Lettres de Malaisie
Demain, quelque part dans la région lilloise, seront lus des extraits des Lettres de Malaisie de Paul Adam pour inaugurer un cycle sur les théories politiques.
D’aucuns retiendront de l’écrivain sa seule production naturaliste, à tendance décadentiste – son roman Chair molle (1886) lui vaut 15 jours de prison pour immoralité – ou sa production à caractère symboliste qui lui assura une certaine reconnaissance chez ses paires – Soi (1886) , Etre (1888).
D’autres le comptent parmi les anarchistes peut-être à cause de son Éloge de Ravachol (1892) et de son Conte futur (1893) ou de quelques amitiés dans l’anarchie littéraire.
De tous les actes de Ravachol, il en est un plus symbolique peut-être de lui-même. En ouvrant la sépulture de cette vieille et en allant chercher à tâtons sur les mains gluantes du cadavre le bijou capable d’épargner la faim, pour des mois, à une famille de misérables, il démontra la honte d’une société qui pare somptueusement ses charognes, alors que, pour une année seule, 91 000 individus meurent d’inanition entre les frontières du riche pays de France, sans que nul y pense, hormis lui et nous.
Les derniers le fustigent – ou l’acclament, nous en sommes là, d’avoir été le secrétaire du très nationaliste Maurice Barrès, d’avoir tenu dans le camp antidreyfusard et surtout d’avoir adhéré avec beaucoup d’énergie au mouvement du général Boulanger. Comme beaucoup d’écrivains à la même époque, Paul Adam est un personnage paradoxal et d’apparence très contradictoire. Notez que ce second jugement est tout relatif. Aussi a-t-on dit de lui qu’il avait des « conceptions audacieuses » auxquelles il donnait une « forme très audacieuse ».
Nous conclurons l’annonce de cette soirée peu commune en disant que la manière ne l’est pas moins – audacieuse – d’entamer un cycle sur les théories politiques avec un tel choix de lecture. Ce qui n’est pas pour nous déplaire. Fallait-il le préciser ?
Les lettres de Malaisie ont été republiées chez Séguier dans la petite bibliothèque décadente sous l’égide de Jean de Palacio.
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3/01/2017