Ilona
JANA JURÁNOVÁ
Ilona. Ma vie avec le poète
Titre original : Žila som s Hviezdoslavom
Traduit du slovaque par Barbora Faure
Introduction de SilviaTomášková – Postface de Julia et Peter Sherwood
Traduites de l’anglais par Barbora Faure
Format : 13 x 20 cm
Conception graphique : Mr Thornill
À paraître le 12 mars 2019
Ce livre a reçu le soutien du SLOLIA Committee,
le centre d’information littéraire de Bratislava, Slovaquie
×
〈 Le livre 〉
Ce roman adopte le point de vue d’Ilona Nováková (1856-1932), « connue » seulement dans l’histoire comme l’épouse de Pavol Országh Hviezdoslav (1849-1921), l’un des poètes les plus vénérés de Slovaquie. Il n’a jamais mentionné sa femme dans son travail, ils n’avaient pas d’enfants, et elle a donc disparu de l’histoire. Mais Ilona était une femme instruite, issue d’une famille aisée, mariée à un grand poète. Que voulait-elle ? À quoi aspirait-elle ? Était-elle satisfaite du seul rôle dont elle disposait ? Jana Juránová choisit de raconter une vie vraiment ordinaire, conventionnelle. Ilona est brillante, modeste et accepte les limites de son temps, trouvant une mesure de bonheur dans ce que la vie lui offre. Elle joue inlassablement un rôle, se permettant une expression de soi dérisoire.
Alors, le choix d’Ilona était-il « erroné » ? Est-ce qu’être une bonne épouse et un parent nourricier aimant compte pour moins que de mener une vie extraordinaire ? « Un mariage heureux — n’est-ce pas davantage qu’une œuvre poétique parachevée où il ne manque rien ? » Jana Juráňová pose ces questions et plus encore, faisant d’Ilona. Ma vie avec le poète un livre subtil, émouvant et provocateur.
×
〈 Extrait 〉
« Ces trois années de scolarité à Prague avaient été pour elle pleines de possibilités et l’occasion de nouvelles amitiés. Rue Vodickova, le bâtiment spacieux de l’école avec ses grandes fenêtres recelait assurément la promesse de choses nouvelles, encore en devenir. Elle n’avait même pas eu le temps d’avoir la nostalgie de sa maison. Trois suites de saisons seulement s’étaient succédé à Prague, de l’automne jusqu’à l’été, et déjà le temps des adieux était arrivé. La première année, elle enviait les grandes qui se pavanaient dans les couloirs en s’y comportant comme chez elles, qui semblaient tellement imbues de leur importance, tellement expérimentées. Elles ne parlaient qu’entre elles, elles n’avaient rien à dire aux petites première-année. Lorsqu’elle fut en deuxième année, elle se sentit elle aussi très importante. Et en troisième année, elle enviait les petites. Elle ne souhaitait pas rentrer à la maison, elle ne pouvait imaginer ce qu’elle ferait de toutes ses journées. Elle supplia ses parents de rester à Prague encore pendant les dernières vacances. Sa mère fut déçue de voir qu’Ilona n’était pas pressée de revenir à la maison, mais que pouvait-elle faire ? Ces trois années d’études à Prague avaient été si douces et si courtes. Un début, un milieu, une fin. Comme un devoir de composition. Peut-être est-ce pour cela qu’elle les a gardées dans sa mémoire et dans son cœur comme la période la plus importante de sa jeune vie. Une fois mariée, elle avait évoqué ses souvenirs d’études aussi devant son mari. Il écouta ses histoires avec intérêt et ensuite il sourit. Il se rappelait sûrement combien d’années il avait passé, lui, à Miskovec, Presov et Dieu sait encore où. Alors elle s’abstint de parler souvent de l’école. Sauf lorsqu’ils avaient de la visite, même si on venait voir son mari, et qu’elle avait l’occasion de parler, faisait-elle parfois quelque allusion à ses souvenirs de ces jeunes années d’études praguoises. Ces occasions étaient rares. Plus ces années heureuses de scolarité à Prague s’éloignaient, plus elle trouvait gênant d’évoquer toujours la même chose. Alors elle conserva ses souvenirs pour elle-même. »
