4 expériences de « retour à la nature »…
Sur France Cul, l’année prochaine, ça cause en dehors, communauté anarchiste, illégalisme, retour à la nature, végétalisme, amour libre et autres joyeusetés / billevesées (au choix)… Et ça commence avec Elisée Reclus (et Toto le Thoreau), pour très vite s’intéresser à la Lebensreform de la communauté Monte Verita à Ascona et aux communautés anarchistes et libertaires autour de 1900 (nous vous encourageons si ça vous intéresse à consulter la revue finissante Amer (#2 et #3) ici même téléchargeable). Pour conclure, la quatrième émission parle de Longo Maï. Sans commentaire.
Lundi 1er janvier : Sur les sentiers de la liberté : Henry David Thoreau, Élisée Reclus
Thoreau, philosophe, arpenteur, naturaliste, part s’installer deux années durant dans les bois. Reclus, géographe, communard, anarchiste, plusieurs fois exilé, parcourt le monde. En promenade dans le bois de Phénix en Dordogne, nous cheminons au fil des mots et des idées des deux écrivains.
Que signifie la beauté de la nature quand les hommes sont vils ? (…) Le souvenir de la bassesse des politiciens trouble mes promenades. Je nourris d’homicides pensées. En vain j’essaie d’observer la Nature. Involontairement, je me remets à conspirer. Tous les justes en feront autant, je l’espère. (Henry David Thoreau, Journal, Après-midi du 16 juin 1954)
En promenade dans le bois de Phénix avec Joël Cornuault, écrivain, éditeur de textes d’Elisée Reclus et traducteur de textes de Thoreau. Nous cheminons sur les sentiers de Dordogne au fil des mots et des idées de ces deux savants et poètes bien loin des figures de spécialistes qui émergent au XIXe siècle dans les milieux académiques corsetés par la séparation des disciplines.
On a l’impression à chaque fois d’une oeuvre vie. Dans l’écriture, la vie n’est pas indifférente, ou à côté, ou à part. Elle transparaît à chaque ligne. Ce sont des écrivains qui écrivent comme ils vivent. (Bertrand Guest)
Le géographe anarchiste et le philosophe naturaliste, observateurs des arbres, des pierres et des rivières, tous deux doués d’un vif sentiment de la nature, veulent « dépouiller le vieil homme, abolir un dégradant esclavage. (…) Simplifier radicalement le mode de vie des civilisés » (J. cornuault).
Avec :
- Joël Cornuault, écrivain, traducteur et éditeur
- Bertrand Guest, maître de conférences en littérature à l’Université d’Angers
- Johann Chapoutot, professeur d’histoire à l’Université Paris-Sorbonne
- Marc Cluet, professeur émérite au Département d’Etudes allemandes de l’Université de Strasbourg.
Lectures : Régis Royer
Enregistrements à Paris : Yanis Djoudad
Merci à Joël et Nadine Cornuault, à Franck Lemonde et à France Bleu Dordogne
Une série documentaire de Marie Chartron et François Teste
Bibliographie
Henry David Thoreau, Walden ou La vie dans les bois, Albin Michel, 2017
Elisée Reclus : Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes, Premières Pierres, 2002 ; Histoire d’une montagne, Actes Sud, 1999 ; Histoire d’un ruisseau, Actes Sud, 2005 ; Ecrits sociaux, Héros-limite, 2012
Joël Cornuault : Elisée Reclus- Six études en géographie sensible, Isolato, 2008 ; Elisée Reclus, géographe et poète, Fédérop, 2014 ; Thoreau, Dandy crotté, Editions du Sandre, 2013 ; Liberté belle, Isolato, 2015
Bertrand Guest, Révolutions dans le cosmos : Essais de libération géographique : Humboldt, Thoreau, Reclus, Classiques Garnier, 2017
Mardi 2 Janvier : Monte Verità, une réforme de la vie sur la montagne
Inspirés par le mouvement germanique de la Lebensreform (la réforme de la vie), six jeunes gens fondent en 1900 à Ascona la communauté Monte Verità qui devient rapidement un important centre culturel où se croise dans un foisonnement intellectuel rare artistes, écrivains et danseurs.
