Formes apocalyptiques du pouvoir, programmes apocalyptiques
« Formes apocalyptiques du pouvoir, programmes apocalyptiques »
Université Paul-Valéry Montpellier 3 (Site St Charles)
Lundi 12 — Mercredi 14 mars 2018
Ce colloque sur pouvoir et programmes apocalyptiques, soutenu par un projet d’établissement de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 et par l’EA 741 EMMA, est le troisième volet d’une série de colloques autour de l’apocalypse, après Formes de l’apocalypse / Formes d’apocalypse organisé par Arnaud Regnauld, Lori Maguire, Stéphane Vanderhaeghe, et Rémy Bethmont en mars 2016 à Paris 8 (EA 1569, TransCrit), et Médiations Apocalyptiques organisé par Hélène Machinal, Elizabeth Mullen et Joanna Thornborrow (EA 4249, HCTI) en mars 2017 à l’UBO (Brest). Comme lors des éditions précédentes, les communications issues de toutes les disciplines (études anglophones, histoire, sciences politiques, philosophie, littérature, arts visuels, cinéma, séries audiovisuelles, etc.) seront bienvenues et l’on pourra analyser des représentations dans tous les médias. Cette fois, c’est plus spécifiquement l’articulation entre pouvoir politique et « programmes » menaçant l’avenir de l’humanité qui retiendra notre attention. Il s’agira de penser le lien entre pouvoir (politique, économique, militaire, etc.) et apocalypse, dans le monde réel comme dans les dystopies en littérature, cinéma, arts visuels ou séries audiovisuelles. On s’interrogera sur la rhétorique explicite de l’apocalypse en politique – participe-t-elle nécessairement de la « politique de la peur » ou peut-elle, selon les locuteurs, déboucher sur des formes d’action, de mobilisation, de révolution, qui mèneraient à un futur « utopique » de « lendemains qui chantent » ?
On pourra se pencher, parmi d’autres thèmes, sur les formes mortifères du « bio-pouvoir » au sens biopolitique de Foucault ou de Michael Hardt et Antonio Negri (Multitude: War and Democracy in the Age of Empire, 2004), dans le cadre notamment du néolibéralisme, de la concentration des richesses, de la privatisation de ressources essentielles comme l’eau, sur le réchauffement climatique qui, compris comme inhérent au programme néolibéral (voir Naomi Klein, The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism, 2007) et non comme une « catastrophe naturelle », aboutit déjà, à l’heure actuelle, à la plus grande extinction depuis la mort les dinosaures ; réchauffement qui pourrait signifier la fin de l’humanité (Klein, This Changes Everything: Capitalism versus the Climate, 2014). On pourra analyser les guerres, en particulier celles du siècle écoulé : les deux guerres mondiales, évidemment ; mais aussi guerres coloniales ou néocoloniales du fait des aspects explicitement ou implicitement génocidaire de ces conflits ; la menace d’un conflit nucléaire global depuis Hiroshima et la guerre froide ; les programmes de développement d’armes bactériologiques (Ebola, anthrax) ou chimiques (Agent Orange, napalm, phosphore, sarin, etc.) menaçant notre espèce.
On pourra s’intéresser au retour marqué des images de l’apocalypse depuis le 11 septembre 2001 dans la culture populaire américaine (voir W.J.T. Mitchell, Cloning Terror: The War of Images, 9/11 to the Present) ; et voir comment l’on construit une politique fondée sur le trauma (voir Marc Redfield, The Rhetoric of Terror : Reflections on 9/11 and the War on Terror, 2009). L’on pourra traquer la rhétorique de l’apocalypse dans le cadre de la guerre au terrorisme, qui reprend celle de Samuel Huntington sur le choc des civilisations (The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, 1996) et voir ce qu’elle autorise comme politiques dévastatrices contre les populations civiles. Plus généralement, on pourra disséquer la rhétorique apocalyptique religieuse à l’heure contemporaine (aussi bien sous ses formes chrétiennes – Armageddon, Enlèvement, etc. – que djihadistes), et souligner comment elle permet d’asseoir un pouvoir politique ou de conquérir des territoires. L’identification allégorique de personnages ou de programmes politiques avec l’apocalypse (« Trumpocalypse », titrait le Libération du 9 novembre 2016) retiendra aussi notre attention.
