sur les fainéants, un texte de jean giono in arcadie …arcadie…
« Le vent souffle du nord-ouest, exactement comme il soufflait il y a dix mille ans. La vie est toujours accrochée aux mêmes ressources : l’huile et le vin. J’ai connu, en 1903, une catégorie de gens qu’on appelait les fainéants. Il y en avait cinq ou six à Manosque, deux ou trois à Corbières, un à Sainte-tulle, quatre à Pierrevert, une vingtaine à Aix, autant à Arles, peut-être cent à Avignon et ainsi de suite. Trois ici, deux là, quarante à Toulon, trente à Draguignan, six à Tourves, huit à Brignoles, cinq à Salernes, sept à Barjols ; à Marseille, n’en parlons pas, d’autant qu’ils n’avaient pas la qualité des autres. Ceux dont il s’agit ici étaient propriétaires de petits vergers d’oliviers : cinq ou six arbres, au plus dix. De tous âges, ils étaient arrivés à faire néant de façons diverses. Il y avait des veufs qui, ayant dépassé la cinquantaine, découvraient avec volupté qu’un homme seul a besoin de peu ; des jeunes qui, au retour du service militaire, considéraient l’absence de l’adjudant (sous toutes ses formes) comme un délice parfait ; de vieux célibataires. Un pantalon, une veste de velours duraient vingt ans. Le veuf trouvait dans ses coffres assez de chemises (en comptant celles de sa femme) pour aller jusqu’au Paradis. En hiver, il se taillait un tricot, même un manteau dans une couverture. Les jeunes, une fois par an, rendaient un petit service à quelqu’un : aller chercher une malle aux Messageries, rentrer du charbon, etc., et demandaient des vieux linges en échange. Ils vivaient d’olives confites et d’huile. Les olives et l’huile leur donnaient en échange un peu de vin. Pour le pain, ils glanaient. Ce n’était donc pas très exactement faire néant, mais c’était incontestablement faire peu, avoir sa liberté totale, vivre ; et même vivre à son aise. »
sur les fainéants, un texte de jean giono in arcadie …arcadie…
« Le vent souffle du nord-ouest, exactement comme il soufflait il y a dix mille ans. La vie est toujours accrochée aux mêmes ressources : l’huile et le vin. J’ai connu, en 1903, une catégorie de gens qu’on appelait les fainéants. Il y en avait cinq ou six à Manosque, deux ou trois à Corbières, un à Sainte-tulle, quatre à Pierrevert, une vingtaine à Aix, autant à Arles, peut-être cent à Avignon et ainsi de suite. Trois ici, deux là, quarante à Toulon, trente à Draguignan, six à Tourves, huit à Brignoles, cinq à Salernes, sept à Barjols ; à Marseille, n’en parlons pas, d’autant qu’ils n’avaient pas la qualité des autres. Ceux dont il s’agit ici étaient propriétaires de petits vergers d’oliviers : cinq ou six arbres, au plus dix. De tous âges, ils étaient arrivés à faire néant de façons diverses. Il y avait des veufs qui, ayant dépassé la cinquantaine, découvraient avec volupté qu’un homme seul a besoin de peu ; des jeunes qui, au retour du service militaire, considéraient l’absence de l’adjudant (sous toutes ses formes) comme un délice parfait ; de vieux célibataires. Un pantalon, une veste de velours duraient vingt ans. Le veuf trouvait dans ses coffres assez de chemises (en comptant celles de sa femme) pour aller jusqu’au Paradis. En hiver, il se taillait un tricot, même un manteau dans une couverture. Les jeunes, une fois par an, rendaient un petit service à quelqu’un : aller chercher une malle aux Messageries, rentrer du charbon, etc., et demandaient des vieux linges en échange. Ils vivaient d’olives confites et d’huile. Les olives et l’huile leur donnaient en échange un peu de vin. Pour le pain, ils glanaient. Ce n’était donc pas très exactement faire néant, mais c’était incontestablement faire peu, avoir sa liberté totale, vivre ; et même vivre à son aise. »