VARIATIONS SUR L’ÉPIDERME DES FEMMES
VARIATIONS
SUR L’ÉPIDERME DES FEMMES
Adolphe BRISSON
(Etude sur M. Joseph Prudhomme, critique dramatique).
Je ne sais pourquoi, la fine remarque, placée ici en épigraphe, me revenait à l’esprit. J’allais du Cours vers la Gare. C’était l’heure de ma promenade, après mon déjeuner.
Un vent aigre balayait le sol englué de neige fondue. L’air fut sabré d’un coup de sifflet, puis secoué d’un tintamarre : un train s’annonçait. J’eus la curiosité de regarder quels gens allaient en descendre.
L’espèce humaine est intéressante à considérer, délivrée de l’encagement d’un voyage. Lancée à la queue leu leu, sur un même chemin, chargée de paquets et l’air affairé, elle ressemble à des fourmis qui déménagent.
Au nombre de ces fourmis transformées en êtres humains, il y avait une jolie femme. Je l’aperçus et ne vis plus qu’elle.
Jolie ? Oui, certainement. Mais elle passait d’une allure si prompte, que je devinais, plus que je n’étais sûr. Un certain trouble m’envahissait.
On n’ignore pas de quelles conséquences peut être, sur un jeune homme bien portant, la vue de deux mollets en liberté sous la trame complaisante d’une soie ventre-de-souris, où rien ne se perd, et où tout se crée. Je ne pus m’empêcher de faire ce mouvement stratégique, appelé « demi-tour à droite ». Je découvris alors, de dos, l’agréable personne entrevue de face.
Elle filait comme filent les étoiles et les Parisiennes. Ses petits pieds chaussés de souliers découverts, ridicules et charmants, glissaient sur le plan terrestre, et n’y laissaient pas plus de trace que les astres dans l’infini.
Elle était vêtue d’un manteau en forme de courte chappe, et fait de la peau d’un animal mystérieux. On eût dit du tigre, à poils d’angora. C’était à la fois sauvage et raffiné, farouche et doux. On avait envie de caresser et peur d’être mordu.
Au moment où la jolie femme me croisait, j’avais remarqué que ses mains disparaissaient dans un manchon immense, de même poil que le manteau. Elle l’élevait jusqu’à son visage, pour se garer du vent. Deux yeux noirs émergeaient de la fourrure. Ils s’étaient arrêtés sur les miens. J’avais même cru qu’ils disaient quelque chose. Quoi ? Je n’eus pas le temps de comprendre. Elle passait trop vite.
Où allait-elle, ainsi, seule, un jour de décembre, dans une petite ville de province ?
Assurément, quelqu’un l’attendait, et quelqu’un qui n’avait pu l’accueillir au saut du train. Point de doute ! Un officier, un de ces brillants cavaliers qui triomphent, à pied et à cheval, de tous les obstacles. Je le devinais aux aguets derrière la vitre d’une fenêtre, le rideau soulevé d’une main fiévreuse. Impossible d’aller au-devant de la bien-aimée ! Le militaire qui s’aventurait en ville avec une femme d’une brillante illégitimité, devait tout craindre de la vertu du colonel, homme chaste, qu’un accident déplorable priva prématurément de ses avantages auprès des dames.
Certes, une Parisienne enveloppée d’un Zaïmph tigré, une Sylphide coiffée d’une large toque en soie, de la teinte de ses bas translucides, ne pouvait passer inaperçue. Ah ! quelle puissance de suggestion ! Que ne devinait-on sous sa chappe écourtée, rien qu’à voir ses mollets ! Terpsichore elle-même eût envié ses deux jambes.
— Au fait, me dis-je, ce doit être une danseuse ! On m’a raconté que le Capitaine Vicomte de Bidas…
Et j’allongeai le pas pour me rapprocher de l’attirante baladine.
Elle venait de s’engager dans la grand’rue. Hélas ! cette voie, déserte en tout temps, sauf les jours de marché, ne devait pas être, pour moi, une voie triomphale. Une personne d’âge vénérable, Mme Giraud-Lejeune, l’épouse du notaire, peuplait la solitude des pavés et s’avançait majestueusement. Ses yeux perçants m’avaient reconnu ; ils observaient aussi la jolie femme. Je crus bon de ralentir, et de prendre un air absorbé. Mme Giraud-Lejeune a mis plus d’une fois le pays à feu et à sang. Sa langue est redoutable. C’est, d’ailleurs, une personne d’une grande piété.
