Solidarité avec les prisonniers et prisonnières
« Il faut qu’on bloque en promenade ! »
Le 19 mars, l’Envolée, journal et émission anticarcérale écrivait :
Face à la gravité de la situation, à partir du lundi 23 mars, L’Envolée va diffuser à 19h une émission quotidienne d’un quart d’heure sur FPP (106.3 Mhz sur la bande FM à Paris) pour faire circuler l’information sur ce qui se passe dans les prisons françaises. Nous y lirons les messages qui nous seront envoyés au 07.52.40.22.48. Nous maintenons par ailleurs l’émission du vendredi, entre 19 heures et 20 heures 30.
Un prisonnier âgé de 74 ans incarcéré à Fresnes dix jours auparavant est mort hier du Covid-19. Le même jour, les parloirs ont été supprimés dans toutes les prisons françaises. Aucun moyen de maintenir le lien avec leurs proches n’a été fourni aux prisonnier.e.s. Les activités, sportives et autres, ont également été supprimées. Dans les centres de détention en régime « portes ouvertes », où les prisonniers peuvent circuler dans tout leur étage pendant la journée, les cellules sont maintenant fermées. Les prisonnier.e.s resteront enfermés 22 heures sur 24 en cellule, le plus souvent à trois dans 9m².
Face à cette situation intolérable, des mutineries ont éclaté dans de nombreuses prisons. A cette heure, nous avons connaissance de mouvements à Aiton, Angers, Douai, Epinal, Grasse, La Santé, Lille-Sequedin, Maubeuge, Metz, Montauban, Nancy, Perpignan, Saint-Etienne, Toulon, Valence et Varennes-le-Grand. Les Eris (Équipes régionales d’intervention et de sécurité – GIGN des prisons) sont intervenues dans plusieurs de ces taules, et à Grasse, les matons ont tiré.
Les prisons pour étrangèr.e.s subissent les mêmes restrictions : plus de parloirs pour quinze jours au moins. Comme les associations se sont retirées de certains Centres de rétention administrative (CRA), les prisonnier.e.s ne sont plus soutenu.e.s dans leurs démarches juridiques. L’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration) qui fournit habituellement le tabac et les recharges téléphoniques ne vient presque plus dans les centres, ce qui produit une situation critique. Les préfectures continuent d’expulser vers les pays qui n’ont pas interrompu leurs liaisons aériennes avec la France. Si les préfectures et les juges ont commencé à libérer des prisonnièr.e.s, souvent pour motif sanitaire, les rafles et les arrestations continuent. Certaines prisons pour étrangers continuent donc de se remplir. Des révoltes et des mouvements collectifs ont eu lieu dans les centres du Mesnil-Amelot (communiqué1, communiqué2), de Lille-Lesquin (communiqué), de Lyon-St-Exupéry (témoignage), de Metz et de Vincennes (communiqué), et peut-être d’autres encore dont nous n’avons pas eu connaissance : grèves de la faim, départs de feu, évasions, blocages de la promenade…
Nous diffusons ici des vidéos reçues hier de la prison de la Santé. Il est essentiel que les enfermés puissent faire sortir les nouvelles du sort qui leur est fait par la pénitentiaire. Tenez-nous au courant par tous les moyens à votre disposition.
Face à la gravité de la situation, à partir du lundi 23 mars, L’Envolée va diffuser à 19h une émission quotidienne d’un quart d’heure sur FPP (106.3 Mhz sur la bande FM à Paris) pour faire circuler l’information sur ce qui se passe dans les prisons françaises. Nous y lirons les messages qui nous seront envoyés au 07.52.40.22.48. Nous maintenons par ailleurs l’émission du vendredi, entre 19 heures et 20 heures 30.
Soutien aux prisonnier.e.s et à leurs proches !
Force et détermination !
