DITS DES XHUXHA’I
ANNE-SYLVIE SALZMAN
Tales of the xhuxha’i
bilingual book
translated from the French by the author
recueil bilingue
Black Herald Press, mai 2015
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« La femme (la xhuxha’i) se retire dans la hutte menstruelle.
Médite le monde.
Elle reviendra dans un corps fait de sang. »
Au fil de contes, de chants, de témoignages mais aussi de quelques malédictions, Anne-Sylvie Salzman, en ethnologue de l’imaginaire, sonde les mœurs et les corps des femmes xhuxha’i – qui parlent aux bêtes, peignent les pierres de leurs menstrues et qui, selon les khyang, auraient pour déesse une matrice séchée. Dits des xhuxha’i esquisse entre les mots la fresque fabuleuse, atemporelle, d’une peuplade dont la chair mythique et immatérielle, à mesure que l’on pense en pénétrer le cœur et l’opaque nature, ne cesse de se dérober à nous ainsi qu’à toute interprétation raisonnée.
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“The woman (the xhuxha’i) takes herself to the menstrual shack.
Broods over the world.
She will come back in a body made of blood.”
Through various tales, songs, eyewitness accounts and a few curses, Anne-Sylvie Salzman, as an ethnologist of the imaginary, explores the customs and the bodies of the xhuxha’i women—who talk to beasts, paint stones with their menstrual blood and whose goddess, according to the khyang, is a dried womb. Tales of the xhuxha’i outlines the legendary portrait of a timeless tribe and its mythical, immaterial flesh—whose core and opaque nature we imagine we can grasp, yet which constantly evades us, escaping any reasoned interpretation.
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Anne-Sylvie Salzman (qui œuvre aussi sous le nom d’Anne-Sylvie Homassel) est traductrice littéraire et auteur de fiction. Elle codirige la revue Le Visage vert et la maison d’édition du même nom. Elle a publié trois romans, Au bord d’un lent fleuve noir (J. Losfeld, 1997), Sommeil (Corti, 2000), Dernières nouvelles d’Œsthrénie (Dystopia Workshop, 2014), et deux recueils de nouvelles, Lamont (Visage vert, 2009) et Vivre sauvage dans les villes (Visage vert, 2014), lesquels ont paru en anglais en un volume (Darkscapes, traduit par William Charlton, Tartarus Press, 2013).
Anne-Sylvie Salzman (a.k.a. Anne-Sylvie Homassel) is a Paris-based writer and literary translator. She co-edits Le Visage vert, a literary magazine and small press. She is the author of three novels (Au bord d’un lent fleuve noir, Sommeil and Dernières nouvelles d’Œsthrénie) and of two collections of short stories, Lamont (2009) et Vivre sauvage dans les villes (2014), published in English in one volume: Darkscapes (translated by William Charlton, Tartarus Press, 2013).
http://ashomassel.wordpress.com/
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à propos de l’ouvrage
“On y est à la fois loin et proche des Dernières Nouvelles d’Œsthrénie, du même auteur comme on dit, rappelez-vous. Apparemment loin par l’épaisseur de l’objet, cette fois très mince, et par le genre, poétique. Encore que. Les Dernières Nouvelles d’Œsthrénie étaient un roman qui était aussi autre chose, une manière de géographie et d’Histoire fictive, qui donnait chair et sang à tout un peuple, lequel se mettait à vivre (et encore davantage à mourir) sous nos yeux. Or ces Dits des xhuxha’i, ces poèmes comme je les ai un peu vite appelés (eux-mêmes se disent « chants », « contes » ou « malédictions »), sont signés Anne-Sylvie Salzman à la manière dont les Dernières Nouvelles d’Œsthrénie sont signées Anne-Sylvie Salzman : avec le plus grand effacement possible de l’auteur même. C’est aussi à un peuple que la parole est donnée, et là encore le mythe est en marche.”
Philippe Annocque (mai 2015)
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“Après L’Œsthrénie, pays balkanique imaginaire broyé par les guerres dont A.-S. Salzman nous contait l’histoire dans son dernier roman, ce sont les xhuxha’i qui émergent ici d’un lointain passé, immémorial même. Qu’on ne s’attende donc pas à les voir s’esquisser dans une reconstitution historique, fût-elle fictionnelle. Engendrée par le mythe et les premiers chants païens, par le pouvoir des mots, des invocations et des malédictions, cette peuplade de femmes naît d’un verbe incantatoire qui puise sa force, très en amont de l’écrit, dans une oralité vitale et mortifère, incandescente et sauvage…”
Romain Verger (mai 2015).
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“On ne saurait mieux rappeler avec poésie et comme mine de rien, en 50 pages éclatantes à quel point l’assignation de la femme à un rituel d’impureté (que les formes en soient anciennes ou contemporaines) est d’abord la projection de la névrose de l’homme, avant de révéler, ensuite et le cas échéant, son potentiel à double tranchant d’arme libératrice. Une manière profonde d’explorer la redoutable limite entre l’imagination et le politique, sur des terrains rarement utilisés comme tels, qui ne surprendra guère les lectrices et les lecteurs des excellents romans Au bord d’un lent fleuve noir et Dernières nouvelles d’Œsthrénie ou des recueils de nouvelles Lamont et Vivre sauvage dans les villes d’Anne-Sylvie Salzman.”
Hugues Robert (Librairie Charybde, Paris XIe – juillet 2015)
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La femme (la xhuxha’i) se retire dans la hutte menstruelle.
Médite le monde.
Elle reviendra dans un corps fait de sang.
Caillots : des yeux.
Caillots : que tu prends, ô femme-oiseau des premiers jours, entre les doigts que tu auras, et que tu presses : en sors un peu plus de sang.
Plus noir mais non nécessairement.
Il faudrait que tu sois bien sotte, ô xhuxha’i, pour ne jurer que par l’encre.
(…)
Quand le sang sort de toi, fille des xhuxha’i, il faut que tu saches quel goût il a. Alors : qu’il sorte de tes yeux, qu’il sorte de ta bouche, qu’il sorte de tes oreilles, qu’il sorte de ta vulve, qu’il sorte de ton œil profond, porte-le à ta langue. S’il est sombre, s’il sent le cheval, la viande : fille des xhuxha’i, tu vas mourir. S’il est clair, s’il sent l’œuf et la terre : fille des xhuxha’i, garde-toi des hommes.
(…)
La fille qui perd son sang la première fois
la fille dont les cuisses se couvrent de sang
la vierge dont le ventre pleure
la vierge dont les draps fleurissent
cette fille connaît le chemin
cette fille ira seule à la hutte
cette vierge verra l’ours
cette vierge parlera à l’aigle
cette fille bandera l’arc
cette fille te mangera le cœur.
(…)
En juillet 1925, l’écrivain Bua Amrit Juni, de passage à Thantlang, se vit offrir par des officiels Chin des « pierres de fertilité » – « de grosses pierres rouges », dit-elle, « polies à la main, et dont les Chin disaient qu’elles avaient été fabriquées autrefois par des peuples de la forêt qu’eux, Chin, nommaient les sans âmes (ou sans ombres, ou sans noms). Ces gens selon eux sont repartis vivre dans les montagnes. Leurs femmes, paraît-il, tatouaient leurs hommes d’un mélange de cendre et de sang menstruel. »
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19/06/2016