×
〈 À propos 〉
« Jana Juráňová a écrit une fiction quasi-biographique dans laquelle Ilona, épouse du poète Pavol Országh Hviezdoslav, est à la fois narratrice et personnage principal. En utilisant la narration à la troisième personne, l’auteur se met dans la position confortable d’être à la fois dans et hors du personnage, ce qui lui permet de parler à la fois pour Ilona Országhová et pour elle, de ne faire qu’un avec elle tout en gardant ses distances. Juráňová a trouvé une façon douce mais très efficace d’exprimer son point de vue négatif sans ambiguïté sur le rôle d’Ilona dans la vie avec une ironie subtile mais cinglante. » Ján Štrasser, The Daily SME
×
« Ilona. Ma vie avec le poète est un hommage aux femmes qui, bien que douées et courageuses, devaient trouver leur place dans les travaux ménagers, la famille, la broderie ou, dans le meilleur des cas, la présentation ou la représentation de leur mari. Les passages lyriques du livre, riches en détails locaux et historiques, nous emmènent dans un parcours éclairé de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, une période qui n’est pas aussi éloignée du présent qu’il n’y paraît. » Ivica Ruttkayová, The Daily Pravda
×
« Ce roman se place du point de vue de la vie d’Ilona Nováková (1856-1932), « connue » seulement dans l’histoire comme l’épouse de Pavol Országh Hviezdoslav (1849-1921), l’un des poètes les plus vénérés de Slovaquie, bien que maintenant peu lu en dehors des salles de classe et dont on dit qu’il est presque impossible à traduire.
Il n’a jamais mentionné sa femme dans son travail, ils n’avaient pas d’enfants, et elle a donc disparu de l’histoire. Mais Ilona était une femme instruite issue d’une famille aisée, mariée à un grand poète. Qu’est-ce qu’elle voulait ? À quoi aspirait-elle ? Etait-elle satisfaite du seul rôle dont elle disposait ou ses pensées étaient-elles remplies du mélange capiteux d’idées qui s’est répandu et qui a défini l’Europe au cours de la fin du siècle et qui a tant animé son mari devenu « conscience nationale » ?
Ilona est donc une œuvre féministe, mais c’est un féminisme non dogmatique, capable de porter un regard nuancé sur les femmes dans l’histoire récente de l’Europe. Plutôt que de dépeindre Ilona comme un esprit libre enchaîné à un cochon misogyne, Jana Juránová a choisi de raconter une vie vraiment ordinaire. Ilona est brillante, modeste et accepte les limites de son temps, trouvant une mesure de bonheur dans ce qu’elle offre. Elle possède si peu d’audace que le livre est plus troublant que n’importe quel roman avec des héroïnes en avance sur leur temps et en quête de liberté, rassurant les lecteurs modernes par la similitude de leurs points de vue. (…)
Tout comme Ilona est dépeinte comme une femme de son temps, le même traitement mesuré est attribué à Hviezdoslav. Un homme imparfait, reconnaissant vis-à-vis de sa femme, respectueux d’elle d’une manière limitée, et maladroitement gentil mais aussi difficile, nécessiteux et d’une faible estime de soi dans la chose même qui le définit comme un poète et une personne. Il renforce sa confiance en recevant des admirateurs, s’inquiétant de peur qu’il ne tombe en désuétude ou ne soit oublié, et Juránová traite sa stature étouffante avec une douce ironie : les visites consistent généralement en des conversations relatives à l’œuvre du poète. C’est le sujet de prédilection du Grand Poète, bien qu’il fasse semblant d’être réticent. En fait, il trouve tous les autres sujets de plus en plus ennuyeux. Bien sûr, il arrive qu’un visiteur ait aussi d’autres sujets à discuter, mais heureusement, d’une manière ou d’une autre, ceux-ci se rapportent généralement au seul et unique sujet qui l’intéresse, comme les publications de ses écrits, sa participation à un festival, ou la traduction de ses œuvres dans d’autres langues. Son mari n’est pas vaniteux. Il est très modeste. C’est un fait bien connu ; c’est ce que tout le monde dit de lui. (…)
