Revue Agone, début 2019
Une tentative de définition de ce qu’est « la » littérature (dominante, hégémonique, légitime) et de ce qui en est exclu.
Autour d’une « autre littérature », la question n’est pas tant de proposer on ne sait quelle littérature alternative que de remettre en cause l’évidence de ce qu’est « la » littérature fabriquée par les institutions centrales et dominantes de la vie littéraire. Ce qui consacre « la » littérature comme telle, c’est une façon de renvoyer toutes les alternatives à la diversité du pluriel et à la singularité des étiquettes : « les » autres littératures, qu’elles soient définies par leur public et des formes littéraires supposées lui convenir (littératures populaires, policières, de science fiction, à l’eau de rose, enfantines), par le monde social qu’elles décrivent et la manière dont elles le font (littérature populiste, réaliste) ou encore par l’origine sociale de ses auteurs (littérature ouvrière, prolétarienne). Ce qui passe pour « la » littérature est « une » littérature parmi beaucoup d’autres possibles. Il s’agit notamment de montrer combien une autre littérature pourrait être plus critique, plus politique, moins socialement exclusive.
Ainsi, il existe une représentation dominante de la littérature et, loin de s’imposer comme par nature, cette littérature est le résultat d’un travail de légitimation et de discrimination : les prix littéraires, les revues, les festivals, prescrivent ce que doit être (ou ne pas être) la littérature. Ce travail est discret, rarement explicite. Parmi ses outils les plus efficaces : l’oubli et le stigmate. Oubli du passé et des moments où existaient des manières de concevoir la littérature très différentes de ce que l’on constate aujourd’hui. Stigmate de la relégation dans les genres dits mineurs, qui sont souvent à la fois des refuges du discours critique et une manière de les neutraliser.
C’est en suivant ces trois approches que sont l’histoire, la hiérarchie des genres et le constat des travers de « la » littérature actuelle, et en faisant appel aux écrivains eux-mêmes, que ce numéro explore les voies d’une autre littérature.
Au sommaire. Dossier : Une autre littérature ? Introduction par Philippe Olivera — De la poésie des ouvriers à la poésie ouvrière (xviie-xixe siècles), par Dinah Ribard — Quand une autre littérature était possible : les années 1910-1930, par Philippe Olivera — Privilèges du mépris, résistance de l’anodin. Le cas des romans policiers sous le IIIe Reich, par Vincent Platini — Autour du polar et de la littérature populaire. Entretien avec Marin Ledun et Jean-Bernard Pouy, entretien mené par Hervé Delouche et Vincent Platini — Le roman noir comme espace critique, par Hervé Delouche — Une littérature sans la langue : la littérature de la migration, par Anna Federici — Rubriques : La leçon des choses.
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31/10/2018