Contre le service militaire 2.0, contre l’encasernement, pour l’insoumission
Samedi 9 novembre 19h aux Fleurs Arctiques, 45 rue du pré Saint-Gervais, 75019 Paris
« Il n’y aura pas d’insoumis, au sens pénal du terme, il n’y aura que des
jeunes ayant échoué – à un moment de leur trajectoire – à comprendre le
plein sens des valeurs d’égalité et de fraternité, passagers clandestins
d’une société à l’amélioration et à la générosité de laquelle ils
apparaitront comme ayant renoncé. »
Le Service National Universel, SNU, arrive bientôt dans la réalité de
notre quotidien. Aujourd’hui plus que jamais, les pubs pour l’armée sous
ses diverses formes poussent sur les abribus, sur les panneaux
publicitaires, et dans les « salons de l’étudiant », l’armée est présentée
comme une solution au désœuvrement et à l’échec scolaire, un environnement
sain où l’on va pouvoir prouver sa valeur à soi et à la société tout en
faisant le Bien. Une propagande éculée est vomie à nouveau dans une sauce
modernisée, avec inclusivité et anti-racisme (sur les affiches seulement,
on imagine…) pour les besoins du moment. Et plus le temps passe, plus
l’armée devient à nouveau normale, acceptable, voire potentiellement
désirable, elle qui, depuis les années 90, avait fini par perdre
globalement son aura auprès de tout un chacun, processus finalement clôt
avec la fin du service militaire obligatoire. Le bidasse viril se traînant
dans la boue ne faisait plus recette. Et voilà que le processus inverse se
déroule sous nos yeux, favorisé par les aspirations médiatiquement
manufacturées au repli patriotique et protectionniste post-attentats, il
prend forme avec une rapidité déroutante, en même temps que se développe
par tous les bouts du champ politique institutionnel le recours aux
valeurs moisies du populisme et du nationalisme que personne ne peut
considérer de nos jours (si ça a jamais été le cas) comme « des idées de
droite ».
Ce retour en force prétend pourtant à la nouveauté : ce « projet de
société », comme l’appelle l’Etat, se propose comme un « compromis », un
parfait équilibre atteint entre la précédente et relativement
insignifiante Journée d’Appel (qui, avec les cours d’éducation civique, a
quand même maintenue la place de l’armée dans nos vies, avec cet
égalitarisme formidable qui l’a généralisée à toute la population) et le
bon vieux service militaire. Au menu de la caserne 2.0, on apprendra dès
l’adolescence la cohésion de groupe, l’union nationale, le respect de la
patrie, de ses symboles, à être éco-responsable et, bien sûr, le souci
partagé de la défense de la nation.
Ce serait une énorme erreur que de ne pas se préoccuper de cette question
au plus vite. Les textes de lois sont prêts, votés, des batteries de tests
on été effectués sur environ 2000 volontaires de toute la France. Dans les
textes, on hésite encore sur la durée, un mois, deux semaines, on
s’interroge sur la législation précise, mais une chose est sûre : le
service militaire 2.0 passera, dusse-t-il être revu en cours de route ; et
quelle que soit sa durée, ça commencera à la fin du collège et chacun sera
fortement incité à « l’engagement civique » auprès de l’armée pour la vie.
Si sa durée reste pour l’instant bien inférieure à celle de l’ancien
service, le projet du SNU prend des proportions très inquiétantes et le
présente comme une institution sociale très centrale qui deviendrait un
passage obligé et nécessaire en lien étroit avec la scolarité et pourrait
devenir aussi une étape dans l’obtention du permis de conduire. En effet,
le lien entre école, nation et forces répressives (police, justice et
maintenant armée) ne fait que se renforcer un peu plus, poursuivant le fil
réactionnaire des vertus « éducatives » du vieux service militaire :
l’école prépare à la citoyenneté, de plus en plus ouvertement liée à
l’armée, et à l’Ordre plus généralement. Le SNU s’inscrit dans une
continuité avec l’école où le petit citoyen en devenir intègrera la
nécessité militaire. D’ailleurs c’est au SNU que sera probablement confié
la tâche de contrôler l’acquisition du « socle commun de connaissances »
post-brevet.
