Maison Dagoit
Littérature mineure
William Shakespeare | DARK LADY | sonnets
Introduction et traduction Pacôme Thiellement
« Qui était la Dark Lady ? Si l’on croit A. L. Rowse, il s’agirait de Emilia Lanier, la première poétesse de langue anglaise. Née le 27 janvier 1569, elle est la fille de Baptista Bassano, musicien juif vénitien de la cour de la Reine Elisabeth (il y a un Bassano dans Le Marchand de Venise, une Emilia dans Othello et les Sonnets présentent la femme sombre comme musicienne). Elle n’a que 7 ans lorsque son père meurt et 18 lorsque sa mère disparaît à son tour. Lord Chamberlain Hudson – le protecteur de la troupe pour laquelle Shakespeare écrira la plus grande partie de sa carrière – de 45 ans son aîné, fait de Emilia Bassano sa maîtresse. Emilia a un enfant illégitime de celui-ci et fait un mariage de convenance avec son cousin Alphonso Lanier, également un des musiciens de la Reine. Tout cela, nous le savons par le journal du mage, médecin et astrologue Simon Forman, de l’entourage de Shakespeare, et dont elle est une des patientes. En 1611, soit un an après la publication par Thomas Thorpe des Sonnets de Shakespeare, Emilia Lanier publie, par l’intermédiaire de Valentine Simmes, son unique livre, Salve Deus Rex Judaeorum. Ce sublime livre de poésie gnostique, écrit en défense de Eve et des personnages féminins de la Bible, restera remarquablement inconnu pendant plus de trois siècles. On attend encore sa traduction en français.
Dans les Sonnets de la Dark Lady, Shakespeare découvre les modalités du sickamour, un amour qui se perpétuera et se déploiera les quatre siècles qui suivront. C’est un amour qui nous fait ressentir de la haine en raison de l’attachement qu’il génère mais aussi un désir érotique continuellement ravivé par l’humour cruel et les joutes verbales. Dans son Théâtre, Shakespeare découvrira que ce sickamour, à l’instar du sycomore des Anciens Égyptiens, est une porte vers les coulisses de la grande machinerie du Temps, qui procède par cycles, répétitions, éternelles rechutes dans le labyrinthe, éternels retours à la case départ. »
SONNET CXXXVII
Thou blind fool, Love, what dost thou to mine eyes,
That they behold, and see not what they see?
They know what beauty is, see where it lies,
Yet what the best is take the worst to be.
If eyes, corrupt by over-partial looks,
Be anchor’d in the bay where all men ride,
Why of eyes’ falsehood hast thou forged hooks,
Whereto the judgment of my heart is tied?
Why should my heart think that a several plot
Which my heart knows the wide world’s common place?
Or mine eyes, seeing this, say this is not,
To put fair truth upon so foul a face?
In things right true my heart and eyes have erred,
And to this false plague are they now transferred.
Amour, aveugle et stupide, qu’as-tu fait à mes yeux,
Qu’ils regardent, mais ne voient pas ce qu’ils voient ?
Ils savent ce qu’est la beauté, ils voient où elle réside
Et pourtant ils trouvent meilleur d’en prendre la moins bonne part.
Si les yeux, corrompus par ce regard biaisé,
Sont ancrés dans cette baie où tous les hommes naviguent,
Pourquoi as-tu forgé ces crochets de fausseté dans les yeux
Où est attaché le jugement de mon cœur ?
Pourquoi mon cœur s’imagine-t-il une intrigue pleine de rebondissements
Alors qu’il sait déjà le lieu banal où tout cela aboutira ?
Mes yeux, voyant cela, disent que cela n’aura pas lieu,
Ils ne pourront rendre sincère un visage si faux
Mon cœur et mes yeux ont erré parmi des choses vraies et justes
Ils sont désormais transférés vers un fléau de fausseté.
Coffret cartonné noir
31,00 € TTC
Coffret : cartonnage professionnel, papier vergé noir.
Dimensions : 15 x 15 x 3,5 cm environ.
Intérieur : impression couleur sur papier bouffant et pliage à la main.
8 livres 14 x 14 cm
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20/02/2020