Ascona, 1900 : fuyant la ville et les carcans bourgeois, six jeunes sujets des empires allemand et austro-hongrois arrivent à pied au bord du Lac Majeur, dans le canton suisse italophone du Tessin.
Inspirés par le mouvement de « réforme de la vie », ils fondent la « colonie » Monte Verità – la montagne de la vérité – qui devient rapidement un important centre où se croise dans un foisonnement intellectuel et artistique rare une société d’écrivains, philosophes, psychanalystes, artistes, danseurs, révolutionnaires, antimilitaristes : l’écrivain anarchiste Erich Mühsam, Hans Harp, Ernst Bloch, les danseuses Mary Wigman et Isadora Duncan, Lénine, le chorégraphe Rudolf von Laban, Hermann Hesse… Au programme, bains de soleil, travail au jardin, danse et libération des corps, régime végétal.
Les fondateurs étaient fascinés par la théosophie, mais aussi le taoïsme, le bouddhisme. Ça signifie vraiment qu’ils cherchaient une vérité. Et c’est pour ça qu’ils ont appelé cette colline « Monte Verità », le colline de la vérité.
Corps dénudés ou portant des vêtements amples, hommes aux cheveux longs sur fond de verdure : les photos de l’époque semblent avoir été prises soixante ans plus tard, en pleine vague hippie. Dans les cabanes « air-lumière » ou dans une grotte à flanc de montagne plongeant dans les eaux du Lac Majeur, le souvenir des Montévéritains ne s’éteint pas.
Les frères Graeser ont prétendu que l’idée de départ est une communauté auto-suffisante. […] Ils auraient rêvé d’un phalanstère. Toutes les communautés se posent fatalement la question de leurs ressources. Très vite, elles passent de la perspective d’auto-subsistance à celle de la prestation de service : des services hôteliers, des séminaires, ça peut être l’accueil de groupes constitués, etc.
Avec :
- Hetty Rogantini de Beauclair, fille du premier administrateur de la société végétalienne Monte Verità.
- Lorenzo Sonognini, directeur de la Fondation Monte Verità.
- Isabelle Danto, critique d’art, spécialiste de la danse.
- Marc Cluet, professeur émérite au Département d’Etudes allemandes de l’Université de Strasbourg, spécialiste de la Lebensreform.
- Mara Follini, directrice du Musée communal d’art moderne d’Ascona.
Merci à Andreas Schwab
Extraits du texte d’Erich Mühsam, Ascona, lus par Hubertus Biermann · Extrait de la correspondance de Rudolf von Laban avec Suzanne Perrottet, lu par Régis Royer
Documentation : Annelise Signoret
Une série documentaire de Marie Chartron et François Teste
Bibliographie
Erich Mühsam, Ascona, La digitale, 2002
Hermann Hesse, Demian, Le livre de poche, 1979
Isabelle Danto : publications dans la revue Esprit et sur Cairn
Marc Cluet : « La dynamique sociale de l’impuissance politique », Tübingen, A. Francke, 2013
La montagne de la vérité, Henry Colomer, 1997
Mercredi 3 Janvier : Les clairières libertaires, une vie communautaire d’anarchiste en 1900
Fonder une communauté de vie et de travail hors du salariat pour montrer qu’une autre vie est possible : sans domination, reposant sur l’entraide et les rapports harmonieux entre femmes et hommes.
