Habiter
“Habiter”, ce sont cinq textes très différents, pour explorer, par les voies du poème et de la prose, des manières d’habiter, d’investir l’espace, de le rêver, de le penser et de s’en souvenir. « Lieu favorable » trame des souvenirs, les images ténues, crépusculaires parfois, venues de l’enfance. On y devine une vieille ferme, une « maison de paille » disparue, des silhouettes enfantines. Dans « l’annonce », une quête impossible déploie ses questions, dans l’énergie d’un inventaire sans fin, celui d’un lieu où l’on pourrait vivre. Les « 144 fragments pour habiter » s’ouvrent comme une rêverie accompagnée, tissée de micro-récits, de lectures, de voix citées, traces & trajets, pour explorer ce qu’habiter engage. « Ailleurs » offre le portrait d’une maison perdue dans les arbres, en écho à l’impossible quête qui fut celle de H.D. Thoreau et « la cabane », poème qui clôt le livre, suggère l’horizon pacifié d’une forme souple, légère, amicale : la cabane où respirer, jouer avec les formes, défaire, reprendre et continuer. En écho, l’ouverture des façades et des paysages de Jérémy Liron, l’intensité de leur couleur, relance et déplace les points de vue. De césures en reprises, l’obstination du regard approfondit l’enquête. Dans l’espace du livre, habiter ne s’invente pas seul.
Imaginons un livre qui ferait le récit d’un amour par la traversée de ses chambres, la première chambre, une chambre sans caractère dans un hôtel de campagne, les chambres étrangères, en voyage, l’appartement dans un immeuble du XVIe siècle, dans le quartier Saint-Jean de Lyon et pour chacune de ces chambres l’emplacement du téléphone, la petite table sur laquelle l’appareil est posé, le sol, parqueté, et la longueur du fil qui permet que la voix s’emporte jusq’ua u lit, mais ce récit tu ne le feras pas, car de ces chambres ta mémoires défaillante n’a presque rien sur retenir.
Les maisons de passage. On ne réussit à y inscrire que des empreintes partielles, indécises, troublées par le désir qu’on aurait parfois de s’y enraciner plus profondément, d’une inscription rouée à s’approfondir, se transformer, dans une durée pacifiée, partageable.
Ce noeud de broussailles percées, qu’épuisent les restes d’enfance, ou plutôt ce qui d’enfance s’obstine sous la forme du manque.
Sereine Berlottier Habiter. Traces & trajets. illustrations de Jérémy Liron. – Les Inaperçus, 137 pages, 17 €
Le Préfet maritime en parle là :
http://www.alamblog.com/index.php?post/2019/07/26/Habitants-que-nous-sommes
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13/04/2020