D’une certaine manière, Ilona ressemble beaucoup à son mari — là où son ego tourne autour de son statut de poète éminent, le sien est tout aussi lié à l’idée d’être une épouse parfaite. Alors elle tourne autour de son partenaire de vie, faisant plus de concessions qu’il ne le lui demande. Elle s’occupe de lui, s’occupe de ses fleurs et nettoie la maison de façon obsessionnelle. Toute son identité est liée à son rôle et il est clair qu’elle en est fière. S’il est vrai qu’elle a été enfermée par son époque, les femmes, tout au long de l’histoire, ont bousculé la tradition. Elle avait du temps libre, elle aurait pu écrire ou esquisser ou poursuivre quelque chose d’importance privée, mais elle ne l’a pas fait. La seule chose qu’elle voulait vraiment, c’était d’avoir des enfants, ce qui n’est malheureusement pas arrivé, bien qu’ils aient fini par adopter les enfants de son beau-frère, Jarko et Sidka, lorsque sa veuve ivre s’est avérée incapable — une sorte de consolation. Tout au long de sa vie, elle joue inlassablement un rôle, se permettant une expression de soi dérisoire, à quelle fin ? »
Extraits d’un article (traduit de l’anglais par les éditions do) de Nymith paru sur le site pseudointellectualreviews.wordpress.com
×
« L’impulsion pour un lecteur moderne, surtout une femme, sera d’en vouloir plus. Nous préférerions voir la rage et la tragédie d’une artiste brillante étouffée par l’injustice de son époque. Nous préférerions une héroïne qui voulait quelque chose de plus grand, de plus démonstratif, destiné à changer le monde, et qui se l’est vu refuser par un mal évident que nous pouvons nommer et donc combattre.
Juráňová, cependant, fait à peine allusion à la possibilité qu’Ilona ait pu vouloir une autre activité que d’être l’épouse et la gardienne du célèbre poète, et ce n’est pas le thème central du livre. Nous sommes obligés de compter avec une femme de son temps, qui a accepté les limites qui lui étaient imposées et en a tiré le meilleur parti, et qui n’était pas plus mécontente que les autres des aléas de la fin de sa vie.
Je me demande parfois si la chose la plus difficile à accepter pour les femmes d’aujourd’hui, c’est combien nos aïeules se sont accommodées de si peu de choses et ont, de ce fait, si peu protesté. Juráňová se demande apparemment cela aussi, et d’une manière artistique subtile elle nous demande simplement d’accepter ces femmes pour ce qu’elles étaient au lieu de mettre en scène une confrontation moralisatrice. En même temps, elle nous invite à nous souvenir de femmes oubliées comme Ilona. Elle est l’arrière-arrière-arrière-grand-mère de toutes les femmes. » Sarah Hinlicky Wilson
×
La littérature féministe constitue une autre particularité. Là aussi, c’est un phénomène post-1989. Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir a été traduit quelques mois après la révolution de velours. Des femmes ont saisi cela au bond comme une opportunité de réalisation personnelle. En 1993, Jana Juráňová, née en 1957 (dernier texte traduit, Ilona. Ma vie avec le poète, éditions Do), a cofondé la revue Aspekt, qui a fini par devenir une maison d’édition, pour sensibiliser la société aux questions des femmes et du genre. « Dès les premiers numéros de notre revue, les réactions ont été violentes. » La revue s’est trouvée ainsi confrontée à une hostilité qui dit bien l’état d’esprit d’une société majoritairement catholique, en proie à toutes les peurs (migrations, islamisme, peur de toutes les altérités). Extrait d’un article de L’Humanité, La Capitale slovaque invitée d’honneur, jeudi 14 mars 2019
Laisser un commentaire
26/04/2019