La parenthèse surréaliste [11]
L’expo est gratuite et se situe au sous sol du centre Pompidou. Il vous reste un mois pour la visiter. Et elle vaut le coup d’œil !
Jacques-André Boiffard est le dernier grand photographe surréaliste qui n’ait encore jamais fait l’objet d’une exposition rétrospective. Pour l’ouverture de sa nouvelle galerie de photographies, le Centre Pompidou expose pour la première fois une sélection de soixante-dix de ses photographies.
Né en 1902, Boiffard abandonne ses études de médecine pour se lancer dans l’aventure surréaliste. En décembre 1924, avec Paul Éluard et Roger Vitrac, il signe la préface du premier numéro de La Révolution surréaliste. Témoin discret autant qu’actif de l’épopée surréaliste, il participe aux activités collectives de la Centrale surréaliste, signe des articles et des tracts, puis se forme à la photographie auprès de Man Ray. Il sera son assistant pour les portraits réalisés en studio, mais aussi pour deux de ses films, L’Étoile de mer et Les Mystères du château du dé. En 1928, il réalise, à la demande d’André Breton, une bonne part des photographies documentaires destinées à accompagner la publication de Nadja. Il rejoint ensuite l’équipe dissidente reformée autour de Georges Bataille en opposition à Breton. C’est lui qui, probablement avec la complicité d’Eli Lotar, réalise le fameux photomontage destiné à illustrer « Un Cadavre » le tract d’insultes signé Bataille, Desnos, Leiris, Morise, Prévert, Ribemont-Dessaignes, Queneau, Vitrac et quelques autres, montrant Breton le front ceint d’une couronne d’épines. Pour Documents, la revue de Bataille, Lotar réalise quelques-unes des images les plus inquiétantes de l’iconographie surréaliste : le portrait renversé de sa compagne nue, Les Mouches, Le Gros orteil, etc. Au début des années 1930, Boiffard ouvre avec son ami Lotar, et grâce au financement de Charles et Marie-Laure de Noailles, un studio dans lequel il réalise des portraits et des commandes publicitaires. Puis, au milieu des années 1930, aussi soudainement qu’il y était venu, il abandonne la photographie et le surréalisme pour reprendre ses études de médecine et devenir radiologue.
Se résumant à une courte décennie, la trajectoire du photographe Boiffard fut pour le moins fulgurante. Restreinte, dans la durée comme dans le nombre, sa production photographique est cependant l’une des plus authentiquement surréalistes de cette période. Bien que la publication des images de Boiffard dans Nadja et dans Documents ait, ces dernières années, suscité une très large fortune critique, notamment anglo-saxonne, son œuvre demeure encore trop peu connue. « […] Que ceux d’entre nous dont le nom commence à marquer un peu, l’effacent. Ils y gagneraient une liberté dont on peut encore espérer beaucoup […] », écrivait Paul Nougé à André Breton en 1929. Boiffard semble avoir parfaitement réussi à faire sienne l’injonction du leader surréaliste belge en parant d’un voile de mystère son apparition éclair au sein du surréalisme.
En 2011, l’acquisition de la collection de photographies de Christian Bouqueret venait accroître les collections du Centre Pompidou, déjà riches de vingt-six épreuves originales de Boiffard, de cinquante tirages supplémentaires. Il s’agit désormais de la plus importante collection institutionnelle de photographies de Jacques-André Boiffard. Augmentée de quelques épreuves vintage encore conservées en mains privées, l’exposition rassemble pour la première fois les images de Boiffard pour André Breton, pour Georges Bataille, ses travaux de commande ou ses recherches plus expérimentales. Traçant un portrait inédit de ce météore du surréalisme, cette première rétrospective lui rend la place qu’il mérite dans l’histoire de la photographie.
Commissaire : Mnam/cci Clément Chéroux
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28/12/2014