La peau de tigre-angora passa, peut-être sans l’honorer d’un regard, près de l’astrakan de la douairière, qui arrivait à quelques pas de moi. Je saluai gracieusement. Elle s’approcha.
— Vous avez vu cette créature ? dit-elle.
Et, sans tourner la tête, par un jeu de physionomie d’une amertume expressive, la bonne dame désignait l’élégante étrangère. Puis, précisant :
— C’est la maîtresse du Sous-Préfet ! Encore un scandale, Monsieur. Où allons-nous ?
— Madame, répondis-je, votre manchon fume.
Une légère fumée se dégageait, en effet, du bouclier noir et frisé dont Mme Giraud-Lejeune était armée. Une odeur de brûlé sortait de cette peau d’agneau oriental.
— Jésus ! s’écria-t-elle, ma chaufferette a mis le feu à mon manchon !
D’un geste épouvanté, elle jeta dans la boue une petite boîte, fabriquée par le génie japonais. Le cigare en papier qui s’y consumait, pour assurer une agréable chaleur aux doigts d’une vieille dame sévère, avait fait entrer en combustion un lainage, qui fut aussi lancé à terre, tout hérissé d’aiguilles à tricoter.
Je m’empressai de secourir Mme Giraud-Lejeune, et d’éteindre l’incendie. Lorsque je pus revenir à la jolie femme, elle avait disparu.
O Divinité semblable à la plupart des Divinités, dont l’essence est d’être inexistantes ; ô Vous, en qui les candides croient, et que les malins utilisent ; ô Lumière des partis avancés ; ô Flamme des élus du peuple ; ô Espérance des pauvres d’esprit ; ô Providence des journalistes ; ô Délices de M. Homais ; ô Manne des discours officiels ; ô Splendeur, ô Triomphe, ô Vertu, je vous supplie de m’éclairer. Ma perplexité est grande : pourquoi avez-vous ordonné que la femme brillerait désormais par ses jambes, et que de tout son corps, seule, cette partie s’offrirait aux regards des hommes, sans que nul voile opaque ne l’enveloppe et ne la garantisse, l’hiver, du vent, du froid et de la neige ; l’été, du soleil, de la poussière et des mouches ; en tout temps, de la boue et de la concupiscence masculine !
O Flambeau, ô Astre, ô Soleil, ô Perfection de la sottise humaine, ô Progrès ! Se peut-il qu’il vous soit agréable que la femme, en général, et la Française, en particulier, montre aujourd’hui ses jambes, alors qu’autrefois, il était convenable qu’elle ne les montrât point ? Certaines vont même, dans le monde, nues jusqu’au ventre, ou peu s’en faut, ne cachant que leurs pieds, et fières de paraître, comme dans les lieux de débauche, les courtisanes aux joues peintes et aux yeux charbonneux.
S’il vous a plu, Divinité, de changer des Françaises, jadis vertueuses et d’honnêtes familles, en créatures dont les mères ont dû mourir de honte, plutôt que de voir la chair de leur chair s’offrir à tout venant, c’est qu’il vous a semblé qu’elles méritaient, par leur stupidité animale, de tomber dans cette corruption barbare où la femme, n’ayant plus rien à cacher, tant elle est creuse et vide, trouve naturel d’être en peau, comme un tambour qui ne contient que du vent et du son.
Bien différentes, ô Chimère, étaient les femmes, du temps où la Beauté régnait sur la terre. O Illusion, les Accueillantes d’Alexandrie et les Consolatrices d’Athènes, ne montraient leurs jambes qu’à bon escient, et par devoir professionnel ou nécessité d’usage. Hors des jeux et des bains, dans la rue, elles portaient des robes harmonieusement drapées, qui, de la gorge aux talons, revêtaient de plis savants leurs corps faciles, mais qu’habitait une âme capable de penser. Pour garder leur prix, elles ne s’affichaient pas continuellement sur échantillon ; elles ne se galvaudaient pas, dévoilant à tout bout de champ le mystère de leur personne. Et si elles avaient des jambes, c’était pour marcher, non pour descendre ; pour aller à l’amour, non au ruisseau.
