« Dire les maux » (littérature et maladie)
Appel à communications
19-20 décembre 2013
Colloque international à l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3
« Dire les maux » (littérature et maladie)
EA CLIMAS-CLARE (ERCIF)
“Like anyone who has had an extraordinary experience I wanted to describe it . . . My initial experience of illness was a series of disconnected shocks and my first instinct was to try to bring it under control by turning it into a narrative.”
Anatole Broyard, Intoxicated by My Illness and Other Writings on Life and Death
Pour George Canghilem, « la maladie n’est pas une variation sur la dimension de la santé ; elle est une nouvelle dimension de la vie. » Autrement dit, elle n’est pas seulement « un fait diminutif ou multiplicatif » mais « une expérience d’innovation positive du vivant », « remaniement d’un reste » et non « perte d’un avoir » (Le normal et le pathologique, 1966).
Après avoir été longtemps réservée au discours médical, depuis le début du XXe siècle, la maladie se dit de plus en plus tant dans la littérature que les arts (peinture et cinéma en particulier) — qu’elle soit physique, morale ou mentale. Même si elle reste le plus souvent perçue, vécue, comme une « catastrophe » (Pierre Zaoui, La Traversée des Catastrophes, 2010), elle n’est plus de l’ordre du secret, de la sphère privée ; au contraire, les malades (ou leurs proches) prennent la parole, les écrivains la mettent en mots, les cinéastes la montrent. Arthur W. Frank évoque « the need of ill people to tell their stories, in order to construct new maps and new perceptions of their relationship to the world (The Wounded Storyteller, 1995). Anne Hunsaker Hawkins utilise le terme « pathography » pour désigner ces autobiographies d’un genre particulier (Reconstructing Illness. Studies in Pathographies, 1993). Car ce sont souvent des récits autobiographiques, même si le narrateur n’est pas toujours le malade lui-même.
Pourtant, comme l’écrit Elaine Scarry dans son ouvrage The Body in Pain (1985) et avant elle Virginia Wolf dans son essai « On Illness » (1926), la douleur ne se laisse pas facilement appréhender par le langage : « Physical pain does not simply resist language but actively destroys it ». C’est ainsi que Nietzsche choisit d’appeler la sienne « chien » car, explique-t-il dans Le Gai Savoir, « je peux l’apostropher et passer sur elle mes accès de mauvaise humeur ; comme d’autres font avec leur chien, leur domestique et leur femme ». Pour lui, il s’agit de reprendre le contrôle, ou du moins de tenter de le faire, par le biais d’une métaphore. D’autres utilisent des comparaisons pour dire leurs maux mais tous ont besoin des images « to externalize, objectify, and make shareable what is originally an interior and unshareable experience » (Scarry). Comme le corps parle par symptômes, qui exigent d’être décodés, le « Wounded Storyteller » (Frank) « talks around », « obliquely », et son récit impose un déchiffrage.
Proche de Canghilem, dont il a repris certains concepts, Gilles Deleuze a élaboré une philosophie dite « vitaliste » et, en regardant de près nombre de textes littéraires affectés de la même « fêlure » (dont la fameuse série « The Crack-Up » (1936) de Fitzgerald), « il a su aller vers le pire pour trouver le meilleur » (Zaoui). La santé serait-elle donc « asphyxiante », comme l’écrit Philippe Godin ? Et la littérature « une entreprise de santé » (Deleuze) ?
Autant de questions essentielles que ce colloque s’efforcera de poser et d’éclairer, en prenant en compte toutes les formes artistiques, les spécificités culturelles anglo-américaines (en particulier mais pas nécessairement) ou la notion de gender, par exemple.
Les propositions de communications (environ 300 mots), en français ou en anglais, devront être adressées pour le 10 juillet 2013 à Pascale Antolin (pascale.antolin@u-bordeaux3.fr) et Marie-Lise Paoli (ercif@u-bordeaux3.fr).
Réponse avant le 17 juillet.
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7/07/2013