« Sade, mauvais genres ? »
« Sade, mauvais genres ? »
Ouvrage collectif dirigé par Isabelle Goncalves et Sylvain Martin.
La décennie 2010-2020, portée par la commémoration du bicentenaire de Sade (2014), a vu la recherche universitaire explorer le rapport de Sade aux femmes dans un ouvrage collectif (Coudreuse-Genand, 13, Genand, 14), de nouvelles présentations, ou transcriptions, de ses lettres, mettant le féminin à l’honneur, ou prenant partie pour une féminisation de Sade, furent éditées, (Cécile Guilbert-Pierre Leroy, 2009), ainsi qu’une nouvelle biographie réinterprétant de manière valorisante le rôle de Mme de Sade (Genand, 18, voir également Giraudon 21). Des articles de presse réfléchirent à la possibilité de lire Sade dans la tourmente (Jean-François Gau, 14, Goncalves, 24), voire s’interrogèrent sur la pertinence à lire Sade et à le confronter à notre contemporain (Taibi, 19), d’autres médias s’en emparèrent (Lotterie, 19, Halazy-Baudoin, 21). Des études renouvelèrent également la vision du personnage féminin le plus consensuel (Genand, 15), la compréhension des effets de la lecture de Sade sur les femmes (Abramovici, 2013, Delon, 20), ou encore la place, le rôle et la fonction de la lectrice de Sade (Goncalves, 19, 23).
S’il est évidemment souhaitable de poursuivre ces travaux en établissant un nouvel état des lieux, et, notamment, de renouveler l’approche du féminin chez Sade – réfléchie il y a maintenant dix ans – à l’aune d’une décennie qui vit apparaître le néologisme de « féminicide » et divers témoignages de prédation masculine, il convient désormais de s’interroger également sur le « genre » de et chez Sade. Les études sadiennes ne peuvent tenir le concept-phare de notre époque à l’écart. Si le genre chez Sade fut brièvement exploré lors d’une journée d’études (Genand, 22), on note surtout l’absence de cet auteur, chantre pourtant de la labilité sexuelle et genrée dans le dernier numéro de la revue Dix-huitième siècle consacré au genre (23).
Le présent ouvrage Sade souhaite par conséquent proposer d’une part un nouvel état des lieux du rapport de Sade aux femmes, objet qui a émergé tardivement dans les études sadiennes, en établissant un bilan de la riche décennie écoulée en ce qui concerne les études féministes et de genre et, vice-versa, d’explorer davantage le rapport des femmes à Sade, la possibilité d’une lecture de Sade au prisme du genre, sans oublier de réinterroger le masculin chez Sade de manière plus genrée et moins univoque. La perspective choisie, « Sade, mauvais genres », permet d’envisager plusieurs aspects autour de cette notion, le « mauvais genre » ayant partie liée au « mauvais goût », objet d’étude fécond des dernières années. Et il paraît tout aussi pertinent de cerner le féminin chez Sade comme un « mauvais genre » possible.
Outre ce qui précède, diverses pistes peuvent être suggérées autour du « mauvais genre » :
· Mauvais genre littéraire
· Mauvais goût
· Sade, mauvais garçon
· Avoir mauvais genre
· La femme comme le mauvais « genre » chez Sade
· Le lecteur sadien est-il un mauvais genre de lecteur ? (Decout, 21)
· Le genre féminin chez Sade
· La place du féminin
· Existe-t-il une nature féminine sadienne ? (Badinter, 22)
· Peut-on lire Sade avec un female gaze ?
· Comment Sade revisite-t-il nos catégories de genre ?
· Les écrits sadiens passent-t-il le test de Bechdel ?
· Les aléas du masculin chez Sade
Le présent appel vise particulièrement les contributions à la partie analyses thématiques mais ouvre plus largement aux chercheurs, écrivains et spécialistes, désireux d’intervenir dans la rubrique de création littéraire.
Une bonne connaissance de Sade est attendue. Les grandes lectrices de Sade (Le Brun, Frappier-Mazur, Chatelet, Thomas, Carter…) sont également importantes. Lire la suite »
Les voiles du désir féminin
La représentation du désir sexuel féminin dans le roman de mœurs du second XIXe siècle soulève des enjeux cruciaux: elle fait apparaître les paradoxes d’un second XIXe siècle écartelé entre des visions des femmes contradictoires, créatures hantées par la sexualité ou vierges-mères; elle nous renseigne sur les processus de construction des genres masculins et féminins; elle nous fait réfléchir aux scandales d’hier et d’aujourd’hui que suscitent le corps féminin désirant et les regards portés sur lui; elle interroge la poétique du roman de mœurs et ses prétentions à l’objectivité.
Ces romans ambitionnent de tout dire du réel, revendiquant une rationalité scientifique. Et pourtant, ils se livrent lorsqu’ils abordent le désir féminin à un voilage stylistique, exigeant du lecteur un travail de décodage.
Nous avons entrepris d’analyser ce voile de mots qui recouvre les corps féminins, afin de percer les ressorts de cette mauvaise foi. La méthode sociocritique permet de montrer les interactions entre nos romans et les différents discours sociaux de leur temps (médicaux, religieux, juridiques ou encore pédagogiques), et ainsi de faire apparaître des imaginaires sociaux complexes et cohérents du désir féminin, dont les romans tout à la fois reconduisent et déjouent les stéréotypes.