La vidéo de la Santé est à retrouver ici : http://lenvolee.net/wp-content/uploads/2020/03/La-santé-Covid19.mp4
Le 22 mars, l’Envolée encore relayait ces messages :
Nous donnions hier, mercredi 18 mars, des informations sur les premières conséquences du confinement dans l’article Le Covid-19: la prison dans la prison. La première mesure de confinement national annoncée par le ministère des tribunaux et des prisons a été en effet de suspendre les parloirs partout sur le territoire, suspendre les activités, limiter les mouvements en détention. Alors qu’à l’extérieur les travailleurs et travailleuses sont encore incitées à se rendre sur leur lieu de travail pour faire tourner l’économie ; alors que les surveillants et surveillantes rentrent et sortent des prisons tous les jours ; alors que nous sommes et toutes incités à respecter des « gestes barrières »… la première décision pour des prisonniers et prisonnières déjà isolées, a donc été de durcir encore les conditions d’isolement. Plus de parloirs, mais toujours autant de promiscuité en cellule.
Il n’y aurait pourtant qu’une mesure à la hauteur de la situation : vider les prisons !
Nous relayons ici divers appels à agir lancés sur les réseaux entre le 18 et 19 mars, par des prisonniers de différentes prisons en région parisienne et en France.
Message à tous les prisonniers de France
Demain il faut que l’on descende tous en promenade et que l’on bloque. Si toutes les prisons bloquent en même temps, ils seront obligés de faire quelque chose, ils peuvent transférer personne et ils ne peuvent pas pénétrer dans l’établissement par peur.
Le virus se propage, déjà que nous sommes incarcérés, ils nous coupent les parloirs, ce n’est pas possible et inacceptable donc montrons-leur notre mécontentement.
Soyons solidaires car si ce n’est pas nous qui faisons quelque chose, eux ne feront rien pour nous. À la télé, ils n’ont même pas parlé de nous ; pour eux, nous ne sommes même pas des citoyens mais quand il s’agit de voter, ils nous envoient les papiers en cellule.
Blocage aujourd’hui
On a peur de mourir du corona virus, on est traumatisés… Et on reveut nos parloirs ou au moins un visiteur par détenu.
Toutes les prisons de France, tous en promenade aujourd’hui.
À la ronde de 5 heures, débouchez pas vos œilletons, tous les gens qui sont au hebs.
Demain, faut que tout le monde bloque sa mère.
Comment ça nous on a plus de parloirs, on a plus le droit de voir nos familles alors que, eux, ils rentrent le soir voir leur mari, femme, enfants, et après le lendemain, ils nous ramènent plein de corona virus au hebs ?
Si on est bloqués ici, il faut qu’ils soient bloqués avec nous ces fdp de hesses.
Plus de parloirs = plus de shit
Plus de shit = détenus pas contents
Détenus pas contents = la guerre !!!
Faites tourner partout
Fais une annonce dans ta story pour que toutes les prisons de France bloquent les promenades jusqu’à que l’état cède à un parloir par semaine minimum.
On est ensemble À tous les frérots en prison : à partir du jeudi 19 mars, il faut qu’on bloque en promenade et tous les jours jusqu’à que l’état nous accepte au minimum un parloir par semaine. Faut qu’on se fasse entendre et c’est bien plus haut que l’administration pénitentiaire, c’est l’état qui dirige. Il faut faire du bruit, il nous dise que c’est pour quinze jours alors qu’ils savent très bien que c’est parti pour plusieurs mois. Ils nous privent de la seule liberté qui nous reste : la visite de notre famille. Pour les frérots en prison, faites tourner : il faut bloquer les promenades à partir de jeudi 19 mars ? Merci et oubliez pas : l’union fait la force, ensemble on y arrivera.
Ils parlent pas des détenus, avec la saleté des prisons, le virus ne va pas partir comme ça. Ils sont touts ensemble confinés. Ouaï, ouaï, c’est dangereux pour les frères et sœurs enfermés… Faut qu’il y ait un putain de syndicat ou je sais pas quoi, qu’il ouvre son q.
