L’écriture du réel
Le milieu du XIXe siècle est marqué par une crise de la réalité, qui va notamment se cristalliser autour de l’émergence du daguerréotype puis de la photographie, qui donnera l’illusion d’une reproductibilité mécanique et industrielle du réel. Cette crise de la réalité est avant tout une crise de l’image, et une œuvre, une écriture en particulier – celle de Baudelaire – va en incarner tous les enjeux, qui dépassent de beaucoup ce que l’on appelle communément le « réalisme ».
L’esthétique du regard de Baudelaire peut d’une part se lire comme l’une des plus virulentes critiques de ce « réalisme » mimétique qui nous empêche de voir, en deçà ou au-delà de ces images que nous montrent tant d’œuvres, romans, tableaux comme photographies, ce qui est littéralement à l’œuvre dans l’écriture de l’image. Or c’est précisément dans cette critique du « réalisme » mal entendu (notamment représenté, aux yeux de Baudelaire, par une certaine peinture de Courbet) que va d’autre part prendre forme le réalisme au sens où je l’entends, comme l’avènement impensé du réel – impensé parce qu’il surgit et se révèle dans et par l’œuvre même. L’écriture de Baudelaire, dans cette double perspective, va littéralement achever la réalité, dans les deux sens du verbe : lui mettre un terme dans son ancienne acception (comme une donnée reproductible, déjà là) et par le même geste l’accomplir dans son sens « moderne » (comme un événement à venir, inséparable de sa mise en œuvre). La réalité, pourrait-on dire, devient ainsi « plus réelle », du moins « réelle » autrement, et toute la difficulté sera de saisir ce double mouvement simultané de retrait et de reconfiguration permanente du réel. Ce double mouvement caractérise ce que j’appelle la Modernité.
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7/08/2019