Aux fleurs…
Samedi 6 avril à 19h : De la méga-gauche à la méga-droite : ce parfum pourri de réaction
En même temps qu’une « droitisation » incontestable du monde à toutes les échelles de la vie quotidienne et des idées, on perçoit simultanément l’essor d’une pensée dominante réactionnaire se matérialisant dans des discours extrêmement confus et variés, souvent artificiellement opposés, et que l’on retrouve de l’extrême droite jusqu’à l’extrême gauche. Se développent donc aujourd’hui des discours pendant que des alliances se nouent avec des groupes de droite et des groupes religieux sous le prétexte d’une « convergence des luttes » (synonyme d’alliance de circonstance), tandis que de plus en plus on peut lire d’insupportables élucubrations réactionnaires et souvent racistes sous pavillon « radical » (cf. Lieux Communs, PMO, Houria Bouteldja, Jean-Claude Michéa, etc.), qu’une parole raciste et raciale, souvent à l’égard des personnes désignées comme « juives » semble pouvoir se libérer dans certains milieux et médias « radicaux » pourtant très mainstream. On pouvait déjà déplorer l’organisation de meetings « antifascistes » en compagnie d’organisations religieuses profondément réactionnaires et d’anciens leaders de la « Manif pour Tous », pour qui la priorité partagée était de soulager les consciences religieuses blessées dans la France post-attentats, une « cause » que beaucoup de révolutionnaires ont bienheureusement encore du mal à faire leur malgré le rouleau-compresseur prescriptif de l’université et de la religion.
Qu’est-ce qui s’est perdu, aujourd’hui, pour que toutes les soupapes de sécurité qui rendaient – plus ou moins, selon les questions et les époques – les révolutionnaires imperméables au fascisme, aux populismes et aux valets de dieux, se soient ainsi cassées ?
De cette réaction fétide, on en retrouve aussi bien dans les critiques passéistes et de droite de la postmodernité – les Onfray, Finkelkraut, Zemmour, Todd, etc. qui inondent les canaux principaux de la culture de masse de leur propagande raciste d’extrême droite sur tous les sujets possibles – que dans les critiques post-modernes et postrévolutionnaires de gauche des pensées et des mouvements révolutionnaires anarchistes et autonomes, hâtivement jugés comme démodés et inintéressants par des apôtres de notre époque débarrassés de toute perspective universaliste.
A tel point qu’aujourd’hui c’est peut-être dans l’exploration de la question de l’universalisme que pourrait se retrouver un chemin subversif à même d’abolir enfin les séparations imaginaires qui cloisonnent de plus en plus l’humanité asservie à elle-même. La réaction aussi a toujours été l’ennemi historique de toute forme d’universalisme, hormis ceux du barbelé, de la normalité et du fric.
Mais comment pourrait-on être révolutionnaire et en même temps déplorer la perte de valeurs anciennes, traditionnelles, soi-disant précapitalistes ? Ou bien défendre des Etats, des nations, des drapeaux et des dictateurs sous pavillon « anti-impérialiste » ? Prôner un retour aux conditions féodales préindustrielle sous le prétexte d’une critique instrumentale ou pseudo-radicale de la technologie comme le font certains groupes armés écologistes éloignés et aujourd’hui ennemis déclarés de l’anarchisme et de la révolution ? Ou encore se faire nouvel apôtre de la défense ou de la préservation des sensibilités religieuses heurtées ou de la défense des valeurs familiales et judiciaires de ce monde ? Céder à la séduction populiste et à l’opportunisme politique éhonté au moindre soubresaut ? Organiser des chasses à l’anormalité sous prétexte de déconstructionnisme normatif ? Prôner le conservatisme et le puritanisme comme nouvelles radicalités ? Judiciariser les rapports et se faire procureurs des rumeurs et juges des exécutions et ce sans même envisager une place quelconque pour « la défense » ? Et puis quoi d’autre maintenant ? Nous proposons donc à travers cette soirée d’identifier la réaction sous ses formes diverses sans s’arrêter aux discours de façades parfois efficacement enrobés d’un voile de confusion volontaire, et sans céder aux mirages provoqués par la décomposition politique qui voudrait établir une cartographie de la réaction qui inclurait l’antinationalisme, le refus du religieux et la critique de toutes les identités du vieux-monde, qu’elles soient sociales, ethniques, politiques, assignées ou revendiquées, et donc ainsi, toute perspective révolutionnaire anti-autoritaire.
Au fleurs arctiques
De la méga-gauche à la méga-droite : ce parfum pourri de réaction
Vous avez peut-être loupé ça :
Mardi 2 avril à 19h : « Les Dents de la mer », Steven Spielberg – VOSTF
(USA) – 1975 – 2h04
Et si le plus efficace de tous les prédateurs marins décidait de faire de nos stations balnéaires son plus rentable garde-manger ? Voilà une proposition que nous ne pouvions pas décemment ne pas vénérer, ceux qui connaissent notre ciné-club peuvent facilement se l’imaginer… Dans le cadre du cycle sur les Kaiju aux Fleurs Arctiques, nous n’avions pas encore évoqué ce genre de Kaiju-là. Le super-prédateur le plus terrifiant de l’océan n’est ni un monstre chimérique et mythologique, ni une armée asiatique impériale alliée des nazis et surgissant de la mer en laissant l’Amérique sous le choc, non, il s’agit seulement de ce pauvre requin. Tour à tour symbole, dans la culture populaire, d’une finance méprisante de la vie humaine, de la super- prédation optimisée, ou bien encore de l’inconnu qui dort au fond des abysses mais qui pourrait surgir à tout moment avec une puissance et une force que la civilisation ne peut considérer autrement que comme le pinacle d’une barbarie sauvage intentionnalisée et insupportable ; il faut croire que ce pauvre requin incivil, autiste et sauvageon recueille tout le ressentiment civilisé et anthropocentré contre sa grande gueule, en tant que paroxysme monstrueux de la peur sans être lui-même ni un mythe ni un monstre en dehors de l’imagination humaine et de sa normalité pathogène, un peu comme la révolution, sommes-nous tentés d’analogiser.
Avec la musique imparable de John Williams, deux notes répétées jusqu’à l’angoisse primordiale, le second film de Spielberg qui raconte exactement la même histoire que le précédent (Duel, 1971) mais hors de la route, Jaws pourrait lui aussi être considéré comme un film de genre porteur d’une critique sociale acerbe, bien que dissimulée et métaphorique, dans une Amérique nixonnienne en plein fiasco militaire et politique (Watergate) et secouée par les protestations massives et protéiformes contre la guerre du Vietnam et la ségrégation raciale.
Nous proposons donc pour cette soirée Kaiju une petite croisière tranquille à la rencontre de la révolution et de ses mâchoires prêtes à engloutir, digérer et enfin rejeter ce monde au néant. Que le Grand Requin Sauvage et impoli nous dévore enfin !
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5/04/2019