Libérez un peu les prisons de la surpopulation carcérale !!!
On veut déjà que les surveillants soient contrôlés à chaque entrée de prison, parce que ça nous fait tous peur ; on en parlait tous en bas. Au moins leur fièvre, devant chaque entrée de prison ; parce que c’est eux qui vont nous le refiler. Tous les gens qui rentrent en prison, aussi, qu’ils soient contrôlés à l’entrée, avec un registre… et qu’ils débloquent les parloirs, au moins ! Et si vraiment, pour raison sanitaire, ils arrivent pas à débloquer, qu’ils distribuent des lessives à tout le monde… qu’ils trouvent une solution. Parce qu’on veut voir nos familles, y a notre linge à laver… y a plusieurs choses, en fait. Montrez-leur [les vidéos] ! Parce que c’est pas bien, ce qu’ils ont fait hier, les Elac [équipes locales d’appui et de contrôle] ! Et au final, là, ils ont fait des transferts disciplinaires, en pleine nuit, ils ont cassé des gars. Ils ont enc… des gens dans leurs cellules… Laisse tomber, c’est des bâtards !
A tous les frérots en prison à partir du jeudi 19 mars, il faut qu’on bloque en promenade et tous les jours jusqu’à ce que l’état nous accepte au minimum un parloir par semaine. Faut qu’on se fasse entendre et c’est bien plus haut que l’administration pénitentiaire : c’est l’état qui dirige. Il faut faire du bruit. Ils nous disent c’est pour quinze jours alors qu’ils savent très bien que c’est parti pour plusieurs mois. Ils nous privent de notre seule liberté qui nous reste : la visite de notre famille. Pour les frérots en prison. Faites tourner : il faut bloquer les promenades à partir de jeudi 19 mars. Merci et oubliez pas l’union fait la force ! Ensemble, on y arrivera !
Le 22 mars, les prisonniers du centre de détention d’Uzerches montent sur les toits pour exiger des mesures contre l’épidémie.
À l’attention de
M. le président de la République,
Mme Belloubet, ministre de la Justice,
M. Bredin, directeur de l’Administration pénitentiaire,
Mme Hanicot, directrice de la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes,
M. Astruc, procureur de la République à Rennes,
ainsi qu’à tous les directeurs de prison.
Nous, détenus, bloquons les prisons de France.
Nous, détenus, sommes inquiets concernant le Covid-19 pour nos familles, nos proches et nous-mêmes. Nous vivons une crise sanitaire sans précédent et le sentiment de peur est décuplé, comme tous les sentiments en prison. Nous détenus de France demandons que des règles d’hygiène strictes soient imposées à l’ensemble du personnel de l’établissement ; que la promiscuité entre nous et le personnel, comme partout ailleurs en France, soit interdite et que si cela n’est pas possible, que le personnel porte gants et masques. Nous détenus de France, demandons un plan d’action sanitaire en cas de contamination au sein de chaque centre pénitencier.
Nous, détenus, accusons le système judiciaire et carcéral de nous mettre en danger de mort et demandons immédiatement le désengorgement de toutes les prisons en libérant les fins de peine et les détenus considérés comme non dangereux pour notre société afin de ne plus jamais dépasser la capacité d’accueil des prisons. Nous demandons à ce que vous soyez vigilants de telle sorte à ne plus jamais nous entasser au point de dormir par terre, et ce en vous assurant dorénavant de bien réguler les prisons pour incarcérer dans des conditions dignes d’un pays tel que la France.
Nous, détenus, dénonçons les violences physiques et morales de la part de certains surveillants et Équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) couvertes par les directions ; les effacements trop rapides des preuves vidéos, et encore pire des plaintes classées sans suite par les procureurs trop proches des directeurs de prison, qui par la même occasion se rendent complices de ces agissements et donnent un sentiment d’impunité aux surveillants véreux.
