La fée verte
Absinthe. Plante vivace, dont les feuilles sont fort amères ; on la trouve dans toute l’Europe ; dans le Nord, on en fait un vin appelé vermouth.
Il y a deux sortes d’absinthe : la grande absinthe, appelée absinthe romaine ; la petite appelée absinthe pontique ou petite absinthe ; on connaît aussi cette plante sous le nom d’absinthe marine, on mange avec plaisir celle qui vient sur le bord de la mer et sur les montagnes, et c’est à cette dernière surtout, que la chair des animaux doit ce goût si estimé des gourmands connu sous le nom de pré-salé.
Quoique tous les dispensaires vantent l’absinthe comme fortifiant l’estomac et aidant la digestion, quoique l’école de Salerne recommande l’absinthe comme un préservatif du mal de mer, il est impossible de ne pas déplorer les ravages que l’absinthe a fait depuis quarante ans, parmi nos soldats, et parmi nos poètes, et il n’y a pas un chirurgien de régiment qui ne nous dise que l’absinthe a tué plus de français en Afrique que la flitta, le yatagan, ou le fusil des Arabes.
L’absinthe, parmi nos poëtes bohèmes, a reçu le nom de muse verte ; plusieurs qui n’étaient pas des derniers, par malheur, sont morts des embrassements empoisonnés de cette muse. Hégésippe Moreau, Amédée Roland, Alfred de Musset, notre plus grand poëte après Hugo et Lamartine, ont succombé au désastreux effet de cette liqueur.
Cette fatale passion de Musset pour l’absinthe, qui peut-être d’ailleurs a donné à ses vers une si amère saveur, a fait descendre la grave Académie au calembour par approximation ; en effet, de Musset manquait beaucoup de séances académiques, ne se reconnaissant point en état d’y assister.
« En vérité, dit un jour à M. Villemain un des quarante, ne trouvez-vous point qu’Alfred de Musset s’absente un peu trop ?
-Vous voulez dire s’absinthe un peu trop. »
Mais l’absinthe a pour elle un défenseur compétent, c’est l’auteur des Mémoires de la marquise de Créqui, lequel prétend qu’un petit verre d’absinthe au candi ne peut qu’aider à la digestion. Voici la recette qu’il donne :
Crème d’absinthe au candi. Prenez eau-de-vie, 8 litres ; sommités d’absinthe rectifiée, 500 grammes ; zestes de 4 citrons ou oranges, eau de rivière ; sucre, 3 kilogrammes 500 grammes.
Vous distillez au bain-marie l’eau-de-vie, l’absinthe et les zestes, pour retirer quatre litres de liqueur ; lorsque le sucre est fondu, vous opérez le mélange que vous filtrez.
L’absinthe est défendue maintenant dans toutes les cantines militaires.
Alexandre Dumas, Le Grand Dictionnaire de cuisine.
Un commentaire pour “La fée verte”
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10/09/2008
Les fées vertes sont de retour … et elles sont nombreuses 🙂
Vous pouvez les retrouver sur les pages facebook de la Distillerie de Provence : https://www.facebook.com/creme.absente …
Les photos des fées seront aussi exposées cet été sur des toiles de plus de 2m dans les rues de Forcalquier, à l’UESS : l’Université Européenne des Saveurs Senteurs, et à Paris en 2012.
A suivre 🙂