René Crevel, le suicidé
René Crevel, Le suicidé de la Littérature
La Manouba, Tunis, Tunisie
29-30 octobre 2020
Rarement la littérature aura mis en scène à ce point le motif du suicide: suicide raconté, suicide programmé, suicide recommencé. Dans la production littéraire de René Crevel, le suicide tient lieu de scène initiale, de scène de transfert, où l’enfant est amené par sa mère en vue d’assister au cadavre du père suicidé. De livre en livre, Crevel raconte, transpose, réécrit cette scène fondatrice, à la fois pour différer et programmer son propre suicide.
Rarement encore, le suicide comme séquence du roman familial et séquence du roman de la personne, aura épousé à ce point les contours de l’histoire politique et les contours de l’histoire littéraire; à tel point que le suicide de Crevel, en marge du premier congrès de l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires (1936) est qualifié par N. Brandier de geste de journaliste génial. Par ce suicide, l’AEAR et le Surréalisme en mal de visibilité, accèdent à la notoriété publique et font date dans l’histoire du champ culturel. Le geste définitif scelle le divorce désormais de l’avant – garde politique et de l’avant-garde esthétique.
Et, sournoisement, cependant, cet auteur qui vit de sa mort et de ce qu’il se donne la mort, et qui est l’auteur (dans tous les sens, et suivant une textualité sans limites) de sa propre mort, n’est autre que celui qui voit avancer la maladie méchante en lui (tuberculose) et le péril fasciste autour de lui. Son angoisse est l’angoisse propre de celui qui sait qu’il va mourir et convainc qu ‘on veut le faire mourir et qui, ne reculant pas devant la finitude, devance la finitude, crée du sens sacrificiel, cérémoniel. Il importe donc d’interroger ce geste et sa mise en scène, le geste du suicidé en tant que mise en scène, depuis une Tunisie précipitée dans les remous politiques et les affres de la modernité politique par cet autre geste de suicide génial commis par un certain Mohamed Bouazizi, voilà près d’une décennie.
On proposera les axes de réflexion suivants:
1) Le club des suicidés: Si le suicide n’est pas une invention moderne, qu’est ce qui a mené les surréalistes à le considérer comme un problème du moderne, point de jonction de la vie et du rêve, de l’art et de l’action, qui marque les oeuvres comme les acteurs du mouvement?
2) Le suicidé par naissance: Quels mécanismes textuels lient la fable du suicide chez Crevel au(x) référent(s) biographique(s) quand, de livre en livre, le même signifié de la mort est orchestré à chaque fois avec un personnage différent, un autre signifiant (le père, le fils, Pierre, Daniel, Moi…). Quel(s) statut(s) et quelles frontières octroyer à la fiction de l’auteur qui se donne la mort dans le livre et dans la vie, dans le livre d’après la vie et dans la vie d’après le livre?
3) Le suicidé de la société: Comment la mise à mort réitérée de soi peut-elle être en tous points symbolique? Oeuvre d’art totale ou mort de l’art? Stratégie surréaliste d’infiltration du champ culturel ou échec de la conciliation du pan individuel et du pan collectif de l’expérience littéraire, de la révolution esthétique et de la révolution politique?
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Les communications qui prêteront attention non seulement aux écrits biographiques, mais aussi aux écrits pamphlétaires ou poétiques de l’écrivain seront les bienvenues.
Les propositions ne devront pas excéder les 400 caractères, et sont à envoyer au plus tard le 30 Juin 2020 à l’adresse suivante :
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BIBLIOGRAPHIE:
– Thierry Aubert, « Le Surréalisme et la mort », L’Age d’Homme, 2001.
– Norbert Brandier, « Sociologie du Surréalisme (1924-1929) », Éditions de la Dispute, 1999.
– Hélène Matte, « Rouge Surréaliste: Le suicide chez les avant – gardes, Œuvre d’Art totale? », art actuel, n.101.
– Georges Sebbag, « Foucault Deleuze. Nouvelles impressions du Surréalisme », Hermann, 2015.
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COMITE SCIENTIFIQUE:
– Jean-Michel Devésa, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université de Limoges, France;
– Zinelabidine Benaissa, Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités, Université de La Manouba, Tunisie.
– Rym Abdelhak, Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités, Université de La Manouba, Tunisie.
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4/04/2020