Quelle que soit sa potentielle forme définitive, le SNU, c’est aussi un
élément dans cette fascination nouvelle et sidérante pour l’armée, la
nation, la France, le résultat du matraquage idéologique post-attentat qui
curieusement, et de façon désolante, a l’air de marcher beaucoup plus que
ce qu’on aurait pu imaginer. C’est le moment ou jamais de renouveler la
critique du sale discours de la France-défenseuse-des-valeurs-occidentales
et dernier-rempart-contre-la-barbarie.
Alors pourquoi ce projet rencontre-t-il si peu d’opposition ?
L’histoire anti-militariste, celle des désertions, du refus de l’armée et
de la guerre, l’importance qu’a pu avoir le mouvement de l’insoumission
contre le service militaire dans les années 70 n’est pourtant pas si
ancienne ; l’armée, ses guerres ainsi que les formes offensives et
subversives de pacifisme et de refus qui s’y sont opposé sont encore bien
fraîches dans les mémoires.
Il est indispensable d’agir contre le SNU, contre l’armée, contre la nation.
Être offensif contre ce projet, contre l’Etat qui joue ici un gros coup
sur la bataille de la normalisation, est nécessaire, si nous prétendons
nous battre contre ce monde, contre l’Etat et le pouvoir. D’ailleurs ne
pourrait-on pas voir aussi le SNU comme un des éléments d’une batterie de
mesures stratégiques et contrinsurrectionnelle en réponse au mouvement des
Gilets Jaunes ?
On ne propose pas ici de réactiver des initiatives vaines et
para-humanitaires du passé comme « food not bomb », ni de critiquer le SNU
avec la nostalgie réformiste de la journée d’appel, mais de réfléchir
ensemble aux moyens à notre disposition pour lutter, aujourd’hui, contre
l’armée, la cohésion nationale et la patrie, et cette forme particulière
de propagande qui cherche à s’immiscer dans la vie de tout un chacun, dans
une perspective réellement anti-autoritaire et révolutionnaire.
Parce que « voir du pays » ne peut pas nous faire accepter l’armée, on
pourra réfléchir ensemble le 9 novembre au SNU, commencer à en déjouer la
propagande, à en comprendre les enjeux d’Etat dans l’époque actuelle dans
la perspective d’en détruire les fondements et les présupposés.
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Réédition de « Mort à la démocratie » de Léon de Mattis
Les Fleurs Arctiques proposent une nouvelle édition de Mort à la
démocratie de Léon de Mattis, ouvrage publié en 2007 chez L’Altiplano et
depuis longtemps épuisé. Les 3 textes qui le composent sont réédités en
format brochure, augmentés d’un quatrième texte plus récent intitulé «
Démocratie directe » revu depuis sa publication en 2017 dans l’ouvrage
collectif Misère de la politique, l’autonomie contre l’illusion électorale
aux éditions Divergences. Les quatre brochures sont réunies dans un
coffret et l’ensemble est diffusé par leurs soins à prix libre.
Pour faire une commande et/ou pour le diffuser, écrire à Bibliothèque Les
Fleurs Arctiques, 45 rue du pré Saint-Gervais, 75019 Paris, ou passer sur
place aux heures d’ouverture du lieu.
« La “démocratie directe” est une fausse bonne idée. Elle partage avec sa
grande sœur la démocratie tout court le fétichisme de la forme. Elle pense
que la manière d’organiser une discussion collective préexiste à la
discussion elle-même, et que cette méthode est valable partout, en tout
temps, et pour tous types de propos.
Défendre la démocratie directe, l’opposer, comme “démocratie réelle”, à la
fausse démocratie politique qui régit l’État, c’est croire que notre
nature véritable serait enfin révélée si d’aventure on se libérait des
contraintes que le système fait peser sur nous : mais se libérer de ces
contraintes suppose une telle transformation qu’à la fin du processus nous
ne serions plus nous-mêmes, du moins nous ne pourrions plus être ce que
nous sommes dans la civilisation du capital. »
Léon de Mattis, Démocratie directe.
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9/11/2019