Paris, je t’aime !
Cesse-t-on jamais d’être de son village ? En « vingt arrondissements et deux rives de fleuve », Colette a cherché à retrouver à Paris sa province perdue. Jusqu’à découvrir le Palais-Royal. D’abord entre 1926 et 1930, dans son « tunnel », un sombre entresol aux fenêtres en demi-lune ; puis, de 1938 à sa mort en 1954, dans la « seigneurie retrouvée », un premier étage dont les hautes baies donnent directement sur le jardin. « Ma Province de Paris » écrit Colette à propos de cette enclave de verdure en plein cœur de la capitale. Un village en somme avec ses autochtones, ses habitants anonymes ou illustres (Cocteau, Bérard, Bove etc.), ses lieux de rencontres, ses boutiques et ses restaurants (le Grand Véfour).
Immobilisée par l’arthrose à partir de la fin des années 40, l’écrivaine, devenue pour tous « la bonne dame du Palais-Royal », observe le monde depuis son lit-radeau. Elle restitue avec un émerveillement sans cesse renouvelé, le petit monde du Palais-Royal. Ses spectacles petits et grands. Toujours à la recherche du « mot meilleur que meilleur » et de cet accord sensible avec le monde qui est la marque de son style. Les Monuments nationaux rendront hommage à « la bonne dame du Palais-Royal » au travers d’une exposition qui sera présentée dans les jardins à l’automne 2014.
Textes établis, présentés et annotés par Frédéric Maget
Extrait :
« Comme beaucoup de grandes amours, celui que je porte à Paris a commencé par l’aversion. J’avais vingt ans et je sortais, à la suite d’un mari de seize ans mon aîné, déjà chauve et un peu adipeux, d’une enfance campagnarde tout enchantée de jardins, de courses à travers champs, d’étangs mystérieux. Comme mon premier logis parisien me parut triste ! […] À quel moment ai-je découvert que Paris n’existait pas, qu’il n’était qu’un amalgame de provinces liées par le plus ténu des fils conducteurs, qu’il m’était loisible d’y reconstituer la mienne ou toutes celles que mon imagination choisirait d’y délimiter ? C’est de là que me vint le salut. J’y ai, si je compte bien, déménagé quatorze fois, ce qui est beaucoup même pour une vie déjà longue. Mes amis ne s’y trompent pas. « Ah, vous avez encore trouvé une province ? » me disent-ils à chaque fois… »
Sidonie-Gabrielle Colette
(1873 – 1954)
Issue d’une famille provinciale, ses parents lui transmettent sa passion pour la littérature. À l’âge de vingt ans, elle se marie avec Henry Gauthier-Villars, dit « Willy ». Celui-ci l’encourage à écrire et à publier ses souvenirs d’enfance : c’est ainsi qu’est écrite la série des Claudine (1900-1903) qui connaît un grand succès. Après son divorce d’avec Willy (1906), Colette signe ses oeuvres. De 1906 à 1909, elle fait l’expérience du music-hall, avant d’épouser Henry de Jouvenel en 1912 et d’entamer une carrière de journaliste au Matin. Colette publie Chéri en 1920, Le Blé en herbe (1923), Sido (1929) et La Chatte en 1933. En 1945, elle est élue membre de l’Académie Goncourt.
Publiés à L’Herne :
- Cahier Colette
- Je suis gourmande (Carnets).
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16/11/2014