Renée Vivien
Le Trésor des humbles
Il y a un tragique quotidien qui est bien plus réel, bien plus profond et bien plus conforme à notre être véritable que le tragique des grandes aventures. Il est facile de le sentir, mais il n’est pas aisé de le montrer, parce que ce tragique essentiel n’est pas simplement matériel ou psychologique. Il ne s’agit plus ici de la lutte déterminée d’un être contre un être, de la lutte d’un désir contre un autre désir ou de l’éternel combat de la passion et du devoir. Il s’agirait plutôt de faire voir ce qu’il y a d’étonnant dans le fait seul de vivre. Il s’agirait plutôt de faire voir l’existence d’une âme en elle-même, au milieu d’une immensité qui n’est jamais inactive. Il s’agirait plutôt de faire entendre, pardessus les dialogues ordinaires de la raison et des sentiments, le dialogue plus solennel et ininterrompu de l’être et de sa destinée. Il s’agirait plutôt de nous faire suivre les pas hésitants et douloureux d’un être qui s’approche ou s’éloigne de sa vérité, de sa beauté ou de son Dieu. Il s’agirait encore de nous montrer et de nous faire entendre mille choses analogues que les poètes tragiques nous ont fait entrevoir en passant. Mais voici le point essentiel : ce qu’ils nous ont fait entrevoir en passant ne pourrait-on tenter de le montrer avant le reste? Ce qu’on entend sous le roi Lear, sous Macbeth, sous Hamlet, par exemple, le chant mystérieux de l’infini, le silence menaçant des âmes ou des Dieux, l’éternité qui gronde à l’horizon, la destinée ou la fatalité qu’on aperçoit intérieurement sans que l’on puisse dire à quels signes on la reconnaît, ne pourrait-on, par je ne sais quelle interversion des rôles, les rapprocher de nous tandis qu’on éloignerait les acteurs ? Est-il donc hasardeux d’affirmer que le véritable tragique de la vie, le tragique normal, profond et général, ne commence qu’au moment où ce qu’on appelle les aventures, les douleurs et les dangers sont passés ? Le bonheur n’aurait-il pas le bras plus long que le malheur et certaines de ses forces ne s’approcheraient-elles pas davantage de l’âme humaine? Faut-il absolument hurler comme les Atrides pour qu’un Dieu étemel se montre en notre vie et ne vient-il pas jamais s’asseoir sous l’immobilité de notre lampe? N’est-ce pas la tranquillité qui est terrible lorsqu’on y réfléchit et que les astres la surveillent ; et le sens de la vie se développe-t-il dans le tumulte ou le silence? N’est-ce pas quand on nous dit à la fin des histoires « Ils furent heureux » que la grande inquiétude devrait faire son entrée ? Qu’arrive-t-il tandis qu’ils sont heureux? Est-ce que le bonheur ou un simple instant de repos ne découvre pas des choses plus sérieuses et plus stables que l’agitation des passions ? N’est-ce pas alors que la marche du temps et bien d’autres marches plus secrètes deviennent enfin visibles et que les heures se précipitent ? Est-ce que tout ceci n’atteint pas des fibres plus profondes que le coup de poignard des drames ordinaires ? N’est-ce pas quand un homme se croit à l’abri de la mort extérieure que l’étrange et silencieuse tragédie de l’être et de l’immensité ouvre vraiment les portes de son théâtre ? Est-ce tandis que je fuis devant une épée nue que mon existence atteint son point le plus intéressant ? Est-ce toujours dans un baiser qu’elle est la plus sublime? N’y a-t-il pas d’autres moments où l’on entend des voix plus permanentes et plus pures ? Votre âme ne fleurit-elle qu’au fond des nuits d’orage ? On dirait qu’on l’a cru jusqu’ici. Presque tous nos auteurs tragiques n’aperçoivent que la vie d’autrefois ; et l’on peut affirmer que tout notre théâtre est anachronique et que l’art dramatique retarde du même nombre d’années que la sculpture. Il n’en est pas de même de la bonne peinture et de la bonne musique, par exemple, qui ont su démêler et reproduire les traits plus cachés, mais non moins graves et étonnants de la vie d’aujourd’hui. Elles ont observé que cette vie n’avait perdu en surface décorative que pour gagner en profondeur, en signification intime et en gravité spirituelle. Un bon peintre ne peindra plus Marius vainqueur des Cimbres ou l’assassinat du duc de Guise, parce que la psychologie de la victoire ou du meurtre est élémentaire et exceptionnelle, et que le vacarme inutile d’un acte violent étouffe la voix plus profonde, mais hésitante et discrète, des êtres et des choses. Il représentera une maison perdue dans la campagne, une porte ouverte au bout d’un corridor, un visage ou des mains au repos ; et ces simples images pourront ajouter quelque chose à notre conscience de la vie ; ce qui est un bien qu’il n’est plus possible de perdre. […]
Maeterlinck
Zinaïda Nicolaïevna Hippius
Зинаи́да Никола́евна Ги́ппиус
1869 Belev – 1945 Paris
Penser l’humain et la terre
Géographe visionnaire, anarchiste convaincu, végétarien et naturiste précoce, voyageur sensuel et écrivain prolixe, Élisée Reclus (1830-1905) est l’une des figures intellectuelles les plus étonnantes de notre histoire. Et des plus oubliées. Isabelle Louviot et Georges Peignard nous invitent, dans cet essai biographique enrichi d’une anthologie de textes, à redécouvrir la pensée de cet homme, toujours féconde.
