Interroger les figures de la criminelle dans la francophonie
Comme Alex Gagnon le propose dans son ouvrage La communauté du dehors : Imaginaire social et crimes célèbres au Québec, on constate, dans les études littéraires et culturelles, une nette « rareté, au Québec, des travaux sur le crime et ses représentations » (2016, 26). S’agissant du crime au féminin, ce manque est peut-être plus grand encore, tant sont rares les travaux portant sur les femmes criminelles dans la littérature et les arts d’expression française (Jouve, Guillain et Talairach-Vielmas, 2016, 13-16). Les femmes sont pourtant omniprésentes dans les représentations du crime en contexte québécois et ailleurs dans la francophonie, comme le remarque Gagnon lorsqu’il aborde par exemple les cas de « la Corriveau », de la « Marâtre » d’Aurore, l’enfant martyre ou de Joséphine-Éléonore d’Estimauville, impliquée dans le meurtre du seigneur de Kamouraska en 1839. De plus, si on regarde l’extrême contemporain, on observe des représentations de femmes criminelles à la fois différentes et marquantes, tant dans le discours médiatique (que l’on pense, par exemple, à l’affaire Karla Homolka ou à celle entourant Cécile Brossard) que dans le domaine des productions littéraires et culturelles (on pourrait évoquer la figure de Liliane Paolone dans Les Merveilles (2011) de Claire Castillon, le personnage de Victoria dans Vic + Flo ont vu un ours (2013) de Denis Côté ou encore les prisonnières dans Unité 9 (2012-2017) de Danielle Trottier).
Il serait alors intéressant d’interroger, à partir de corpus francophones toutes époques confondues, les figures de la criminelle. C’est dans cette voie que souhaite s’engager, à la suite de travaux récents (Jouve, Guillain et Talairach-Vielmas, 2016 ; Chevillot et Trout, 2013), le présent atelier. Les femmes criminelles étonnent, dérangent, séduisent et interrogent tout à la fois les normes de genre et les tabous sociaux, comme le remarquent Jouve, Guillain et Talairach-Vielmas. Pour ces mêmes raisons, ainsi que le suggèrent Chevillot et Trout, ces femmes sont potentiellement plus dangereuses, sur le plan symbolique, que leurs homologues masculins, en ce qu’elles incarnent une double transgression, à la fois juridique et socioculturelle : elles enfreignent les lois en plus de déroger à la préconception genrée d’une nature féminine douce et passive. Selon nous, l’étude de ces figures offre un prisme exemplaire à partir duquel on peut saisir, à travers l’histoire, la tension entre la normativité du genre « féminin » et ses transgressions. Elles brouillent potentiellement les lignes entre le masculin et le féminin et, par le fait même, invitent les sociétés à (re)signifier ou déconstruire les stéréotypes liés au genre sexuel féminin.
Voici une liste non limitative des sujets qui pourraient être abordés :
- L’évolution du crime au féminin en fonction des changements idéologiques et des lois ;
- Du fait divers au récit légendaire : transformation du réel à travers sa mise en fiction ;
- Le crime d’amour/le crime passionnel au féminin ;
- Enjeux criminels et féminins dans les littératures migrante ou autochtone ;
- Violence au féminin ;
- La « méchante », la psychopathe/la folle ;
- La colère en tant que force transformatrice essentielle.
Responsables de l’atelier :
Christina Brassard – christina.brassard@mail.utoronto.ca (Université de Toronto)
Fanie Demeule – demeule.fanie@courrier.uqam.ca (Université du Québec à Montréal)
Avec la collaboration et la participation d’Alex Gagnon – alex.gagnon.1@umontreal.ca (Université du Québec à Montréal)
Date limite pour l’envoi des propositions (250-300 mots) : le 15 décembre 2017
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14/10/2017