Mme Bernier conversait avec un Anglais, qui payait sa note. Ah ! le brave homme, il rendait hommage à la cuisine et au vin. Que n’était-il venu au temps où l’on pouvait encore manger et boire à peu près proprement, sous le beau ciel de France !
Je m’assis devant la baie du petit salon, proche de l’entrée.
— Mélanie, dis-je à la femme de confiance, que la maîtresse d’hôtel m’envoyait, le froid m’a saisi. Servez-moi un grog, et prévenez M. Bernier que, s’il n’a rien de mieux à faire, il peut venir me tenir compagnie.
— Monsieur est occupé. Mais certainement il dira bonjour à Monsieur.
Je regardais la place de la République, jadis place Royale. Le drapeau tricolore flottait sur le portail de l’ancienne demeure des marquis de Belcastel, changée en sous-préfecture. Au premier étage, les fenêtres de la chambre de la Sous-Préfète avaient leurs grands rideaux soigneusement baissés. Je me sentis rougir.
Ces fenêtres, la ville entière les connaissait, et bien que le Sous-Préfet, alors, fût garçon, elles étaient toujours les fenêtres de la Sous-Préfète.
— C’est honteux, murmurai-je. Le célibat devrait être interdit aux Sous-Préfets. Nous ne les logeons pas dans des hôtels du XVIIIe siècle, meublés confortablement, pour qu’ils les déshonorent par une noce scandaleuse, en plein jour. Mélanie apportait le grog.
— Il me semble, dis-je, en m’efforçant de dissimuler mon indignation, il me semble que les rideaux de la chambre de la Sous-Préfète sont hermétiquement clos. Le Sous-Préfet serait-il malade ?
— Malade ! M. le Sous-Préfet ! Y a pas de danger. Mais il est frileux, étant du Midi. Alors, dès qu’il fait froid, il veut qu’on tire ses rideaux, et il allume l’électricité. Pour ce que ça lui coûte !… Il ne s’en fait pas, allez… Tenez, écoutez-le rire…
A l’opposé du hall, de la petite salle à manger parallèle au salon où j’étais assis, arrivait en cascades une joie méridionale. Je reconnaissais le timbre du Sous-Préfet.
Mais alors si…
— Il s’en paie, reprit Mélanie. Tout ça, histoire d’amuser le Préfet, et puis un Ministre, qui est là. Le patron les sert lui-même. Mais vous le verrez. Ils en sont au café.
Se penchant vers moi, elle ajouta, confidentielle :
— Le chauffeur du Ministre est à l’office. Il en sait long, celui-là, sur la politique…
Son mouvement mettait en valeur sa gorge hospitalière , et me rappela ce vers fameux :
Tout bonheur que la main n’atteint pas n’est qu’un rêve.
Mais, pudique, je détournai honnêtement les yeux et regardai la Sous-Préfecture. Soudain, la danseuse en sortit, débouchant sur la place, par la porte des bureaux.
M. Minute, le digne fonctionnaire, qui a vieilli dans le secrétariat, l’accompagnait. Il tenait à la main le feutre plat et rigide dont, de mémoire d’homme, oncques ne le vit, dans la rue, démuni. Visiblement, il escortait de considération les mollets, la chappe, le manchon, les yeux noirs et la toque de l’affriolante inconnue.
— Mélanie, demandai-je, quelle est cette dame, là-bas, avec M. Minute ?
A ce moment, Bernier survint. Il avait entendu ma question :
— Quelle dame ?… Ah ! mais permettez… Elle vient ici !… Et ces Messieurs qui… Excusez-moi…
Effaré, il allait disparaître. Je m’étais levé. Je le retins.
— Bernier, quelle est cette dame ?
— Attendez donc. Il faut que j’avertisse le Ministre.
