Les Concubines de la directrice (1906)
La vie des études s’établit comme par le passé, et Reine constata avec une certaine tristesse que ses goûts lesbiens semblaient s’assoupir, et dans tous les cas la tourmentaient moins qu’auparavant. Il est vrai qu’elle était dans les grandes et que, parmi celles-ci, les coureuses avaient disparu. Parties miss Ellen, miss Géo, miss Mary, et bien d’autres ! Et celles qui formaient actuellement la deuxième division, les jeunes filles de seize ans et demi à dix-huit, ne présentaient que des caractères très anglais, aux sens calmes et à l’humeur plutôt pudibonde. En dehors de sa division, elle ne pouvait reporter son attention que sur les fillettes entrées dans l’ancienne étude de miss Grégor, où il y avait en effet quelques jolies filles dont le tempérament ne demandait qu’à s’éveiller : mais il lui coûtait de s’adresser à ses cadettes, ou aux maîtresses. Encore de ce côté, elle éprouva une déception à l’attitude très froide que lui témoigna madame Clary, à la classe de laquelle elle n’appartenait plus, et à celle de la remplaçante de miss Grégor, une assez jolie créature pourtant aux yeux très espiègles.
Dans son étude, en compensation, il ne lui subsistait aucun doute : Mistress Nelly lui faisait la cour, mais à la façon dont elle lui parlait en toute occasion, elle comprenait que la sous-maîtresse désirait la gamahucher, avant qu’elle ne la gamahuchât, en d’autres termes, qu’elle se posait en active et qu’elle la voulait passive. Aussi hésitait-elle.
En revanche, les études bien lancées, elle remarquait avec une joie passionnée que le feu de miss Sticker, loin de s’éteindre, brûlait avec une ardeur de plus en plus vive, que ses visites nocturnes s’espaçaient moins que l’autre année, et que plus elle se livrait, plus elle avait envie de la posséder. Un phénomène curieux se passait chez la directrice : le sexe s’accentuait dans ces contacts, comme s’il eût été atrophié jusque là par l’inactivité.
Alphonse Momas
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13/06/2017