Dans les textes littéraires, les théories scientifiques se muent en matériaux poétiques, et le double sens devient un véritable art. Ces représentations érotiques obliques font des descriptions du désir féminin un terrain miné de sous-entendus, élaboré le plus souvent par et pour des hommes. Certains romans ménagent toutefois déjà une place à une parole et à un regard de désir au féminin, voire par-delà le genre.
Lucie Delarue-Mardrus
Les poètes de métier
Du menuisier Adam Billaut au boucher Joseph Ponthus, du dentiste Marmont au docteur Camuset, du cordonnier Magu à Cochon de Lapparent, nombreux sont les poètes qui ont évoqué leur profession dans leurs vers. Certains en ont fait des ouvrages didactiques, comme les enseignants de géographie, d’histoire ou de grammaire, d’autres de simples moments de plaisir partagé, comme le pharmacien Pascalon. Leurs œuvres sont tantôt ambitieuses, comme celle de l’avocat qui réécrit le Code civil en vers, tantôt émouvantes, comme les poèmes pacifistes d’un ancien officier. Tous ces écrivains, amateurs ou confirmés, ont cependant en commun d’être ceux que ce livre désigne, avec une ironie bienveillante, comme des « poètes de métier ». En quatre chapitres, Paul Aron esquisse de façon inédite une histoire de ces échanges entre profession réelle
et art poétique. Mêlant érudition et humour, il dévoile ainsi un continent méconnu de l’histoire littéraire.
Paul Aron est docteur en philosophie et lettres de l’Université libre de Bruxelles. Il est directeur de recherche honoraire au Fonds national de la recherche scientifique (FNRS) et professeur de littérature à l’Université libre de Bruxelles. Il s’intéresse à l’histoire de la vie littéraire, principalement des XIXe et XXe siècles, aux relations entre les arts et entre les médias de presse, la vie politique et l’histoire culturelle et journalistique Lire la suite »
Les Ombres et les idées
Traduction de Sébastien Galland et Tristan Dagron
Le traité Des ombres des idées (1582) est la première œuvre publiée connue de Giordano Bruno. Son objet va bien au-delà du seul contexte des arts mnémoniques. Bruno y expose une théorie de la connaissance sous la forme d’un traité de l’ombre qui s’appuie sur une théorie physique de la vision, celle du clair-obscur des peintres, différente de la perspective linéaire et de la conception géométrique de l’espace de la représentation : la vision suppose, outre la couleur (c’est-à-dire l’ombre ou le visible), à la fois un milieu qui reçoit la couleur (le diaphane) et un agent qui l’actualise (la lumière). Cette théorie physique sert de modèle à une théorie originale de la connaissance dans laquelle les ombres idéales correspondent aux espèces mentales, qu’elles soient sensibles, imaginatives ou intelligibles, autrement dit à la forme postérieure à la chose (post rem). Au plus près de la lettre d’Aristote et de son commentaire par Averroès, Bruno propose ainsi une conception décentrée du sujet de l’intellection, aussi bien que de la vision.
Ultima Necat Journal intime VI (1996-1997)
Édition établie par Anne Sefrioui.
« J’ai mis la clé sous le siècle et j’ai claqué la porte. »
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La parution des deux derniers volumes d’Ultima Necat vient achever la publication du journal intime de Philippe Muray, à la fois mémento vivant, confessionnal et atelier d’une vision négative et déchaînée du monde, mené par une langue crue et un humour cinglant.
Le cinquième volume couvre les années 1994 et 1995, caractérisées par le long chantier de son roman, On ferme, dont l’écriture est constamment interrompue par des travaux alimentaires et ponctuée de phases de profond découragement. Comme dans les tomes précédents, le lecteur découvrira avec délice de saisissants portraits d’écrivains (Hallier, Sollers, Kundera, Houellebecq), de subtiles analyses d’événements politiques (la fin du mandat présidentiel de Mitterrand, le procès Papon) de même que des observations implacables et mordantes sur le monde qui l’entoure.
Le sixième et dernier volume couvre les années 1996 et 1997, qui marquent un tournant pour Muray, puisque paraissent enfin On ferme ainsi que les deux premiers volumes de ses Exorcismes spirituels. Par la suite, de son propre aveu – « le coeur n’y est plus », écrit-il en 1998 –, le Journal cessera d’occuper une place centrale et se réduira à des notes « pour mémoire », désormais sans projet littéraire.
Philippe Muray, interpellé par l’utilisation générique du terme « XIXᵉ siècle » pour définir et mesurer les aventures de l’espèce humaine au XXᵉ, comme une sorte de Nombre d’Or des temps modernes, a entrepris de déchiffrer les codes communs du socialisme, de l’occultisme et des diverses formes de religions du progrès, dissemblables sinon opposées en apparence, mais en réalité toutes apparentées. Quarante ans après sa première publication, Le XIXᵉ siècle à travers les âges reste d’une originalité inouïe et d’une actualité brûlante.
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Philippe Muray (1945-2006) est un essayiste et romancier français connu pour son grand talent de polémiste. L’intégralité de l’œuvre de Philippe Muray est en cours de publication, aux Belles lettres, son éditeur historique. Les Essais, regroupant sept de ses ouvrages phares, ont été publiés en 2010. Plus récemment : Postérité (roman, 2014) et La Gloire de Rubens (essai, 2013) ont rejoint notre catalogue