Mais tout un remue-ménage se fit du côté de la salle à manger. La porte sur le hall s’ouvrit. Je vis le Sous-Préfet s’élancer vers l’entrée de l’hôtel. En arrière, le Préfet ajustait son monocle, et un gros, court, rougeaud, vilain bonhomme arrangeait sa cravate devant une glace.
Je n’avais pas lâché Bernier :
— Quelle est cette dame ?
Elle franchissait le seuil des « Trois-Rois », et, suivie du Sous-Préfet, disparaissait dans la salle à manger. M. Minute faisait des révérences à la porte.
— Vous ne la connaissez donc pas ? dit Bernier.
Son portrait est à chaque instant dans les journaux.
— Qui est-ce ?
— Madame la Duchesse de Santa-Ferra, née de Montmorency.
Je me rassis, ébloui.
— Ah ! bien, fis-je, très bien, extrêmement bien !… Et que fait-elle, avec le Sous-Préfet, le Préfet, le Ministre ?
— Elle donne un million aux orphelins, pour la fondation d’une ferme-école dans l’arrondissement. On l’attendait seulement à trois heures.
M. Minute était entré, familier de la maison :
— Son chauffeur est malade, expliqua-t-il. Elle est venue par le train, toute seule, sans histoire. Elle est d’une simplicité charmante.
— Oui, dis-je. Elle passe inaperçue. On voit tout de suite que c’est une femme du monde.
Je sortais des « Trois-Rois ». Bernier s’exclama:
— Ma parole ! Ce chien, là-bas, c’est votre chienne.
Illogisme, mais vérité. Ravaude, basset illustre et fantaisiste, errait en ville, au mépris des édits. A mon appel courroucé, elle s’élança, l’air joyeux, quoiqu’au fond, inquiète et vexée. Les chiennes aussi, savent dissimuler.
— Ravaude, vous méritez le fouet. Vous vagabondez. Suivez-moi, le nez sur mes talons, et tenez-vous bien, si vous ne voulez qu’il n’en cuise à votre fourrure !
Entre les nuages, le soleil d’hiver se montrait. Le vent tombait. Je pris mon chemin vers la campagne.
— Ravaude, dis-je, causons. Je vous pardonne. Mais que faisiez-vous, le nez sur le trottoir de la Sous-Préfecture ? Sentiez-vous, par hasard, une certaine « odor di femina » laissée par la duchesse au grand cœur et aux belles jambes ?
Ma chienne me regarda de côté, ce qui signifiait :
— Je m’occupe bien des duchesses ! Est-ce que cela compte pour moi ?
— C’est vrai, Ravaude, vous êtes méditative, profonde, silencieuse, et indifférente aux vanités dont se troublent nos âmes. Si n’était l’imprévu de vos fugues, vous connaîtriez la suprême sagesse. Pénétré de respect pour votre intelligence, je voudrais apprendre ce que vous pensez de l’actuelle coutume des femmes, de se promener en exhibant leurs mollets et leurs seins.
De sa queue légèrement balancée, Ravaude se caressa les flancs.
— Peu vous chaut ! dites-vous. Oui, je sais : vous gardez toujours votre épiderme à l’abri, sous les poils drus dont la bonne nature vous vêtit, et les exhibitions féminines vous déplaisent. Jamais un chien, même le plus aimable, ne s’est avisé de lécher en public les mollets d’une dame, comme il arrive de la main ou du visage, réservés aux caresses de la civilité puérile et honnête.
— Jamais, fit Ravaude, d’un mouvement de tête ; la gorge non plus.
— La gorge non plus, en effet.
