D’un pays l’autre
Avec D’un Pays l’Autre, la Contre Allée prolonge son travail sur la traduction, initié l’année dernière avec le premier cycle d’événements qui a eu lieu en octobre 2015.
Alors même que le traducteur œuvre à la réception d’une littérature étrangère en faisant entrer dans notre espace culturel des œuvres venues d’ailleurs, il demeure un travailleur de l’ombre souvent méconnu du public. Son rôle dans l’échange culturel est pourtant fondamental : il rend possible la rencontre avec la parole d’un autre absent, tout en se portant garant du respect et de l’intégrité de cette parole.
Les résidences visent à favoriser la rencontre entre les lecteurs que nous sommes, professionnels du livre, enseignants ou étudiants, grand public, et ces professionnels qui se trouvent être eux aussi des lecteurs, certes privilégiés, d’une œuvre ou d’un auteur, avant d’être des ré-écrivains.
« Les centres colonialistes avaient projeté leurs langues comme des filets. La langue, en ces temps d’expansion, ne servait pas à questionner le monde. Elle devenait un tamis d’ordre par lequel le monde, clarifié, ordonné, devait se soumettre aux déchiffrements univoques d’une identité. L’Ecrire devait sacrifier au bunker linguistique, exclusif et dominateur, que l’expansion coloniale nous avait imposé. Nous nous retrouvions là-dedans avec nos langues maternelles et nos parlers barbares »
Patrick Chamoiseau, Ecrire en pays dominé (Gallimard, 1997)
C’est à partir de ces mots de Chamoiseau, et toujours de L’Imaginaire des langues d’Édouard Glissant, que la programmation de cette édition a été imaginée. Pour essayer de comprendre ce que devient une
langue lorsque celle des colonisateurs fait irruption dans un lieu, une culture. La langue est-elle liée à une identité immuable, serait-elle une entité à jamais figée?
Plusieurs rendez-vous sont ainsi consacrés à la créolité, à la marginalisation des langues et littératures dites mineures et à la glottophobie qui montre à quel point le mépris de l’autre passe aussi par le mépris de
la langue de l’autre.
En se plongeant dans la complexité des langues et de leurs traductions, certaines des rencontres proposées tenteront de rendre aux mots leur précision, de montrer leur résistance, leur imprévisibilité, leur mobilité.
Pour Virginia Woolf, « les mots détestent tout ce qui leur impose une seule signification ou les contraint à une seule attitude, parce qu’il est dans leur nature de changer. »
La traduction et les langues se font le miroir des inégalités sociétales, mais aussi le remède à la standardisation.
Bon festival à tou·te·s !
JOURNEE D’ETUDE
Jeudi 26 septembre, 9h30 – 15h00 à la Maison Européenne des Sciences de l’Homme et de la Société, 2, rue des Canonniers, métro Gare Lille Flandres. Gratuit, réservation souhaitée par mail à contactlacontreallee@gmail.com
10h – 11h30. Ecrire et publier en langues « minorées »
Le sujet des langues dites « rares », « minoritaires », « petites », « minorées » ou même « dominées » a des répercussions réelles dans le monde de l’édition, mais aussi de la traduction ou de l’éducation. Imaginée par Nathalie Carré, cette table ronde accueillira les traducteurs Xavier Luffin, Georges Lory, ainsi que Clémence Hedde afin de mettre en lumière les
littératures africaines, en se penchant plus particulièrement sur la question de la domination éditoriale et du travail des traducteurs dans la défense de la bibliodiversité.
11h30 – 12h30 « Il n’y a rien de plus sauvage, de plus libre, de plus irresponsable, de plus impossible à dresser que les mots » : Virginia Woolf par Agnès Desarthe.
Écrivaine de langue anglaise, certes. Mais dans quelle langue écrit vraiment Virginia Woolf ? Comment s’ est-t-elle emparée de cet anglais parfois écrasant, avec des siècles de littérature derrière lui, de ces mots vieux et un peu usés, pour les tordre, leur insuffler une nouvelle vie, et créer quelque chose de souple, de flottant, et tout à fait nouveau ? Agnès Desarthe, traductrice de plusieurs textes de Virginia Woolf et co-autrice avec Geneviève Brisac de La Double Vie de Virginia Woolf ( Points, 2008 ), évoquera le rapport subversif de Virginia Woolf à la langue anglaise et à l’écriture.
Modération : Christine Aventin
14h – 15h « T’as un accent, il vient d’où ? » : glottophobie, quand les accents excluent
Le sociolinguiste Philippe Blanchet est le fondateur du concept de glottophobie, une discrimination fondée sur la langue. Avec Stéphanie Clerc Conan, il a mené une enquête de terrain et collecté des témoignages de personnes discriminées à cause de leur accent, régional ou étranger, publiés dans l’ouvrage Je n’ai plus osé ouvrir la bouche. Témoignages de glottophobie vécue et moyens de se défendre ( Lambert-Lucas, 2018 ). Lors de cette rencontre, ils nous expliqueront comment le culte d’une langue, cette « passion française » en apparence innocente, entraîne le rejet de celles et ceux qui parlent autrement, toutes catégories sociales confondues.
