Le nouchi : notre français ?
Colloque : « Le nouchi : notre français ? Parlers urbains africains : pratiques, marges et territoires linguistiques (francophonie, anglophonie…) »
Abidjan
Du 13 au 15 mars 2019
PRESENTATION
À l’instar de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne anciennement colonisés par la France, la Côte d’Ivoire a fait le choix du français comme langue officielle dès la proclamation de son Indépendance.
Fort de ce statut de langue de l’instruction, de l’administration et des services, pour ne citer que cela, le français a pu aisément s’enraciner dans le tissu linguistique ivoirien. Par ailleurs, la situation du français en Côte d’Ivoire révèle un long processus d’appropriation et la plupart des linguistes, spécialistes de la Côte d’Ivoire s’accordent à en décrire le résultat comme un continuum linguistique avec à ses extrémités le français « standard » et le « nouchi ».
Lors du Colloque International de Dakar de décembre 1990 « Des langues et des villes » [1] Jérémie N’guessan Kouadio s’interrogeait dans sa communication « Le nouchi abidjanais, naissance d’un argot ou mode linguistique passagère ? », quant à l’aptitude du nouchi ivoirien à survivre au temps.
Environ trente ans après cette réflexion et quarante-sept ans[2] après la création du nouchi, force est de reconnaitre la vitalité et l’omniprésence de ce parler dans les usages linguistiques ivoiriens. De ce fait, les prévisions des chercheurs selon lesquelles cette pratique linguistique disparaîtrait progressivement grâce à une amélioration du système éducatif favorisant l’accès à un apprentissage guidé de la langue française, ne se sont pas réalisées.
Comme l’observent Aboa (2015) et Kouadio (2008), le nouchi a été, à l’origine, un argot essentiellement utilisé par des jeunes urbanisés au français souvent rudimentaire, qui y trouvaient à la fois un code cryptique et un signe de reconnaissance.
Des raisons qui sont quasiment les mêmes que celles ayant entrainé la création de certains parlers urbains africains comme le sheng, le scamto, l’indoubil, lingala ya ba yankees (argot kinois), camfranglais (Kießling et Mous, 2004). Selon Dodo et Allou (2016) « les parlers urbains africains dans leur évolution tendent à s’enraciner durablement dans les mœurs de leurs utilisateurs. Quoiqu’étant issus de pays différents, ces parlers sont nés et évoluent dans des contextes socio-linguistiques quasi-identiques. Autrefois trainés aux gémonies, ces sociolectes sont maintenant exaltés. »
Lafage (2002 : 35) – alors qu’elle affirmait qu’« en 1986, les ivoiriens pensaient que le nouchi avait supplanté le FPI (le français populaire ivoirien) en l’assimilant » – considère que le nouchi est un sociolecte autrement dit un moyen pour une classe sociale de s’affirmer et de revendiquer son identité. Aujourd’hui, le nouchi tend à se généraliser à toutes les couches de la société ivoirienne (Ploog, 2000 et 2001 ; Aboa, 2011 ; Kouamé, 2012 et 2013) et progressivement infiltre certains lieux de prédilection du français standard (langue officielle) que sont l’école et la politique.
En marge de ces différentes prises de position théoriques, la recherche a aussi amplement contribué à la description linguistique du nouchi à travers des études sur son fonctionnement lexical. Il s’agit notamment des travaux de Kouadio (2000) et Ahua (2006) qui ont récemment donné lieu au dictionnaire de référence anthologique publié chez l’Harmattan (Kadi, 2017). D’autres travaux tels que ceux de Kouadio (1990, 2006), Boutin (2002, 2008) et Ahua (2007, 2008) ont mis en évidence le fonctionnement syntaxique du nouchi. Pour leur part, Kouacou (2015) et Dodo (2015), dans leur thèse respective, ont actualisé les recherches (linguistiques et sociolinguistiques) sur le nouchi.
Le présent colloque se donne donc pour ambition de faire le point des avancées scientifiques observées dans l’étude de ce phénomène linguistique. Sont conviés à ces assises qui se veulent pluridisciplinaires, les chercheurs en sciences du langage, en philosophie, en psychologie et en sociologie du langage, en littérature et cultural studies soucieux de mettre en lumière leurs travaux sur les parlers urbains africains en général et de façon particulière sur le nouchi, son statut de langue, ses rapports fusionnels ou exclusifs avec les autres variétés de français (FPI, français standard et français ivoirien) existant en Côte d’Ivoire, ses liens avec les autres langues africaines et européennes, sa richesse stylistique, son actualisation poétique, littéraire et musicale, la portée argumentative de son emploi dans les discours politiques ou publicitaires, son identification en tant que mécanisme de fixation identitaire etc.
AXES DE RECHERCHE
Axe 1 : Contextes d’apparition et d’émergence
Axe 2 : Dynamique des parlers urbains : description linguistique
Axe 3 : Attitudes, représentations linguistiques et discursives
Axe 4 : Parlers urbains et arts
Axe 5 : Parlers urbains africains : convergences et divergences
Axe 6 : De la didacticité des parlers urbains
Axe 7 : Parlers urbains africains en littératures (roman, poésie, théâtre, nouvelles)
Axe 8 : Parlers urbains et politiques linguistiques
Axe 9 : Parlers urbains au prisme de la philosophie, la psychologie et la sociologie du
Langage
Axe 10 : Parlers urbains et développement (durable)
COMMUNICATIONS
Les résumés de communication en français ou en anglais (500 mots au maximum) sont à envoyer conjointement aux courriels suivants : dorgeleshouessou@yahoo.fr, jeanclaude.dodo@gmail.com et yvesyouant@gmail.com
CALENDRIER
Le calendrier prévisionnel du colloque s’établit ainsi :
– 30 août 2018 : date limite de réception des propositions de communications (résumés) ;
– du 10 au 25 septembre 2018 : notifications aux auteurs ;
– du 05 au 27 février 2019 : réception de la version complète ou du powerpoint de la communication.
ORGANISATEUR
Laboratoire de Description de Didactique et de Dynamique des Langues en Côte d’Ivoire (L3DLCI)
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30/07/2018