Musique, violence, politique
Critique, n°829-830: «Musique, violence, politique»
De l’inventions des hymnes aux expressions du deuil national, de l’histoire de la censure et de la propagande aux effervescences de la mobilisation, des vociférations de la terreur aux chants de résistance et aux rythmes de la liberté… il existe une étonnante solidarité entre la musique et la politique – entre les puissances de la musique et la multiplicité des enjeux de la vie politique. Comme si la musique était, plus que tout autre art, bonne conductrice de collectivité, de soulèvement, de révolte, mais aussi bien de violence, d’oublis coupables et d’assujettissements. Comme si surtout, avec la musique, l’Histoire n’en avait jamais fini de gronder en nous.
Cette solidarité, d’où vient-elle ? De la musique elle-même, ou de ce que l’on en fait ? Vient-elle des appropriations, des instrumentalisations (c’est le mot), voire des confiscations du musical par le politique – par la symbolique nationale, notamment ? Vient-elle d’une volonté, dans tel ou tel dispositif musical, d’imiter (ou d’inquiéter) les rapports de pouvoir, de hiérarchie et d’autorité ? Vient-elle au contraire d’une « disponibilité » complète, qui va de pair avec une absence supposée de signification (puisque la musique est réputée ne rien signifier, ne rien « vouloir dire » et donc pouvoir tout accompagner, prêtant apparemment son intensité à toutes les causes) ? Vient-elle encore d’une puissance propre aux œuvres musicales (car il y va dans la musique d’une intensité émotionnelle hors pair, lorsque s’ouvre, dans un océan de pathos, une gamme affective infinie, avec son énergie incomparable d’insinuation, d’occupation subjective, et bien sûr d’érotisation) ? De tout cela évidemment, et tout cela révèle une économie de forces contradictoires, mêlées au cœur de nos espaces publics et de nos territoires les plus intimes.
Ce sont ces liens entre musique et politique, liens insistants mais d’une ambivalence extrême, que Critique a souhaité mettre en valeur.
Numéro conçu et dirigé par Marielle Macé.
Contributions de :
Esteban Buch
Nicolas Donin
Bastien Gallet
Olivier Ihl
Violeta Nigro-Giunta
Peter Szendy
Entretien d’Esteban Buch avec Marielle Macé, Stéphane Roth et Sabrina Valy
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3/06/2016