Bon chic Mauvais genre #104
BON CHIC MAUVAIS GENRE est votre soirée double programme consacrée au cinéma transgressif, délirant, rare et précieux – programmée par les projectionnistes du cinéma Le Majestic de Lille en partenariat avec la revue Distorsion. Nous revenons ce vendredi 7 janvier autour d’une thématique « serial-killer ». Mais attention : ce ne sont pas des serials-killers comme les autres !
Car nos tueurs tuent -c’est bien normal – mais au nom d’un idéal !
Nous commencerons d’abord par le film LES AMANTS DE LA LUNE DE MIEL, tiré d’un fait divers réel, qui nous plongera dans la désolante Amérique des années 60, ave un couple d’arnaqueurs très amoureux mais dont le parcours va vite devenir sanglant. Un film très étonnant, défendu à l’époque par Truffaut et Antonioni et dont l’aura culte et singulière brille encore de nos jours. Et ici, on tue au nom de l’Amour !
Changement de décors ensuite avec le somptueux et aussi cultissime L’INCINERATEUR DE CADAVRES, film parfaitement somptueux explorant la montée du nazisme et la description de la société bourgeoise, mais dans une perspective tout autre puisque notre tueur tue au nom de… Non, je ne vais pas vous le dire, vous découvrirez ça en salle. Mais je vous promet que vous allez tomber de votre fauteuil à force de beauté et d’étonnement !
Et si vous ne connaissez aucun de ces deux films,, on va tout vous expliquer ci-dessous. Suivez le guide…
18H15 : LES TUEURS DE LA LUNE DE MIEL de Leonard Kastle – USA – 1970 – 107min – VOSTFR- copie numérique (dcp).
Avec : Shirley Stoler, Tony Lo Bianco, Mary Jane Highby, Doris Roberts, Kim McArdle, Marilyn Chris, Dortha Duckworth, Barbara Carson, Elsa Raven…
Martha, une jeune infirmière obèse et autoritaire, cherche l’amour. En passant des petites annonces sentimentales dans les journaux, elle rencontre Ray, playboy à la petite semaine. Il n’empêche, Martha et Tony tombe éperdument amoureux.
Mais Tony continue de publier des petites annonces dans les rubriques « rencontre » des journaux locaux. Car avec l’aide de Martha, il sélectionne ses victimes (vieille fille, femme seule et/ou déboussolée, etc.) afin de les séduire puis dérober leurs économies.
Jusqu’au jour où le couple passe à la vitesse supérieure et commettent leur premier meurtre…
Le tournage des AMANTS DE LA LUNE DE MIEL n’as pas été de tout repos. Confié à Martin Scorcese (dont ça devait le premier film), celui-ci jette l’éponge au bout d’une semaine suite à des différents artistiques avec le scénariste. On confie alors le film à un deuxième réalisateur qui ,à son tour, quitte le navigue. Curieusement, le film échoue dans les mains de Leonard Kastle, dont ce sera l’unique film ; Kastle n’a pourtant rien d’un cinéaste : homme de musique avant tout, compositeur et chef d’orchestre, il réussit néanmoins à surprendre avec ce film tout à fait singulier.
Le film n’a rien à voir avec la beauté virtuose de L’INCINERATEUR DE CADAVRES (voir ci-dessous). Filmé dans une lumière crue et naturelle, Kastlese met dans une distance froide par rapport à ses personnages même si ceux-là ne sont pas non plus désincarnés, loin de là. Le style est relativement réaliste et on pense parfois (de loin !) à la Nouvelle Vague, ce qui est assez inattendu surtout dans le contexte de l’époque. Une singularité que l’on retrouve dans le couple principal : Shirley Stoler compose un personnage ambigu qui, sous des abords banals, relève une sensualité étrange et remarquable. C’est la même chose avec Tony Lo Bianco. Kastle semble vouloir faire un couple à l’opposé de BONNIE AND CLYDE, à L’opposé des beaux gosses Dunaway et Betty, en imposant des interprètes bien loin, dans le ton et dans le physique, des standards hollywoodiens et même des standards du film noir. Ce couple borderline oscille entre pathétique et folie partagée, mais n’apparait jamais grotesque. A travers leur parcours criminel et amoureux, le film dresse le portrait d’une Amérique décevante qui ne peut conduire qu’à la frustration et même encore plus à une solitude cosmique. Le besoin d’amour qui innerve l’héroïne ne sera jamais rassasié et comblé, et notre couple n’aura d’autre solutions que de se replier et se mettre hors du monde…
20H15 : L’INCINERATEUR DE CADAVRES (Spalovac Mrtvol) de Juraj Herz– Tchécoslovaquie – 1969 – 95 min – copie numérique (dcp).