L’illustration de couverture a été réalisée par Georges Peignard
Brontez Purnell
Cette autofiction suit les pas d’un antihéros dans la baie de San Francisco et l’Amérique des années 2000. Il n’est ni exemplaire, ni parfait, loin d’être consensuel et c’est bien pour ça qu’on a envie de le suivre. À l’instar de son auteur Brontez Purnell, notre protagoniste est noir, punk, précaire, gros, homosexuel, séropositif, addict à l’excès et tout ceci n’est pas un drame.
Son humour dévastateur anéantit toute tentative de culpabilisation, décape les stigmas des vécus LGBTQI+, ruine toute forme de normalisation et atomise le raisonnable. Avec son parcours singulier, extrême, radical et queer, Brontez Purnell transforme le tragique en magique.
Corps à corps – Combats et luttes dans le sport
Du 20 mars au 22 septembre 2024 | Musée d’Art et d’Archéologie
![BD-AFF-Corps-à-corps-A3](https://musees.ville-senlis.fr/var/www/storage/images/mediatheque/musees-de-senlis/images/au-programme/bd-aff-corps-a-corps-a3/46902-1-fre-FR/BD-AFF-Corps-a-corps-A3_image_rte_3.jpg)
À l’occasion de l’année olympique, le musée d’Art et d’Archéologie de Senlis, en partenariat avec la Fondation Francès, propose une exposition temporaire sur le thème de la représentation du corps masculin athlétique : « Corps à corps – Combats et luttes dans le sport ». D’Héraclès à Mohamed Ali, l’exposition questionne la notion de virilité et de démesure culturiste.
Intentions de l’exposition
L’année olympique commence à Senlis, ville labellisée « Terre de Jeux 2024 », avec l’exposition « Corps à corps – Combats et luttes dans le sport » qui explore l’idéal esthétique masculin associé aux valeurs de force, de courage et d’endurance.
Dans l’Antiquité grecque, l’athlète est apprécié pour ses capacités physiques, ses aptitudes intellectuelles et sa vertu. Son corps sain et vigoureux, qui est un don des dieux, lui permet d’emporter de nombreuses victoires lors des jeux locaux, glorifiant ainsi sa cité. La sculpture comme la céramique se font écho de cette valorisation du sportif. Les œuvres dessinent les corps d’hommes juvéniles musclés à la « poitrine robuste, [au] teint clair, [aux] épaules larges, [à] la langue courte, la fesse grosse et la verge petite » (Aristophane (Ve siècle av. J.-C.), Les Nuées, 423-417). Les sports de combat – la lutte, le pugilat et le pancrace – dits « sports lourds » font partie de ces concours. Sur la palestre, l’athlète, le guerrier et le héros se confondent. Héraclès est réputé être le fondateur des Jeux Olympiques et les athlètes victorieux voient s’ériger des statues à leur effigie. Pourtant, dès l’origine, des voix s’élèvent contre ces hommes hors norme.
Cette iconographie de l’athlète héroïque a traversé les siècles et n’a eu de cesse d’inspirer les artistes et philosophes depuis le XVe siècle. Si le Moyen Âge dissimule un corps honteux et objet de pulsions, les humanistes choisissent de le glorifier. La lutte et la boxe ont alors la faveur du public car elles mêlent la puissance, l’endurance et la vitesse à l’intelligence. Les athlètes rejouent les grands affrontements antiques. Peu à peu, les sports de combat se codifient et la pratique gymnique devient une affaire d’État après la défaite de 1870 : les dirigeants de la IIIe République prennent à cœur de renforcer le corps et le patriotisme des jeunes Français.
Les Jeux olympiques modernes, relancés en 1896 à l’initiative de Pierre de Coubertin (1863-1937), voient les athlètes poursuivre le combat bien au-delà de leur seule pratique et y inclure des enjeux politiques et sociétaux. Les médailles de Jesse Owens (1913-1980) en 1936 à Berlin ou les poings levés de Tommie Smith (1944) et John Carlos (1945) en 1968 à Mexico témoignent de la transposition de la lutte en dehors des rings.
Prêteurs
- CRÉPY-EN-VALOIS | Musée de l’Archerie et du Valois
- SAINT-OMER | Musée de l’Hôtel Sandelin
- SENLIS | Fondation Francès
- SENLIS | Société d’Histoire et d’Archéologie
- Collections privées