Les Festival des troquets
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Tous les amoureux du Paris mystérieux connaissent forcément Jacques Yonnet, l’auteur du mythique Rue des maléfices. Et pour cause ! Paru chez Denoël en 1954, son livre fut salué par Raymond Queneau comme l’un des plus grands ouvrages jamais écrits sur la capitale – au point qu’il l’empêchait même de dormir… Mais peu de gens savent qu’il rédigea aussi des chroniques dans L’Auvergnat de Paris, le journal des émigrants du Massif central. De 1961 à 1974, il explora chaque semaine bistrots, troquets et guinguettes – autant de lieux qui servent de fil conducteur à une déambulation littéraire et historique dans le Paris des marges. Au fil de sa plume envoûtante se succèdent secrets des habitués du zinc, portraits de personnages hauts en couleur, légendes des différents quartiers de la ville et contes empreints de sagesse populaire.
C’est après avoir constaté, non sans surprise, que personne n’avait daigné se pencher sérieusement sur ces textes extraordinaires, que nous avons décidé, à L’échappée, de retrousser nos manches et de nous plonger dans ces 700 et quelques chroniques, pour en présenter le meilleur cru dans le livre Troquets de Paris. Désireux de les faire découvrir au plus grand nombre, nous avons aussitôt songé à organiser un festival qui rassemblerait le peuple du livre et celui des bistrots, afin de célébrer ces deux mondes qui nous sont si chers.
Réunir, réfléchir, s’amuser, découvrir, s’émerveiller, déambuler, partager… au lieu de s’agiter sur des réseaux que l’on dit sociaux, et de se faire mousser autour de livres dont la parution fait l’objet d’un habile storytelling. Les histoires, nous préférons qu’elles soient racontées dans nos livres plutôt que dans un plan marketing ; le partage, nous le préférons autour d’un verre plutôt qu’en cliquant sur un lien… Bref, nous faisons partie de ces éditeurs qui s’efforcent de construire. De ceux qui préfèrent inviter d’autres éditeurs à participer à l’aventure. De ceux qui aiment les nouvelles rencontres et écoutent avec joie les conseils de lecture qu’on leur donne. De ceux qui ont envie de passer des soirées mémorables autour d’un comptoir en zinc. De ceux qui fréquentent goulument les bistrots et les librairies, et qui les considèrent comme les derniers lieux de résistance où l’on peut faire un pas de côté et rêver à des lendemains qui fleurent bon la fraternité et la convivialité. Ce n’est pas pour rien qu’à L’échappée, notre devise est : faire les choses avec sérieux, mais ne jamais se prendre au sérieux !
L’idée du festival a donc fait son bonhomme de chemin et son organisation a commencé dès l’été 2015. Il aura lieu tout le mois de novembre, juste après la sortie du livre le 14 octobre. Soit près d’un an après les ignobles attentats du 13 novembre 2015. Nous avons une pensée pour celles et ceux qui, buvant un verre à la terrasse d’un bistrot ou assistant à un concert, sont tombés sous les balles des terroristes.
Nous sommes heureux et fiers de présenter la première édition du Festival des Troquets de Paris. Du 1er au 27 novembre, dix librairies et dix troquets – pas forcément les plus réputés, mais certainement parmi les plus chaleureux de la capitale – vous proposent de célébrer le bistrot et le bonheur de s’y retrouver. Cela n’aurait jamais été possible sans le soutien du Motif et de la Sofia ; qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.
À la bonne vôtre et au plaisir de vous retrouver tout au long du festival !
« Soyez à Paris, n’importe quand, et à n’importe quelles heures, mais de préférence à celles réputées apéritives, auprès du comptoir de n’importe quel bistrot. Souvent on dit des chapelles, et en vérité il y a de ça. Car on y communie, dans le sens le plus vaste et le plus humain du terme. On y communie entre gens « décontractés », placides et de bon vouloir (les pisse-froids, les snobs et les « ceusses qu’à pas cours », on s’est compris, se réfugient en des lieux plutôt malsains qu’on s’en débine si vite) ses petits et grands soucis, que les copains auront vite fait de placer au diapason le plus juste. On s’y raconte des choses henaurmes. En trois coups de cuiller à pot, on y résout des tas de problèmes, même et surtout scabreux, sur lesquels se penchent – vainement – de malheureux bougres de savants souffrant de macrocéphalite, de sociologues retranchés (volontairement) de l’immense confrérie des « gens de tous les jours », de politicards de toutes obédiences, bardés de mépris à l’égard de la très impertinente « plèbe bistrotière », sauf pendant le temps consacré à solliciter leur mandat. En un mot ; au comptoir, on FRATERNISE. Plus de hiérarchies, de classes sociales, de « complexes » (le terme est à la mode), pas d’épate, pas d’esbrouffe : on est ce que l’on est, sans plus, mais on l’est pleinement : on s’exprime, on se réalise, on s’épanouit. Les relations nouées dans une salle de café sont bien souvent durables et précieuses, malgré ce qu’en disent certains empêcheurs de tourner en rond. »
Extrait de Troquets de Paris, Jacques Yonnet (éditions L’échappée, 2016).
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4/11/2016