Villes mortes
Villes mortes
Projet de dossier pour la revue Sociétés & représentations
coordonné par Sébastien Le Pajolec et Bertrand Tillier
Depuis l’époque classique, la ruine est un motif de la mélancolie et un blason du passé ou de l’histoire, dont la littérature et la peinture romantiques ont réactualisé les valeurs et promu le pittoresque, comme l’ont montré les travaux de Roland Mortier (La poétique des ruines en France, 1974) ou Michel Makarius (Ruines, 2004).
Pour autant, par une extension radicale et spectaculaire de la ruine, la ville morte a jusqu’ici peu retenu l’attention, qui puise aux mythes de l’Atlantide (ville engloutie) ou de Sodome et Gomorrhe (villes ruinées et détruites), mais aussi aux découvertes archéologiques de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle (Herculanum ou Pompéi). Du romantisme de Théophile Gautier (Aria Marcella, 1852) au symbolisme de Georges Rodenbach (Bruges-la-Morte, 1892), les villes mortes développent tout au long du XIXe siècle un imaginaire et une poétique de l’archéologie-fiction ou de l’inquiétante étrangeté, dont Freud a exploré en 1907 la signification dans son interprétation de la Gradhiva de Jensen (1903).
Entre refoulement et expression du désir, les villes mortes sont l’envers des mégapoles modernes et le revers de la Grande Ville comme emblème du capitalisme. Rien d’étonnant, dans cette perspective, que Paris consacrée capitale du XIXe siècle (Walter Benjamin) ait été perçue, dans les gravures et les photographies de ses destructions du printemps révolutionnaire de 1871, comme une ville morte, vidée de toute présence humaine, comparée par certains contemporains à l’équivalent moderne de Pompéi.
Promise à un avenir de fantôme, la ville morte procède de l’inconscient urbain, dont les guerres, mais aussi les catastrophes du XXe siècle (Dresde, Hiroshima, Tchernobyl…) ont promu un imaginaire de cités désertées et figées, muséifiées et fétichisées, comme l’a esquissé Mike Davis dans son essai (Dead Cities, 2002). A l’heure du post-modernisme et de la culture de masse, les villes mortes hantent le cinéma, la bande dessinée, la photographie plasticienne, le photoreportage, la peinture et la littérature, dont elles sont bien plus que le décor impressionnant sous l’apparence duquel elles semblent se donner à voir.
Entre histoire des imaginaires et histoire culturelle, histoire littéraire et histoire de l’art, les contributions interrogeront, du XIXe siècle à l’heure actuelle, les représentations sociales de la ville morte, leurs figures, leurs valeurs, leurs supports, leur diffusion et leur réception, entre ruptures et continuités.
Les contributions (35 000 signes, notes et bibliographie comprises) seront soumises au comité de lecture de la revue, au plus tard le 1er septembre 2014. Elles seront conjointement adressées à Sébastien Le Pajolec (seblepajolec@gmail.com) et Bertrand Tillier (tillier-bertrand@orange.fr).
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26/08/2014