Sur le versant plus technologique, les « programmes apocalyptiques » liés au numérique, à la surveillance de masse depuis le 11 septembre 2001, au risque de contrôle total des citoyens par le pouvoir politique, comme la science-fiction ou la fiction spéculative ont pu l’anticiper (Orwell, Huxley, Bradbury, Philip K. Dick) ou les séries télévisées contemporaines les représenter, de Black Mirror (2011- ) à Mr. Robot (USA, 2015- ) ou Person of Interest (CBS, 2011-2016), seront au cœur de nos interrogations, ainsi que le risque de contrôle total des populations par les entreprises (Big Data, concentration des réseaux sociaux et des médias aux mains de quelques groupes).
Faut-il voir dans l’Intelligence Artificielle l’apocalypse annoncée de l’humanité, selon l’inéluctable prophétie portée par les partisans de la singularité (Ray Kurzweil et Vernor Vinge) : voir The 100 (CW, 2014- ), Accelerando de Charles Stross (2005), Ex Machina (Alex Garland, 2014) ? La biotechnologie nous promet-elle, avec le corps augmenté ou le cyborg, une utopie (exosquelettes ou circuits intégrés au cerveau permettant aux paralysés de remarcher) ou une dystopie ? (cf les robots ou cyborgs exploités et traités sadiquement par les êtres humains comme dans Westworld [HBO, 2016-], et le manga de Masamune Shirow Ghost in the Shell (1989) dans ses différentes déclinaisons jusqu’à la dernière version cinématographique de 2017). À l’inverse, on verra comment une vision de l’apocalyptique technologique en tant que repoussoir permettant un retour à une vie simple, proche d’une Nature idéale, sert une argumentation religieuse radicalement opposée au progrès, où la véritable révélation consisterait en une régression prélapsaire au service d’un pouvoir théocratique (dystopies régressives, éco-utopies religieuses).
On pourra se pencher sur le clonage et les fictions qui cherchent à anticiper l’émergence d’êtres ne servant que de « réserve d’organes » pour les humains fortunés – Never Let Me Go (le roman de Kazuo Ishiguro et le film de Mark Romanek), The Island (Michael Bay, 2005), Orphan Black (BBC America, 2013-2017) ou Cloud Atlas (le roman de David Mitchell et l’adaptation par les Wachowski). On s’intéressera à la dimension réflexive ou au contraire, « non-clonée » ou non-CGI de ces récits insistant sur la singularité, l’individualité et le statut juridique de la « création ».
On développera la manière dont la fiction apocalyptique permet de penser des formes de résistance et de lutte révolutionnaires : l’Internationale chante « la lutte finale », contre le capitalisme que Marx rapprochait de la figure du vampire dans Le Capital. Sans doute la culture populaire, à travers les images « cannibales » du vampire et du zombie (The Walking Dead), ne cesse-t-elle de ré-imaginer cette « lutte finale », mais garde-t-elle une promesse de bonheur ? Les séries télévisées post-apocalyptiques comme The Man in the High Castle (Amazon, 2015-), Colony (USA, 2016), ou The Handmaid’s Tale (Hulu, 2017-) nous préparent-elles à entrer en résistance contre des formes de totalitarisme, dans une forme affective et politique à la fois de premediation au sens de Richard Grusin (Premediation: Affect and Mediality after 9/11, 2010) ? Ou sont-elles simplement une scopophilie du « pire » ?
Finalement, la pensée de l’apocalypse est-elle une prophétie auto-réalisatrice, et/ou un désir qui se manifeste dans la culture populaire dans les films catastrophe, comme l’ont avancé Jean Baudrillard, Slavoj Zizek ou Annie Rehill ? Y a-t-il urgence à en sortir, comme de toute pensée mortifère ? Ou y a-t-il de profondes différences entre le « spectacle » proposé par les films catastrophe et l’injonction, dans des récits d’anticipation plus éthiques, à penser notre propre responsabilité pour que l’histoire ne se répète pas selon un déterminisme qui met à mal notre libre arbitre (Cloud Atlas de David Mitchell, Battlestar Galactica de Ronald D. Moore, Matrix des Wachovski) ?
Propositions de communication à envoyer avant le 5 janvier 2018
simultanément à monica.michlin@outlook.fr
et https://easychair.org/conferences/?conf=apoc2018
Laisser un commentaire
27/12/2017