Le Scandale par les imaginaires
11e Colloque de Sorèze
Colloque International Interdisciplinaire
Organisé par l’ESAV et l’équipe Esthétique de du LARA.
26, 27, 28 février 2014 – Abbaye Ecole de Sorèze
A l’occasion des commémorations du centième anniversaire du début de la Grande Guerre
14-18 – Le Scandale par les imaginaires
Comment les représentations imaginaires de la 1ère guerre mondiale sont elles susceptibles de réorienter l’interprétation de l’Histoire.
Il ne peut y avoir de modernité en dehors de ce savoir : les camps d’extermination ont eu lieu. Comme il n’y a pas eu d’avant-garde en dehors du savoir sur les tranchées de 14-18. Dans la lumière de Serge Daney, Art Press, numéro spécial L’histoire continue, 1992.
Les représentations simultanées (journaux, photographies, poèmes, textes écrits au feu), a posteriori (romans, nouvelles, films, œuvres théâtrales, peintures, œuvres plastiques) voire a priori, de la première guerre mondiale sont nourries d’imaginaires singuliers et intimes, que l’histoire n’a pas nécessairement voulu ou su interpréter pour ne pas faillir aux orientations d’une thèse, sinon dominante, du moins majoritairement partagée au moins jusqu’aux années soixante, celle du consentement patriotique des combattants. Frédéric Rousseau, historien et chercheur au CNRS, la dénonce dans son Histoire des Combattants européens de 14-18, en la fondant sur sa vocation à constituer une mythologie du sacrifice, de la résistance et de l’engagement. Sans doute, écrit-il en substance, certains dialogues de La grande Illusion (Renoir, 1936) témoignent-ils de cette forme de détermination patriotique, mais peut-on croire en la représentativité de Charles de Gaulle et de Jacques Rivière, personnages du film, dès lors que leur héroïsme débordent l’humanité ordinaire du plus grand nombre des anonymes combattants, artistes et intellectuels compris.
Cette querelle avère, de surcroît, la nécessaire opposition de classe au sein même de la nation Française qui a présidé à l’initiation de ce conflit avec ce nouvel ennemi héréditaire venant remplacer l’Angleterre : l’Allemagne de Bismarck. En effet, sur la scène nationale, tandis que se jouait une guerre des paradoxes, entre le colonialiste pacifique Jaurès et l’anticolonialiste guerrier, Clémenceau, le peuple des ouvriers, employés, paysans se préparait, au parterre, a faire front pour protéger la bourgeoisie et l’aristocratie des villes, non pas tant des Allemands, que de la tentation révolutionnaire perpétuelle de tous ces anciens communards qui les avaient tourmentés durant tout le XIXème siècle.
A l’écoute des témoignages (journaux, correspondances…) Rémy Cazals initie dans le même temps les travaux autour de la guerre vécue et s’attache à la diversité, à la singularité et à la richesse intime des récits individuels qu’ils permettent d’élaborer.
Mais le siècle passé, il est temps que les propositions imaginaires, les métamorphoses poétiques de la mémoire, les synthèses d’artistes, souvent délaissées au lendemain des grands événements de l’Histoire, au profit des archives officielles et de la parole des élites, dans un premier temps, puis des contenus explicites des témoignages individuels, ensuite, il est donc temps que l’on prête attention a ce que nous disent de la guerre ces films de cinéma, ces textes littéraires, ces œuvres picturales ou plastiques, photographies, poèmes, bandes dessinées… Non pas seulement à travers les sujets qu’ils abordent, aux contenus qu’ils dévoilent, mais à l’anatomie, à l’histologie, pour ainsi dire, de la parole qui les énonce, ses bruissements, ses frémissements et tout ce qu’elle nous murmure au creux de l’oreille, et qu’il nous faut comprendre à l’aune de nos convictions, des résonnances de nos histoires individuelles, familiales, collectives, de notre culture, de nos convictions et croyances, de nos engagements idéologiques, sans craindre aucunement d’aller au rebours d’un certain mode officiel de fabriquer l’Histoire.
A la question que racontes- tu, que filmes-tu ? Le cinéaste tunisien Nacer Khèmir répond je ne sais pas toujours, mais je sais qu’une grosse bataille de mémoire est engagée, car la mémoire est un pilier quasi magique.
De son côté, Abel Gance a réalisé J’accuse (1919) sur un scénario de Blaise Cendrars : un réquisitoire contre les vaincus, où des vagues de fantômes, de gueules cassées et d’autres poilus éreintés, viennent réclamer que leur sacrifice n’ait pas été vain. Par la suite et de différentes manières, ce sera une liste impressionnante de films, œuvres littéraires et picturales, qui se souviennent de 14-18, venus de France, de Grande Bretagne, d’Italie, des USA, de Russie, au risque de la mémoire du monde, réalisés par David W. Griffith, Vselodov Poudovkine, Charles Chaplin, Joseph Losey, Stanley Kubrick, Francesco Rosi, Bertrand Tavernier, Jean Renoir, Jean-Pierre Jeunet, Ernst Lubitsch, Georg W. Pabst, Attenborough ou Rouffio, Fournier ou Giono, Hemingway, Peguy, Barbusse, Dos Passos, Céline, Genevoix, Chagall, Bonnard, Léger… Mais il y a aussi le cinéma des actualités, qui souvent, loin du front, a pu saisir dès 1914 les conséquences de la guerre dans un pays majoritairement rural où, en l’absence des hommes, dominait l’activité des femmes dans tous les aspects de la vie, notamment aux champs et dans les usines.
Et c’est aussi l’époque d’un renversement qui verra la production cinématographique française céder le premier rang aux industries du rêve d’Amérique.
Ce colloque se voudrait aussi celui des films de créateurs-chercheurs qui, dans les pratiques diverses des arts, du cinéma, des sciences humaines et sociales, sont autant de segments de clarté qui fabriquent ou regorgent d’autres munitions nécessaires à l’analyse rigoureuse d’un versant de la mémoire, ici celle du cinéma de 14-18.
Nous accueillerons toutes les propositions susceptibles de nous révéler ce que les imaginaires construisent d’une réalité qui a du mal à se dire en dehors de la structuration consensuelle et rationnelle des objets de mémoire. Désir, foi, fantasme, plaisir sans doute, contamination d’une vision de l’autre, du monde et de la société, hypothèses irrévérencieuses à l’égard de la doxa, et jusqu’à l’humble démonstration selon laquelle les représentations imaginaires n’ont pas vocation à transmettre des idées, mais plutôt à faire émerger tous les scandales tus.
Jean-Louis DUFOUR / Guy CHAPOUILLIE / Pierre ARBUS
Conditions de soumission
Les propositions se feront sous la forme d’un titre, résumé de 15 à 20 lignes, en précisant le rattachement institutionnel et les coordonnées du-des auteur(s)
Date limite de soumission des propositions : 15 décembre 2013
Réponses adressées au 20 décembre 2013
Merci de faire parvenir vos propositions simultanément aux deux adresses ci-dessous, avec demande d’accusé de réception.
colloque.de.soreze@free.fr / pierre.arbus@univ-tlse2.fr
L’hébergement durant les trois jours sur le site de l’Abbaye Ecole de Sorèze et le transport depuis Toulouse vers Sorèze (AR) est pris en charge par le Colloque. Reste à charge des contributeurs ou de leur laboratoire, le déplacement vers Toulouse et retour.
Liens vers le site de l’équipe Esthétique de l’Audiovisuel du LARA
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5/12/2013