Auguste Vaillant : Présent !
Bon, sur les piquets de grève, certains et certaines se seront souvenues ! Le 9 décembre 1893, Auguste Vaillant, miséreux, anarchiste, lance une bombe à clous dans l’hémicycle du Palais Bourbon. C’est le début d’une réaction d’ampleur : les lois scélérates.
Boum ! Explosion
Il est 16h au Palais Bourbon (oui, c’est comme ça que s’appelle l’Assemblée Nationale).
Les députés baillent au milieu des habituelles questions locales.
Quand soudain…
Boum !
Une soixantaine de personnes sont blessées par les petits clous d’un engin artisanal, y compris le lanceur de la bombe dont le bras a été dévié par une personne qui a bougé.
C’est la panique, les députés veulent fuir.
Le président du Conseil Charles Dupuy, passé à la postérité pour son acharnement contre Dreyfus à peine un an plus tard, hurle :
« Messieurs les députés, la séance continue. Il est de la dignité de la Chambre et de la République que de pareils attentats, d’où qu’ils viennent et dont, d’ailleurs, nous ne connaissons pas la cause, ne troublent pas les législateurs ».
Applaudissements des députés, ébahis devant cette scène surréaliste.
Dans la vingtaine de personnes arrêtées ce soir-là, un grand gars que ses potes surnomment « Marchal », avoue immédiatement.
« Ce n’est pas un crime. C’est un acte de justice sociale, vive l’anarchie ! »
Badaboum ! Explication
« Marchal », c’est Auguste Vaillant, un pauvre gars qui n’a pas trop de chance. Il avoue avoir été aidé pour faire la bombe et tiré au sort pour la porter à l’Assemblée Nationale. Ardéchois, abandonné par ses parents, il vit de petits boulots, à Paris principalement, même s’il tente, comme pas mal d’européens à cette époque, d’aller tenter sa chance en Argentine. Camarade de route des anarchistes, il peine à nourrir sa famille et vit mal sa misère.
Depuis sa condition sociale, il observe.
Pour lui, les principaux coupables sont les garants de la stabilité sociale de cette société qui exploite les hommes et les réduit à la mendicité : les bourgeois, et donc leurs représentants, les députés.
Séduit par la propagande par le fait, il décide, à 33 ans, de venger Ravachol exécuté à peine un an auparavant.
« J’aurai la satisfaction d’avoir blessé la société actuelle, cette société maudite où l’on peut voir un homme dépenser inutilement de quoi nourrir des milliers de familles, société infâme qui permet à quelques individus d’accaparer la richesse sociale.
Las de mener cette vie de souffrance et de lâcheté, j’ai porté cette bombe chez ceux qui sont les premiers responsables des souffrances sociales. «
« Bam ! Bam ! » Révélation / Répression
D’aucuns disent que des mouchards, des indics, des flics, ont aidé Vaillant à confectionner sa bombe, sans qu’il s’en doute. [1]
D’aucuns disent que ce seraient les fameux gars avec lesquels il a parié qui d’entre eux lancerait la bombe.
Bref ! On ne saura pas qui a fait quoi, mais Auguste Vaillant assume devant les juges un acte qui lui fait risquer sa tête.
En tous cas, politiquement, c’est bien pratique, un attentat spectaculaire en pleine Assemblée Nationale : effectivement, dès le surlendemain, c’est le déchaînement…
Les « lois scélérates » [2] sont votées immédiatement :
- invention des arrestations préventives, et également du crime d’apologie du terrorisme, joliment appelé : « provocation indirecte », par modification de la loi réglementant la liberté d’expression de la presse
- invention de « l’association de malfaiteurs » et encouragement à la délation donnant lieu à des exemptions de peines.
Comme ça, on embarque la famille, les ami-es, les ami-es des ami-es… - six mois plus tard, à la suite de l’assassinat de Sadi-Carnot par Caserio, la propagande anarchiste sera explicitement interdite et les journaux libertaires très sérieusement affectés pendant plus d’une décennie.
En plein scandale de Panama, les anarchistes tentent de soutenir Vaillant, mais sont trop occupés à échapper aux arrestations, perquisitions, dénonciations, qui commencent tout juste…
Malgré une pétition organisée par une cinquantaine de députés, Auguste Vaillant sera exécuté le 5 février 1894.
Notes
[1] « Rien ne permet cependant d’affirmer qu’il y eut provocation, tout au plus une certaine incurie des services de police. http://militants-anarchistes.info »
[2] Pour en savoir plus sur les lois scélérates, qui sont les grands mères des lois antiterroristes en France : https://paris-luttes.info/article7313 .
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27/12/2019