Contre la politique, y compris celle de la dépolitisation
Vendredi 4 octobre 2019 à 19h aux Fleurs Arctiques
« La Révolution ne se trouve pas entre la gauche et un potager :
elle est ailleurs. » Fox Mulder
La critique de la politique s’inscrit dans cette longue histoire qui a
ré-insufflé un vent révolutionnaire là où des partis « révolutionnaires »,
des armées « révolutionnaires », des gouvernements « révolutionnaires »
puis à nouveaux des partis « révolutionnaires » et leurs armées de
militants « révolutionnaires », finissaient par s’imposer comme formes
confiscatoires des poussées révolutionnaires, au nom des nécessités d’un
pragmatisme de l’efficacité. La rupture avec la forme Parti et la critique
du militantisme, fondatrices chez les anarchistes (ce qui n’empêche pas
d’avoir à lutter contre des avatars tout aussi nuisibles d’organisations
hiérarchiques en leur propre sein), fait l’objet d’une lutte interne aux
courants communistes, et forme les courants communistes anti-autoritaires
et anti-gestionnaires. Qu’elle creuse la question des travers inhérents à
la constitution d’Organisations ou qu’elle s’affine (et s’élargisse) en
critique du citoyennisme, on peut considérer qu’une lame de fond déclinée
sous mille formes, y compris contradictoires entre elles mais toutes «
anti-politique », a contribué à une rupture nécessaire avec la gauche et
le gauchisme. Il s’agit donc d’en finir avec la forme Parti, mais aussi
avec ses états éventuellement plus mous ou déguisés et mieux adaptés à ce
monde comme le réformisme, le républicanisme, le démocratisme et leur jeu
des partis politiques, le lobbyisme, le progressisme qui veut nous mener
de son pas cadencé vers une démocratique fin de l’histoire, avec les
politiques identitaires qui cherchent à nous Organiser en fonction de ce
que nous sommes supposés être plutôt que de nos perspectives, avec le
programmatisme dans la foulée, entre autres.
Au delà de tout ça, à chaque moment de lutte, dans chaque projet subversif
se joue cette tension entre s’installer dans un culte pragmatique de la
forme et le confort des compromis (le repos après la bataille, la «
victoire » après la lutte, la gestion après la révolution) et laisser
l’inventivité confrontative faire son chemin y compris contre ceux qui s’y
croiraient installés.
Face à ces écueils mille fois ramenés, préférer la vie à la politique
semble pouvoir constituer une boussole salvatrice pour rester dans
l’inventivité confrontative.
Pourtant refuser la politique n’implique pas d’accepter voire de devancer
la dépolitisation en cours.
Car il y a plusieurs manières de se défaire de la politique, Lui préférer
le néant, grignoter la politique de l’intérieur à la manière du pays
imaginaire de l’Histoire sans fin, en plus d’être bien souvent une autre
manière de continuer à faire de la politique (« tout est politique »,
c’est-à-dire tout peut rapporter politiquement, même la dépolitisation),
nous éloigne toujours plus radicalement des luttes et de l’émancipation.
Et en effet, il nous semble essentiel de ne pas abandonner les questions
politiques et de tenter de s’y confronter de façon anti-politique. Or,
dans cette perspective, proposer des discussions sur des sujets comme la
Religion, la Réaction, les frontières, le travail ou la prison, c’est
bien, en un sens, refuser les formes de dépolitisations en cours. Car de
fait, ici comme ailleurs, on ne parle pas de tout et de n’importe quoi, le
sujet des vertus bienfaitrices que les carottes ont sur la vue, la couleur
des fesses, et l’amabilité de ceux qui s’en nourrissent n’est et ne sera
(sans doute) pas abordé dans les discussions que nous proposons sur les
questions de notre temps, par exemple. Que mettons-nous donc derrière les
mots « politique », « dépolitisation », « anti-politique » ? Questions
complexes s’il en est, puisque se joue ici la singularité de la
perspective révolutionnaire et la vivacité des manières de se la poser :
le choix de la vie contre la politique en somme. Si aujourd’hui on voit se
répandre la perspective mortifère de la dépolitisation, à travers toutes
ces formes de repli sur soi, son potager, sa famille, son squat, sa bande
affinitaire, sa communauté, ses traditions, de peur des autres, de
sécurisation des rapports, et ce au cœur même des milieux les plus
militants, c’est que la tentation semble grande de se glisser dans le
moelleux d’une époque qui ne cesse de se reproposer comme solution aux
problèmes qu’elle pose, et d’en accepter les formes les plus politiques de
maintien de l’existant : la dépolitisation qui ne cesse de venir n’est
rien d’autre qu’une des positions politiques confortables pour que le
monde perdure. Ce climat dépolitisant fleurit dans ce sol meuble où on
lutte plus contre la complexité, les « sachants » et la spécialisation que
contre l’Etat, où le ressenti devient le départ et l’arrivée de toute
pensée, ou l’argument d’autorité (par exemple l’identité) remplace le
conflit et l’argumentation, ou être suffit à faire croire qu’on lutte.
A partir d’une réflexion anti-politique contre la hiérarchisation et la
spécialisation par exemple, on finit par adopter comme acceptable la
perspective de prôner l’autogestion du recyclage des excréments (Cf.
Comment composter sa merde sans paniquer, disponible sur le site
infokiosques.net), ou encore comment « mur par mur et pierre par pierre »
construire dans ce monde de façon autogérée (cf Pierre par pierre – mur
par mur sur le même site). Au-delà de l’anecdote, l’essentiel devient de
ne pas paniquer, de maîtriser sa vie, ses désirs, ses déchets et son
empreinte carbone.
La question ici n’est pas de classer dans un tableau ce qui est politique
et ce qui ne l’est pas, ce qui est anti-politique et ce qui est
dépolitisé. la question est plutôt de repenser le terme « politique » dans
son contexte actuel, de réfléchir à cette étrange oscillation entre
antipolitique et dépolitisation, et peut-être par ce biais d’ouvrir des
questions comme celle de l’intervention révolutionnaire. L’enjeu, c’est
celui de la réanimation d’une rupture forte et anti-politique avec la
perspective réformiste, mais aussi celui de la création d’une rupture à la
racine avec la dépolitisation en cours qui ne cesse d’être de plus en plus
compatible avec les formes actuelles les plus normales de la politique.
https://lesfleursarctiques.noblogs.org/?p=1391
2 commentaires pour “Contre la politique, y compris celle de la dépolitisation”
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20/09/2019
J’ai rien compris
Ah ! ah !