En lecture pour le prix Sade 2017
Le 7 janvier 1980, Gay Tales reçoit à son domicile new-yorkais une lettre anonyme en provenance du Colorado. Le courrier débute ainsi : « je crois être en possession d’informations importantes qui pourraient vous être utiles. »
L’ homme, Gerald Foos, confesse dans cette missive un secret glaçant : voyeur, il a acquis un motel à Denver dans l’unique but de le transformer en « laboratoire d’observation ».
Avec l’aide de son épouse, il a découpé dans le plafond d’une douzaine de chambres des orifices rectangulaires le 15 centimètres sur 35, puis les a masqués avec de fausses grilles d’aération lui permettant de voir sans être vu. Il a ainsi épié sa clientèle pendant plusieurs décennies, annotant ans le moindre détail ce qu’il observait et entendait – sans jamais être découvert.
A la lecture d’un tel aveu, Gay Talese se décide à rencontrer l’homme. Au travers des notes et des carnets du voyeur, matériau incroyable découpé, commenté et reproduit en partie dans l’ouvrage, l’écrivain va percer peu à peu les mystères du Manor House Motel.
Le plus troublant d ‘entre eux : un meurtre non résolu, digne d’une scène de psychose, auquel le voyeur assisterait, impuissant. Le voyeur exige l’anonymat ; l’écrivain, soucieux de toujours livrer les véritables identités de ses personnages, s’en tient aux prémices de son enquête.
Trente-cinq ans plus tard, Gerald Foos se décide à rendre publique sa machination et Gay Talese peut enfin publier ce livre dérangeant et fascinant. Le Motel du Voyeur interroge aussi, à travers la figure de Gerald Foos, étrange double pervers de l’auteur, la position du journaliste qui scrute le réel en observateur – en voyeur.
Au-delà du fait divers, cette plongée hallucinante dans la psyché américaine, parcourt une sociologie criminelle des moeurs, et s’avère être le plus parfait des romans noirs, à mi-chemin du chef d’oeuvre de Truman Capote, De sang-froid et du journaliste et 1’Assassin de Janet Malcolm. Gênant, passionnant, troublant, autant le dire, roman ou enquête, vous n’avez jamais lu un tel livre
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18/08/2017