Nous, détenus, dénonçons la flexion lors de fouille à nu, cela porte atteinte à notre dignité et nous humilie. Pourtant, sur la circulaire relative aux moyens de contrôle des personnes détenues, jamais la flexion n’est indiquée ou ni aucune autre humiliation, c’est donc de l’abus de pouvoir.
Nous, détenus, dénonçons le mépris, les moqueries et les inepties des syndicats de surveillants et gradés. Le pouvoir qu’ils ont obtenu, s’il sert à améliorer leurs conditions de travail, est honorable ; par contre quand il sert à faire reculer nos conditions de détention cela devient malsain et creuse un fossé inéluctable entre surveillant et détenu.
Nous, détenus, dénonçons la Direction interrégionale de casser les liens familiaux en refusant les rapprochements familiaux ou en mettant trop de temps pour les plus chanceux de se rapprocher de chez eux (Corses, Basques, etc.). Nous détenus, dénonçons le refus quasi-systématique des parloirs prolongés pour les familles vivant à plus de 200km alors qu’en théorie cela est déjà inscrit dans le règlement. Arrêtez de nous dire qu’il n’y a plus de places, trouvez des solutions !
Nous, détenus, dénonçons avec la plus grande véhémence le régime fermé des maisons d’arrêt et demandons immédiatement la reprise dans toutes les prisons de deux promenades par jour, sans vous cacher derrière l’excuse du travail ou activité, car nous savons tous que les places sont limitées. Nous ne pouvons plus rester entre 22h voire 23h enfermés sans pouvoir sortir de la cellule, ceci est inhumain. Nous souhaitons que le système carcéral en maison d’arrêt soit repensé, avec plus de bâtiments, de confiance.
Nous, détenus, dénonçons le système des cantines à géométrie variable et voulons acheter de la viande selon nos croyances (juives, musulmanes ou chrétiennes) donc cantiner de la viande casher, halal ou neutre et si la chaîne du froid pose problème, il faut trouver des solutions, qui existent. Nous détenus, demandons la mise en place de trois délégués au minimum par prison afin de dialoguer avec la direction et apaiser les tensions.
Nous, détenus, demandons plus de juges d’application des peines et conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation pour ne plus jamais dépasser le délai des quatre mois lors d’un aménagement de peine et demandons l’application stricte de la loi sur les aménagements de peine : maison d’arrêt mi-peine et centre de détention 1/3 de peine. Nous détenus, dénonçons le sort réservé aux détenus dans les quartiers d’isolement et le traitement inhumain et dégradant que vous leurs infligez. Nous détenus, dénonçons la dureté de la détention pour les femmes détenues, souvent rejetées par leurs proches et coupées du monde extérieur sans aucun lien social et demandons une réflexion sur la séparation d’une mère détenue et son enfant. Nous détenus, demandons un délai plus court entre chaque UVF.
Nous, détenus, demandons aux juges de se remettre en question concernant les détentions provisoires car cela devient une antithèse avec la présomption d’innocence.
Nous, détenus, sommes tout simplement au bord de la rupture qui s’est accentuée avec ce contexte anxiogène de la propagation du virus covid-19. Sachant qu’en prison aucune règle de base n’est respectée par les surveillants, ni les barrières de distance, ni les gants, ni les masques et pire on continue de nous palper au mépris des règles d’hygiène, ce qui augmente le risque de contamination. Nous détenus, lançons un cri du cœur pour que les surveillants humains prennent le dessus sur les surveillants qui se sont déshumanisés afin de renouer le dialogue. Nous détenus, demandons à être respectés par toute la corporation judiciaire, pénitentiaire et la société.
Nous, détenus, apportons notre soutien aux infirmières, unités sanitaires, médecins, pompiers, virologues, Samu, Smur et tout le corps médical car nous sommes conscients et reconnaissants du travail accompli dans cette période si difficile. Merci à vous.
Les détenu(e)s de France.
Laisser un commentaire
24/03/2020