Ses yeux humains parlèrent :
— La gorge féminine n’a aucun succès parmi nous. Elle n’est pas, comme la figure ou les mains, partie agissante et vivante, animée d’un geste ou d’une expression. C’est de la peau inerte et muette, et qu’il n’est pas plus raisonnable de montrer, que celle du derrière, révérence parler. Certes, j’admets, que, chez la femme, cela indique, annonce, promette quelque chose : mais quoi ? Nul ne l’ignore, et c’est d’une telle banalité, qu’il faut que l’espèce masculine soit bien malade, pour se monter la tête là-dessus. Que d’horreurs, mon doux maître ! Contre une peau douce et une gorge savoureuse, que d’épidermes de grenouilles, tendus ou plissés sur des lames de couteaux. Et, au creux du corsage, que de souvenirs et regrets, ou que de promesses qui ne se réaliseront pas ! Quant aux jambes, pour certaines qui sont délicatement modelées, que de flûtes trop minces ou de massues trop grosses, les unes et les autres sottement dénudées. Drôle de coutume, en vérité, de montrer ainsi de la peau sans poils ! Vit-on jamais les bêtes s’épiler la poitrine ou les pattes pour se faire valoir ? Les étoffes sont une peau supplémentaire, accordée à la créature à deux pieds sans plumes, qui se croit au-dessus des autres animaux. Pénible sujétion, du reste, que sa soumission aux journaux de modes, aux tailleurs et aux couturiers. Mais enfin, puisqu’elle a des robes, il faut que ces robes soient des robes, et non pas des morceaux de robes, dont la coupe, l’aspect, la dimension, varient d’une saison à l’autre. Nous avons renoncé à y comprendre quoi que ce soit. Pour quelle raison, par exemple, quand les femmes raccourcissent, restreignent, éliminent leurs étoffes, les hommes n’en font-ils pas autant de celles de leurs costumes ? Voit-on la gorge des vieux messieurs, comme on voit celles des vieilles dames ? Et justement, nous, les chiens, nous voudrions comparer. Ah ! considérer M. Paul Deschanel en décolleté. Ivresse ! Ivresse ! Je réclame, nous réclamons, nous, la gent canine, l’amie de l’homme. Qu’il se montre ! Nous en avons assez des exhibitions fadasses des femmes ! Du poil, du poil, du poil ! Nous avons eu la victoire. Vivent les…
— Tout beau, Ravaude. Un mot de plus, et nous sommes brouillés. Appela-t-on jamais les preux d’un nom bas et vulgaire ? J’ai horreur du terme qui allait vous échapper. Il peint trop bien un peuple qui sait mourir, et qui ne sait plus vivre. Il reçoit la Gloire en bras de chemise ! Il n’a plus aucune tenue. Sorti de l’héroïsme, état occasionnel, il titube, insensé. Pour lui, la vie est un vin trop fade ; pour lui, la paix est un état trop doux. Imbu jusqu’aux moelles de principes morbides, il n’aime plus que l’ivresse du combat et de la mort.
— Phrases ! Phrases ! fit Ravaude, levant la patte avec dédain. Le peuple français aime encore les femmes. Il n’a rien perdu, si toute cette peau féminine, qui se promène à nu, pour l’exciter et le séduire, se prête à faire des enfants.
— Hélas ! Ravaude, elle ne s’y prête point !
— Inconséquence humaine, si, du relâchement des mœurs, ne résulte pas l’extensibilité de l’épiderme féminin.
— Il ne fut jamais moins extensible, et jamais plus stérile.
— Voire ! mon bon maître, voire ! comme disait Panurge. Mariez-vous, et nous verrons bien ce qui en résultera.
— J’y songe, Ravaude, j’y songe, autant que Panurge. Croyez-vous que l’on rencontre des duchesses qui ont l’air de danseuses, sans être porté à déplorer de n’être pas marié, car les petites villes offrent bien peu de ressources, et je ne sais trop comment la journée finira.
— Je le sais, moi, riposta Ravaude, et n’en parlons pas. Cela n’en vaut pas la peine.
— Mélanie, dis-je, n’ai-je pas oublié mes gants ? (Entre nous, ils étaient dans ma poche.)
Mélanie s’empressa. Mme Bernier faisait des comptes. Ravaude m’avait suivi dans le petit salon. La femme de chambre se courbait vers la banquette où j’étais assis, deux heures plus tôt. Ma chienne regardait la gorge aimable de l’obligeante fille.
— Bah ! repris-je, ne vous mettez pas en peine. Ils se retrouveront. Vous m’en donnerez des nouvelles un peu plus tard. Mélanie, venez donc, avant le dîner, m’apporter du Porto. Je n’en ai plus une goutte.
Sur quoi je m’en fus, laissant Mélanie qui riait. Ravaude était grave.
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11/07/2014