Le Moine Bleu : Riche Belgique (1)
Lu sur l’excellent blog du Moine bleu :
Si vous passez prochainement par Anvers, sachez que le Musée Royal des Beaux-Arts de cette ville, en réfection, demeurera fermé en principe jusqu’en 2017. Une partie non-négligeable des collections qu’il abrite se trouve de fait dispersée entre une poignée d’autres sites, guère éloignés les uns des autres. Pour ce qui concerne la ville d’Anvers même, ces sites sont au nombre de trois : il est possible, d’abord, d’admirer quelques merveilles dans le sein de la cathédrale Notre-Dame, laquelle regorge déjà – lesdites merveilles mises à part – de la beauté la plus ardente, toute froidement gothique brabançonne qu’elle soit. Sa chaire de vérité, par exemple, taillée dans le chêne fut pour nous un complet bouleversement. Nulle part ailleurs (sauf peut-être, voilà quelques années – « Crénom ! » – dans l’église Saint-Loup de Namur) le travail du bois clérical n’avait suscité en nous semblable puissance d’euphorie. C’est que la poussée de l’arbre s’y fait absolument irrésistible, dominant les deux escaliers cernés de brunes racines incandescentes.Tout ici devient cambium, jusqu’aux feuilles, jusqu’aux riches fruits portés par ces somptueuses et noueuses ramures, jusqu’aux oiseaux mêmes accompagnant cette divine montée. Et les reflets se jouant partout (sur le pli vernis, surtout, des voiles et tentures écartées par les séraphins dominant la chaire) déchaînent la volupté, sur le même mode gourmand que le céladon de certains vases chinois, identiquement pâteux, crémeux et sublimes. Du chocolat pour les yeux. Ainsi nous apparaît cette œuvre incroyable de Michel Van der Voort.
Rappelons la présence également séculaire, en ces lieux, de deux œuvres violemment homosexuelles de Rubens, suffisant assez à infirmer, du moins à nuancer cette réputation de simple charcutier flamand qui lui fut souvent faite par certains esthètes décadents, Des Esseintes en tête. Nous parlons de sa très célèbre Érection de la Croix (qui porte, comme suggéré déjà, fort bien son nom) et de son Saint-Christophe, dont le protagoniste – sensiblement musculeux – représente après tout, souvenons-nous en bien, chargé qu’il est de l’énorme poids des péchés du Monde assumé par un Christ négligemment juché entre son épaule et sa nuque, une survivance de l’ère païenne, demeurée adorée en dépit de sa mise à l’index officielle (même remarque que pour l’Érection précédente) par la catholicité de base (la coquine). Le statut théologique particulier de Saint-Christophe aurait-il cependant quelque chose à voir avec ce fait notable que l’œuvre de Rubens se trouve scandaleusement mal exposée (pour tout dire franchement dissimulée) dans un coin obscur de la cathédrale Notre-Dame ?
Comment croire à une fable pareille…
Mais venons-en aux nouveautés issues de notre Musée des Beaux-Arts. De notre point de vue tout à la fois ignare et sévère, parmi celles-ci, il n’en est que deux qui soient authentiquement sidérantes. Elles sidèrent, d’ailleurs, pour une même raison de fond touchant à leurs comparables cruauté et sadisme. La déploration du Christ, en premier lieu, de Quentin Metsys – le plus renommé des peintres anversois du début du 16ème siècle – est un travail de commande exécuté à la demande de la Guilde des Menuisiers de sa ville. Le retable égale pour nous en brutalité, tout en le dépassant dans la goguenardise et le vice (bref, la subtilité) sur son volet de droite, une horreur telle que le Jugement de Cambyse de Gérard David, datant à peu près de la même époque (1498) et visible, quant à elle, au Musée Groeninge de Bruges (ou sur le site, il fallait s’y attendre, des inquiétantes – et tout aussi flamandes – Âmes d’Atala). Le tableau de Metsys nous montre un Christ soumis à la torture d’êtres dont le pharisaïsme et la romanité paraîtraient toutes deux également douteuses, et qu’on jugerait plutôt, à la vérité, parés d’une physionomie approchant celle de quelque lumpenprolétaire local, appréciant de jouer du couteau ou de tout autre instrument tranchant ou contondant disponible, adepte convaincu, enfin, des thèses les plus vigoureuses du Vlaams Belang (fort influent dans le coin : veillez d’ailleurs, si vous vous sentez encore visité, de loin en loin, par quelque vague réminiscence de juvénile gauchisme – surtout en pleine journée – à ne point vous rendre trop vite après la visite de la cathédrale, par inadvertance assoiffée, dans certain estaminet léonin proche de la Grote Markt. Sous peine de subir peut-être, à votre tour, le terrible calvaire imposé ici à Notre Seigneur).
la suite et bien d’autres choses agréables et enrichissantes ICI
et la suite LA
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11/05/2013