Dans les années 1890, la voie avait été ouverte, entre autres, par le milieu libre de Stockel en Belgique ou la colonie Cecilia au Brésil. Au XXe siècle naissant, l’expérience est poursuivie en France. L’histoire discrète de ces essais libertaires serait sans doute restée muette si quelques historiens de l’anarchisme et du mouvement ouvrier n’avaient buté dessus et redonné un nom aux visages glanés sur les rares photos qui nous sont parvenues : Fortuné Henry, Sophia Zaïkowska, Georges Butaud…
L’anarchisme individualiste émerge à la fin du XIXe siècle, mais il devient un courant visible dans les premières années du XXe siècle. Le principe de l’anarchisme individualiste, c’est que la révolution doit commencer déjà par soi-même, c’est-à-dire que l’on ne doit pas attendre d’un grand soir hypothétique que tout change, si les individus n’ont pas déjà changé eux-mêmes. Anne Steiner
Ces vies particulières à la belle époque seront voilées par la Première Guerre mondiale et par la révolution russe de 1917, qui, par ricochet, rebattra souvent les cartes de ces milieux anarchistes.
lls ont comme credo que tout est politique, que le plus minuscule de nos gestes est politique. Anne Steiner
Leurs traces nous conduisent à Vaux dans la nature champêtre et à Aiglemont dans la forêt des Ardennes, où deux colonies voient parallèlement le jour en 1903.
Avec :
- Anne Steiner, maître de conférences en sociologie à l’Université Paris Ouest -Nanterre La Défense, spécialiste du mouvement individualiste anarchiste.
- Dominique Petit, chercheur indépendant, a exhumé de vastes archives au sujet de l’Essai d’Aiglemont.
- Tony Legendre, chercheur indépendant, auteur d’un livre sur le milieu libre de Vaux.
- Arnaud Baubérot, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Paris Est – Créteil.
- Philippe Decobert, maire d’Aiglemont, collectionneur.
- Stéphane Collignon, auteur d’un mémoire de maîtrise sur l’Essai.
Lecture : Régis Royer
Une série documentaire de Marie Chartron et François Teste
Bibliographie
Céline Beaudet, Les milieux libres : vivre en anarchiste à Belle Epoque en France, Les Editions Libertaires, 2006
Anne Steiner, Les En-dehors, Anarchistes individualistes et illégalistes à la Belle-Epoque, L’échappée, 2008
Tony Legendre, Expériences de la vie communautaire anarchiste en France, Les Editions Libertaires, 2006
Arnaud Baubérot, Histoire du Naturisme – Le mythe du retour à la nature, Presses universitaires de Rennes, 2004
Nicolas Debon, L’Essai, Dargaud, 2015
Jeudi 4 Janvier : Longo Maï, l’utopie dure longtemps
Dans le sillage de 1968, de jeunes militants allemands, suisses et autrichiens accompagnés de quelques Français désertent la ville pour créer un “ bastion de résistance “, et s’installent en 1973 dans les Alpes de Haute-Provence. Longo Maï signifie en provençal que ça dure longtemps.
Dans le sillage de 1968, de jeunes militants allemands, suisses et autrichiens accompagnés de quelques Français désertent la ville pour créer un « bastion de résistance ». Ils s’installent en 1973 sur la commune de Limans, à côté de Forcalquier dans les Alpes de Haute-Provence où ils fondent une coopérative agricole autogérée qui connaît bientôt un immense afflux et essaime en France et en Europe : maraîchage, apiculture, élevage de moutons ou bûcheronnage accompagnent désormais les actions politiques et les campagnes de soutien que le collectif continue de mener. Ni règles écrites, ni salariat, ni propriété privée. Une radio libre, à laquelle participent largement des habitants de la région. Depuis quatre décennies, l’accueil de réfugiés.
Longo Maï, c’est quelque chose de profondément international. Le groupe d’origine, en 1973, avait déjà plusieurs nationalités.
Longo Maï signifie en Provençal que ça dure longtemps. Certains partent, d’autres arrivent : l’utopie dure longtemps. Elle évolue, et trois générations se côtoient désormais dans la ferme de Limans où vivent, travaillent et militent cent personnes de plusieurs nationalités.
On voulait surtout que la propriété soit collective, et surtout inaliénable.
Avec les habitants de la coopérative Longo Maï de Limans
Une série documentaire de Marie Chartron et François Teste
Bibliographie
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31/12/2017