Modération: Oumayma Hamdani
MAYLIS DE KERANGAL, « LA PRECISION DE LA LANGUE,C’EST UNE RESISTANCE AU LISSAGE DU MONDE »
Vendredi 27 septembre,19h- 20h30 au Théâtre du Nord, 4 place Charles de Gaulle, Lille, métro Rihour
Autrice d’une œuvre traduite en plusieurs langues, du finnois à l’italien, en passant par le coréen et le catalan, Maylis de Kerangal sera aux cotés de sa traductrice italienne Maria Baiocchi et de son traducteur catalan Jordi Martín Lloret. Ensemble, ils s’essayeront à une lecture plurilingue d’Un monde à portée de main (Verticales, 2018), avant de discuter avec Anne-Lise Remacle la façon dont le geste de l’écriture et celui de la traduction, dans le corps-à-corps avec l’étrangeté propre à toute langue, permettent de bâtir un nouveau langage.
ATELIER DE TRADUCTION ANGLAIS (JAMAIQUE) / FRANCAIS
Samedi 28 septembre, 15h-17h, à la médiathèque Jean Lévy, 32, rue Edouard Delesalle, Lille, métro République
Gratuit, réservation souhaitée à jvermeesch@mairie-lille.fr
Nous sommes à Augustown, quartier pauvre de Kingston, en Jamaïque. Kaia rentre de l’école. Ma Taffy l’attend, assise sur sa véranda. La grand-mère n’y voit plus mais elle reconnaît entre toutes l’ odeur entêtante, envahissante, de la calamité qui se prépare. Car aujourd’hui, à l’ école, M. Saint-Josephs a commis l’irréparable : il a coupé les dreadlocks de Kaia – sacrilège absolu chez les rastafari. Pour gagner du temps sur la menace qui gronde, Ma Taffy raconte à Kaia comment elle a assisté, petite fille au milieu d’ une foule immense, à la véritable ascension d’ Alexander Bedward, le Prêcheur volant…
Roman majeur de la littérature caribéenne contemporaine, écrit dans un anglais où le créole ne cesse d’affleurer, By the rivers of Babylon, par sa langue inventive et foisonnante pose de véritables défis de traduction : l’occasion de s’y frotter, en compagnie de Nathalie Carré, traductrice de l’ouvrage.
Ouvert aux traducteurs confirmés comme aux simples curieux, cet atelier permettra au public de bénéficier des conseils et du savoir-faire d’une traductrice littéraire professionnelle.
DES VOIX DANS LE CHOEUR – ELOGE DES TRADUCTEURS
Dimanche 29 septembre, 11h15 – 13h
cinéma Le Métropole, 26 rue des Ponts de Comines, Lille, métro Gare Lille Flandres
Tarif 6 euros
Trois traducteurs – Sophie Benech, Danièle Robert et Michel Volkovitch – ont ouvert leur atelier à la caméra d’Henry Colomer. Au centre du film, la dimension orale, la musique des mots, la restitution des rythmes, des sonorités, des silences. L’ exercice de virtuosité qu’ est la traduction de poésie… en poésie. L’humilité et l’audace, la rigueur et la souplesse que cela demande comme un antidote à la langue de bois, à la torsion de mots, à l’appauvrissement de la pensée. Le film sera suivi d’une rencontre avec le réalisateur et le traducteur Michel Volkovitch.
Animation : Patrick Varetz
RENCONTRE CROISEE AUTRICE -TRADUCTEURS
Lundi 30 septembre, 10h-14h, à la Villa Yourcenar, Saint-Jans Cappel2266 route du Parc, Saint-Jans-Cappel
Gratuit, réservation obligatoire par mail à contactlacontreallee@gmail.com
( amenez votre pique-nique ! )
Après trois jours de résidence à la Villa Yourcenar, Jordi Martín Lloret et Maria Baiocchi retrouveront Maylis de Kerangal lors d’une journée savamment orchestrée par Julien Delorme. L’ occasion pour le public et les professionnels du livre et de l’éducation de partager avec l’ autrice et ses traducteurs un temps de complicité, dans un lieu dédié à la création et à la transmission.
Lectures bilingues françaisitalien proposées par les élèves de la classe de Terminale option théâtre du lycée Pasteur à Lille et les Terminales Esabac Italien du lycée Châtelet à Douai.
+ pour télécharger le programme détaillé, rendez-vous sur cette page !
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23/09/2019