Les Goncourt et la caricature
Journée d’étude : les Goncourt et la caricature (9 juin 2017)
Paris (le lieu précis de la journée sera communiqué ultérieurement)
Organisateurs: Jean-Didier Wagneur et Jean-Louis Cabanès
Texte programmatique
Quels rapports Jules et Edmond de Goncourt entretiennent-ils avec la caricature, voire le caricatural ? La journée d’étude du 9 juin 2017 sera l’occasion de questionner les pratiques des deux frères avec, en perspective, la liaison soulignée par Honoré de Balzac entre caricature graphique et caricature écrite. Comment fonctionne-t-elle chez les Goncourt tout à la fois historiens d’art et écrivains ? Comment s’articule-t-elle avec la représentation en régime réaliste/naturaliste, au sein d’une société du Second Empire, médiatique et réclamiste, qui, pour généraliser la célèbre phrase de Marx qui ouvre le 18 Brumaire, tourne à la farce ? Comment s’insère-t-elle enfin dans une palette générique qui reflète la disparate d’un temps ?
Outre les caricatures dont ils ont été l’objet et qui ont contribué à leur notoriété médiatique, les Goncourt, écrivains d’art et d’histoire, les ont constamment utilisées dans leurs approches, tant du XVIIIe siècle que de la Révolution française et du Directoire, abordant à nouveau ce champ dans leurs études sur le Japon et l’estampe. Si leur pratique de la collection les a inévitablement amenés à explorer attentivement cette considérable production, leur approche a été facilitée par leur amitié avec Gavarni auquel ils ont consacré une importante monographie. La relation deux frères au caricatural est, cependant, pour le moins ambivalente. Ils condamnent dans le rire moderne ce qui ressortit à la blague, ils se montrent parfois critiques à l’égard de Daumier, pour des raisons idéologiques, quitte à le louer dans une sorte de repentir esthétique.
Leur expérience de la petite presse a joué dans la maturation de leur écriture, elle les a mis au contact du caricatural médiatique. Leurs collaborations à L’Éclair et au Paris de leur cousin, Charles de Villedeuil, les ont initiés aux codes et aux formes journalistiques, notamment le portrait anecdotique, la critique « bouffe », la brièveté incisive de la nouvelle à la main, la charge en prose. Se voulant héritière des gazettes de l’Ancien Régime, se réclamant constamment d’un « esprit français », l’écriture des petits journaux est alors indissociable de la réappropriation de la satire de l’Antiquité grecque et latine au XVIII siècle. Reste que limitée par les lois impériales sur la presse, elle est alors contrainte de délaisser le politique pour le social. Cette production importante de textes et d’images a amené les Goncourt au contact des physiologies qui entretiennent, comme la caricature, un lien fort avec la physiognomonie. Physiologie tardive, La Lorette, liée à Roqueplan comme à Gavarni, participe de la typologie classique de la littérature panoramique et répond à la nécessité de constituer un panthéon moderne de personnages allégoriquement caricaturaux. Les types inventés par les caricaturistes ou célébrés par eux sont constamment sollicités par les Goncourt, dès qu’il s’agit de décrire le Second Empire et le commencement de la Troisième République. De Robert Macaire à Bilboquet, en passant par Mayeux et Vireloque, ces avatars révèlent le fictionnel et le spectaculaire propre au social, constamment décrit, après Balzac, comme comédie.
Cette expérience de presse les a mis au contact des « existences problématiques » que sont alors celles des dessinateurs et des écrivains et a nourri, outre Quelques créatures de ce temps, recueil qui reste un jalon à ne pas négliger, Les Hommes de Lettres et Manette Salomon, fictions au sein desquelles l’idée de charge opère de manière signifiante.
Recueil de portraits, satire du temps présent, leur entreprise diariste entretient un lien fort avec le caricatural. S’offrant parfois comme avant-texte des premiers romans, le Journal use souvent des procédés de la caricature (outrance comique et vitesse) mais participe aussi d’une pratique courante du petit journalisme littéraire : les biographies anecdotiques où est posée une relation duelle entre texte et dessin. L’ensemble contribuant à la constitution d’une forme d’historiographie comique des gloires et demi-gloires du temps.
Cette journée d’étude se donne donc pour objet une dimension essentielle de l’art des Goncourt. Si la part du caricatural se manifeste sous des formes hétérogènes, elle incite constamment à analyser au sein de la représentation réaliste, le jeu de la typisation ironique et parfois allégorique, l’importance des hyperboles outrancières, un spectaculaire qui crée des monstres comiques dans la mise en images du social, la segmentation du réel en objets détachables. Ajoutons que la reproductibilité lithographique trouve son analogon dans ce qui semble, aux deux frères, la reproductibilité incessante de types au sein d’un univers social macairisé. Du « musée en plein air » au musée littéraire, la référence au caricatural présuppose une trans-sémiotique, des passages ou des sauts que cette journée d’étude se donne pour mission d’explorer.
Jean-Didier Wagneur, Jean-Louis Cabanès
Les propositions de communication doivent être envoyées avant le 30 novembre 2016 aux adresses suivantes :
jean-didier.wagneur@wandoo.fr
jeanlouis.cabanes@sfr.fr
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26/11/2016