Hugo vs Flaubert [Kahn vs Hazan ah ah ah]
Jean-François Kahn
La tradition veut qu’on soit progressiste à vingt ans et réactionnaire l’âge venant. Victor Hugo, qui décidément ne fait rien comme les autres, parcourt le chemin inverse. De 1847 à 1851, on assiste à l’« extraordinaire métamorphose » d’un vicomte, pair de France, monarchiste, député de Paris élu sur des listes de l’union de la droite, devenant l’homme des Misérables, passant du côté républicain, prônant la révolution et s’intégrant à l’extrême gauche.
Qu’en est-il de ce Hugo-là deux cents ans après ? Pourquoi revenir sur Hugo politique ? Parce que, dit Jean-François Kahn, « Victor Hugo incarne mieux que quiconque le combat pour la démocratie et les droits de l’homme ; ensuite, parce qu’il n’a cessé, parfois seul, au prix de sa tranquillité et de sa réputation, de résister à l’offensive, souvent convergente, des stalinismes de gauche et de droite ; enfin parce qu’au nom du refus de la guerre civile, en vertu d’un patriotisme bien compris, il a de toutes ses forces cherché à favoriser l’émergence d’une autre voie. » Mais aussi parce que peu de gens imaginent, de nos jours, jusqu’où il va dans la radicalité et la modernité, donnant parfois l’impression qu’il nous parle des problèmes d’aujourd’hui.
Pourquoi Paris, pourquoi pas la constellation provinciale, Issoudun et Guérande, Saumur et Fougères, Besançon et Sancerre ? C’est que Paris est à la fois l’épicentre de la Comédie humaine et « une fille, une amie, une épouse » pour Balzac. Le livre mêle d’ailleurs ces deux aspects : en même temps qu’on voit se déployer la ville de Ferragus, de Diane de Maufrigneuse, de De Marsay et de Rastignac, on suit l’existence de Balzac dans Paris, ses déménagements sous la pression des créanciers, ses démêlés avec ses éditeurs, ses malheurs au théâtre, ses journaux, ses courses dans les rues entre ses imprimeurs, ses marchands de café et ses nombreux amis. Il est par moments comme fondu dans la foule de ses personnages, ducs et pairs, actrices, espions, journalistes, poètes et banquiers. Réaliste, Balzac ? « J’ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m’avait toujours semblé que son principal mérite était d’être visionnaire, et visionnaire passionné. Tous ses personnages sont doués de l’ardeur vitale dont il était animé lui-même. Toutes ses fictions sont aussi profondément colorées que les rêves », c’est Baudelaire qui le dit, et c’est aussi ce qui ressort de ce livre, exploration de la cathédrale balzacienne et enquête sur son architecte.
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1/03/2018