Éros et mélancolie dans la poésie moderne et contemporaine
sous la direction de Fulvio Ferrari, Lorenzo Mari, Stefano Pradel
Dans ce nouveau numéro de Ticontre, nous souhaitons nous interroger sur la présence de l’éros et de la mélancolie dans la poésie moderne et contemporaine.
Enquêter sur l’existence d’une tradition artistique et intellectuelle où interagissent éros et mélancolie signifie, de fait, proposer une histoire universelle de la pensée et de l’art. Concernant le monde occidental, il faut d’abord renvoyer au De natura hominis de Polybe de Cos (400 avant J-C) ainsi qu’à l’essai sur la mélancolie attribué à Rufus d’Éphèse (1er siècle avant J-C). La théorie préscientifique des humeurs s’avère particulièrement efficace pour rendre compte des phénomènes physiques, animiques et psychologiques reliant éros et mélancolie dans la définition de « maladie d’amour ». Dans les traités médicaux du Moyen-Âge, on élabore la notion d’amor heroes : un érotisme mélancolique naissant de l’interaction d’Éros et de Saturne – idée qui aboutit au De Amore de Marsile Ficin (1469) et, par la suite, à l’approche scientifique de Huarte de San Juan (Examen de ingenios para las ciencias, 1575).
Ce thème est omniprésent : on le retrouve dans la poésie courtoise, à la Renaissance, à l’époque baroque, en plein romantisme (avec la juxtaposition d’Éros et de Thanatos), dans la poésie post-romantique (« la muse malade »). On le retrouve également dans les définitions médicales modernes proposées par la psychopathologie freudienne de l’amour et par le débat psychanalytique qui s’en suivit, alimenté, entre autre, par les rapides changements socio-politiques réalisés au cours du XXe siècle touchant à la sexualité des individus.
L’amour heroes, délivré de sa valeur et de sa signification originelles, demeure dans la littérature de la modernité, nourrissant constamment le débat interdisciplinaire. Pour ne mentionner que quelques exemples, il suffit de renvoyer à Roland Barthes (Fragments d’un discours amoureux, 1977), Octavio Paz (La llama doble. Amor y erotismo 1993), Giorgio Agamben (Stanze. La parola e il fantasma nella cultura occidentale, 1993), Byung Chul-Han (Agonies des Eros, 2012) ou bien à la “sémiotique des passions” (Greimas, Quèrè, Marsciani, Bertrand, Geninasca, Fontanille).
Ce genre de débat s’est souvent concentré sur l’analyse du texte poétique envisagé comme un catalyseur de l’éros et de la mélancolie. À l’inverse, nous souhaitons nous pencher sur la présence de l’éros mélancolique dans la production poétique moderne et contemporaine d’une manière transversale, en mettant en relief les constantes et les caractéristiques des poétiques et des esthétiques individuelles ou collectives qui surgissent d’une réflexion tenant compte de la sensorialité, de la corporéité, de la relation à l’autre, de l’expression du sentiment amoureux et du désir sexuel. Car nous voulons enquêter sur l’expression problématique, marginale ou inhabituelle de l’érotisme, là où le désir et son impossibilité à se réaliser se font poésie.
Nous signalons ici à titre d’exemples et sans ambitionner d’être exhaustifs quelques perspectives d’étude:
– philologie d’auteur, critique génétique : variantes et réécritures explicitant/occultant ce thème ;
– des approches diachroniques concernant l’évolution expressive de la relation éros-mélancolie sur la longue durée dans une culture, dans un mouvement ou dans une période littéraire ;
– construction/représentation du sujet lyrique par rapport à l’autre (formes du désir, de la communication, de la figuration)
– des analyses herméneutiques d’œuvres à partir d’une réflexion sur la structure, le style, les isotopies sémantiques ;
– connexion entre les modes d’expression et la psychopathologie amoureuse, la névrose, la maladie mentale, etc., par rapport à la littérature et à la société.
– persistance/raréfaction des modes d’expression du lien éros-mélancolie dans les écritures avant-gardistes et néo-avant-gardistes (ou, plus récemment, dans les « écritures post-poétiques »).
Ne seront acceptés que les articles portant sur la poésie moderne et contemporaine à partir du premier Romantisme (1798) jusqu’à aujourd’hui. Les articles pourront être écrits en italien, en français, en espagnol ou en anglais. Ceux qui sont intéressés pourront envoyer un abstract (250 mots maximum), accompagné d’une brève notice biobibliographique, à l’adresse eros@ticontre.org avant le 28 février 2018 à midi. Les auteurs des articles retenus seront contactés avant le 15 mars 2018. Les articles devront parvenir avant le 30 Juin 2018 et seront soumis à une double lecture critique (peer review).
Pour toute question, veuillez écrire à eros@ticontre.org
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28/01/2018