Le Roman de la bibliothèque
Introduction
Les livres sont le plus souvent disposés les uns à côté des autres, le long d’un mur ou d’une cloison, sur des supports rectilignes, parallèles entre eux, ni trop profonds, ni trop espacés. Les livres sont rangés – généralement – dans le sens de la hauteur et de telle façon que le titre imprimé sur le dos de l’ouvrage soit visible (parfois, comme dans les devantures des librairies, on montre la couverture des livres, mais ce qui, en tout cas, est inhabituel, proscrit, presque toujours considéré comme choquant, c’est un livre dont on ne voit que la tranche (1).
Voilà des lignes qui font honneur à l’humour de Georges Perec. Si par malheur, on les prenait au sérieux, il n’y aurait rien de plus morne que la pièce où se rassemblent les livres ainsi disposés et qu’on appelle une bibliothèque. À moins que, justement, il ne prenne fantaisie à un original de montrer la tranche de ses livres, comme c’est le cas pour l’excentrique Kien, le sinologue inventé par Elias Canetti dans son Auto-da-fé (2). La bibliothèque ne serait digne d’intérêt que dans les dérogations à un ordre quasi immuable.
Bien entendu, il n’en va pas ainsi. Les livres réclament toujours de la compagnie : quelques fauteuils moelleux, des lampes tamisées, une ou deux tables basses où traînent des revues, des cendriers pour les fumeurs, sans oublier l’échelle, bonheur des enfants qui s’aventurent dans l’antre du savoir… [Lire la suite en PDF – 8 pages]
1. Georges Perec, Penser, classer, Hachette, Paris, 1985, p. 35.
2. Elias Canetti, Auto-da-fé, trad. fr. P. Arhex, coll. « L’Imaginaire », Gallimard, Paris, [1968] 1991.
Daniel Ménager, Le Roman de la bibliothèque, Les Belles Lettres/essais, 2014, pages 9-16.
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20/09/2014