Esthétique de la décomposition
La beauté du spectacle de l’épouvante
Ignoble, dégoutant, épouvantable est le corps mort. La décomposition suscite le plus souvent chez celui qui la rencontre dans la vie un sursaut effaré, une répulsion immédiate. Pourtant les poètes, les artistes, les moralistes qui se sont penchés sur ces restes décourageants ont su leur trouver parfois une beauté singulière. Non pas seulement par fascination morbide, mais au fond par le spectacle édifiant pour l’esprit et pour l’œil de la métamorphose du monde. Hicham Stéphane Afeissa vient d’écrire à ce sujet un livre passionnant, érudit, spectaculaire où il conduit cet état limite de la matière, entre la forme et l’informe au seuil d’une esthétique particulière celle de la charogne. C’est son titre. Esthétique de la charogne. Il ne s’agit pas de s’ébahir du laid mais d’accueillir l’irregardable comme une beauté nouvelle qui suppose une réorganisation de nos catégories.
« J’essaie de comprendre comment le dégoût peut être un matériau de l’Art sans être un effet de l’art. »
« La charogne, historiquement et anthropologiquement, a toujours été synonyme d’impureté »
« Il est évident que si nous voulons cacher le mort ce n’est pas pour lui, mais pour nous-autres vivants »
« La fonction des représentations macabres a changé au cours du dernier millénaire, excluant toujours plus la mort humide au profit de la mort sèche »
« Le thème de la putréfaction est éminemment ambigu : est-ce qu’elle est ce que devient la nature abandonnée par Dieu, ou est-ce au contraire la puissance même de Dieu que de recréer la vie en recyclant les être décomposés ? »
« Face à l’immonde, l’art rencontre un point de butée. »
« Au XIXème siècle, le travail de sublimation putréfaction devient le symbole du travail même de l’artiste »
« Dans le cadre de son exposition internationale Body Worlds, Von Hagens joue éminemment sur l’ambiguïté de son projet, le qualifiant pour l’occasion d’« edutainment » (= éducation par le jeu) ».
« Au fond, la pire des barbaries, c’est ce que l’humanité est capable de produire et qui elle n’est pas susceptible d’être recyclé. »
Textes lus par Hélène Lausseur et Julian Eggerickx
Un extrait des Regardeurs du 3/01/2015, intitulé La peste, de Gaetano Zumbo a été diffusé
Musiques diffusées au cours de l’émission :
Steve Roden – Flower & Water
Ryoji Ikeda – See You At Regis Debray
Ogrob / Vomir – Diffusions Intradermiques Et Enregistrements En Cavités Corporelles
Noël Akchoté – Alike Joseph
Marc Ribot – Scelsi Morning
Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima
Wolfgang Mitterer – Stop playing
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4/09/2019