Avec : Rudolf Hrusinsky, Vlasta Chramostova, Jana Stehnova, Milo Vognic, Zora Bozinova, Ilja Prachar, Eduard Kohout, Jiri Menzel….
En Tchécoslovaquie, à la veille de la seconde guerre mondiale et de l’occupation du pays par les nazis, Monsieur Kopfrkingl vit une vie des plus bourgeoises et des plus paisibles. Parfaitement intégré à la bonne société, d’apparence affable et normale, il mène l’existence des personnes aisées de son époque, entre une femme obéissante et soumise et des enfants qui filent droit.
Il vit une véritable passion à son métier. En effet, Monsieur Kopfrkingl dirige un crématorium et plus qu’une activité commerciale qu’il exerce avec rigueur, ce métier est aussi un sacerdoce : pour lui, l’homme ne pourrait s’élever après la mort et trouver les chemins de la réincarnation sans que le processus de crémation soit précisément mené.
Il croise alors un de ses amis, ancien compagnon d’arme et sympathisant nazi qui lui suggère qu’il pourrait avoir dans les veines du sang allemand. L’idée obsède petit à petit Kopfrkingl et sa vision du monde commence à changer radicalement…
Film très défendu par les cinéphiles français depuis plusieurs décennies, L’INCINERATEUR DE CADAVRES est un long-métrage radical et extrêmement surprenant qui n’a aucun autre équivalent.
Filmé dans une photo noir et blanc superbe et presque ludique, le film frappe d’abord par sa description impressionniste et précise de la moyenne bourgeoisie à la veille de l’effroyable expérience nazie qui s’annonce. Le spectateur est vite happé par cette vision très subjective de l’époque, et cela est également dû à l’interprétation phénoménale de l’interprète principal Rudolf Hrusinsky qui compose un portrait hallucinant de cet incinérateur parfaitement intégré certes, mais qui, sans qu’on sache pourquoi, nous met mal à l’aise. Est-ce sa vision du monde contemporain ? Ou alors ses conversations banales menées d’un ton badin ? Est-ce son regard un peu intéressé et vitreux ?Ou alors, peut-être nous dérange-t-il à cause de son métier insolite ou parce qu’il incarne la quintessence petite-bourgeoise dans toute son amabilité et sa violence cachée ?
Il est dur de trancher, mais ce qui est sûr c’est que le film nous transporte sans difficulté et nous fait craindre ce qui se cache sous la surface lisse et policée de cette société « parfaite ». Il se dégage un sentiment de danger, d’ironie drôlatique aussi parfois et surtout un sentiment d’horreur alors même qu’il ne s’est encore rien passé ! Rien que pour ça, L’INCINERATEUR DE CADAVRES vaut le déplacement et justifie pleinement sa réputation de chef-d’oeuvre.
Je ne vous dévoilerais pas ici au nom de quoi les meurtres du film sont perpétrés (spoiler « ca finit mal »), mais il faut souligner l’incroyable beauté du film. En plus de la photo que nous évoquions plus haut, le film bouscule nos sens au travers d’un cadrage subtile et surprenant, d’un jeu sur le son absolument magnifique et d’un montage parfois hallucinant qui se permet nombre d’audaces: un plan séquence qui relie deux endroits que tout oppose, un point de montage qui permet de montrer deux scènes en même (sans que ce soit du montage parallèle!), etc. Ca n’arrête pas : les audaces et les fulgurances se multiplient, la violence monte en tourbillon jusqu’à la folie. Un très grand film…
Dr Devo.
Dress-code de la soirée (4 dvd à gagner pour le meilleur déguisement !): femme/homme au foyer désespéré, tueur, croque-mort, soldat, petit/moyen/grand bourgeois, amoureux/amoureuse transi(e), bonimenteur, phénomène de foire, freak, petite fille ou petit garçon modèle, tout ce qui a rapport aux USA ou à la Tchécoslovaquie, Laurent Delahousse ou spectateur du Majestic. Les prix pour le concours de déguisement sont donnés au début de la deuxième séance !
Retrouvez BON CHIC MAUVAIS GENRE sur Twitter !
Prochain BON CHIC MAUVAIS GENRE: le 7 janvier 2022.
Laisser un commentaire
7/01/2022