Les éditions de l’Ogre
Au sein d’un petit village finlandais prospère une étrange société littéraire secrète composée de neuf écrivains réunis autour de la figure tutélaire de Laura Lumikko, auteur à succès d’une série de livres fantastiques pour la jeunesse. En pénétrant peu à peu dans l’intimité de cette société – grâce à un Jeu aux règles complexes permettant d’arracher la vérité aux membres de la société – Ella, une jeune professeur de finlandais aux ovaires déficients, découvre le sombre secret de leur inspiration. Pendant ce temps, Laura Lumikko disparaît, tandis qu’une étrange peste semble s’être abattue sur les livres de la bibliothèque : certains livres voient leur fin subtilement altérer…
Avec une écriture pleine d’ironie, Pasi Ilmari Jäaskelainen nous invite dans un univers trouble, progressivement étouffant, qui n’est pas sans rappeler celui déployé dans la série Twin Peaks de David Lynch, et réussit la gageure de créer une atmosphère à la fois drôle et inquiétante.
À la fois conte initiatique, hommage à la mythologie finnoise et thriller sombre et angoissant, ce roman polymorphe constitue avant tout une réflexion acérée sur la position de l’écrivain dans la société et sur la nature de l’inspiration.
Le premier roman de Quentin Leclerc est une fiction apocalyptique qui prend pied dans une société totalitaire en proie à une guerre intercontinentale et aux catastrophes climatiques. Le lecteur suit, au travers des témoignages rapportés par la Carcasse, sorte de caste mutante qui rejoue sans cesse sa place dans le monde, l’agonie d’une population fuyant l’armée des Continents perdus et le gel. Saccage est un roman de la colère qui explore les derniers temps d’un monde qui s’effondre et déploie une langue envoutante et étrange proche de l’univers du post-exotisme d’Antoine Volodine ou de celui d’Alain Damasio.
Pour qui danse le Bal des ardents ?
Cela fait plusieurs années que le roi n’a pas fait d’apparition publique et le bruit court qu’il est mort. Sur le port de commerce, en pleine saison des carnavals, la colère gronde : ce renversement symbolique mènera ses habitants à la révolution.
Fabien Clouette nous plonge dans un embrasement populaire et suit le destin de Danvé, Levant et Yasen lors de cette journée de soulèvement. Le Bal des ardents se présente comme un roman historique sur un fait imaginaire, une fiction brillante sur le pouvoir et la fabrique de l’histoire. L’action du Bal des ardents se déroule le temps d’une journée. Ce jour, on pourrait le placer sur une frise chronologique. D’ailleurs, dans les livres d’Histoire, le « Bal des ardents », aussi appelé « Bal des sauvages », est une date : le 28 janvier 1393, Charles VI et quelques nobles prennent feu en plein charivari. C’est une date de l’histoire du royaume de France qui fonctionne ici comme une métaphore du carnaval du pouvoir, du désordre, de l’inversion des valeurs, de la danse macabre, de la révolution folle et en feu.
Le présent roman ne raconte rien de cet événement historique précis de la France médiévale, mais il reprend la charge symbolique et imaginaire qui fait d’un jour de révolution un événement, au passé comme au présent, ici comme ailleurs. Car nous chantons les sons des orages sans bruit.
Quelque part à la campagne en France, un enfant vit avec sa grand-mère. C’est la guerre. La seconde. Un homme, un « cousin », vit en secret dans la resserre. De la guerre, on ne parlera pas, ou très peu. Elle est là, c’est tout, comme un bruit de fond. On parlera en revanche du quotidien de cet enfant, de ses rapports à la nature, aux lieux et aux animaux, de la relation d’amitié quasiment silencieuse qu’il nouera avec ce « cousin », et, surtout, du personnage de la grand-mère, une pied-noir immigrée à Paris au franc parler et au courage exemplaire qui plane sur tout le roman en y infusant sa lumière. C’est un ange qui, grâce à ses récits et sa langue métissée (mélange de patois des campagnes françaises, d’arabe et d’argot parisien) réussit à enchanter le monde et en faire un lieu d’accueil.
Loin d’un récit autobiographique ou d’un récit de guerre, Par une forêt obscure est un récit d’enfance. Mais non pas un récit de souvenirs d’enfance, cette revisitation où nous sélectionnons, mettons en forme et en images nos souvenirs, et trahissons notre sensibilité d’alors avec toute la distance dont est capable notre esprit d’adulte. Ce que réussit Maurice Mourier est beaucoup plus rare, pour ne pas dire extrêmement difficile : il restitue de manière extraordinaire ce que c’est qu’être enfant, et plus particulièrement ce rapport extrêmement étrange que nous pouvons entretenir au temps, un temps qui s’accélère ou ralentit selon des logiques mystérieuses, ou un été dure des années et quatre années scolaires une nuit. Comme si Maurice Mourier avait su conserver dans son esprit, intactes, ses impressions d’alors, et nous les restituer dans toute leur lumière et leur innocence.
Laisser un commentaire
20/10/2016