Mirbeau, cette crapule !
Dans la Revue des revues de Maurice Wullens, parue dans La Revue anarchiste d’août 1922 (n°8), nous lisons ceci :
Les Cahiers d’Aujourd’hui ont consacré un superbe numéro spécial à Octave Mirbeau. Excellente idée, réalisée presque parfaitement. Un beau cahier, sur papier solide : presque un volume. Des collaborateurs tous intéressants. Plusieurs photographies du grand écrivain ; un fac-similé de manuscrit « Aux soldats de tous les pays », publié jadis dans l’unique numéro d’une revue La Rue, consacré à la révolution russe de 1905. (Notons au passage que cette page seule, foncièrement antimilitariste, ruine la sotte prétention de quelques jean-foutres voulant nous persuader que Mirbeau renia avant sa mort ce qu’ils appelaient ses erreurs. Ils purent séquestrer l’écrivain, truquer ses derniers moments, se démener inquiets et fébriles, voire même, en beaux saligauds qu’ils étaient, pisser sur sa tombe encore entrouverte. Il n’importe : nous relirons, nous, Aux soldats de tous les pays ou telle page de la « 628-E8 », du Calvaire, de Dingo, de l’Abbé Jules et nous sentirons bien, malgré tous les Hervé et autres gendelettres, combien Mirbeau fut, de tout son cœur, des nôtres.)
Retenons le début de l’article d’Ernest Tisserand qui nous le prouve encore : « La guerre. Une popote. Une popote d’étapes. Abruti par trois mois de Somme et par le terrible hiver de 1917, je me trouve selon le hasard des mouvements, à la table d’un commandant qui, dans le civil, préside un tribunal bien parisien. Précisément, il ouvre les journaux.
— Tiens, cette crapule de Mirbeau… il est mort. »
Et la fin de celui de Charles Vildrac nous rapportant quelques paroles de Mirbeau. « Il nous prit à l’écart, Werth et moi, et nous dit, en maîtrisant mal sa nervosité : « Je suis ennuyé ! Voilà un garçon que j’aime beaucoup — et il désignait son jardinier — ; il est très consciencieux, intelligent, amoureux de son métier ; et de plus, il est très sensible. Ce matin, j’ai eu un mouvement d’impatience ; je l’ai rudoyé… J’ai peur de lui avoir fait de la peine. » Voilà qui montre mieux, beaucoup mieux que de longs commentaires et de savantes analyses, l’immense bonté, l’infinie générosité de cette « crapule » comme disait élégamment le commandant X… Lui qui envoyait au bagne, voire au poteau d’exécution, des jeunes soldats par dizaines et par centaines n’était pas une crapule. Oh, non ! Il doit même avoir la Légion d’honneur, n’est-ce pas. Tisserand ? Seulement, nous cherchons en vain parmi la langue française et même la langue verte, des mots assez vengeurs et cinglants pour qualifier cette brute galonnée, trop lâche même pour mériter le nom de crapule.
Léon Werth étudie le pessimisme de Mirbeau. « Nul n’était plus sensible que lui au magnétisme de l’individu. Mais quel que fut l’homme inconnu qu’il voyait pour la première fois, il le parait d’extraordinaires qualités. Il attendait tout de lui… Contradiction bien naturelle : cette même générosité qui accordait tant dans l’excitation du premier contact refusait tout dès que s’était révélée la bassesse ou l’inertie du personnage. Mais qu’il fût à nouveau en contact avec celui qui l’avait déçu, qu’il avait placé si haut et qui, à l’expérience, lui semblait tomber de si haut, Mirbeau souffrait de son propre jugement et n’en accordait point la rigueur au sentiment qu’il avait de toute présence humaine. Voilà ce que les âmes basses ne peuvent comprendre, voilà pourquoi elles n’ont vu en Mirbeau qu’un homme violent, incohérent dans ses sympathies et ses haines…
Il pouvait se réfugier dans les jardins et contempler les fleurs. Mais il ne savait pas oublier les hommes. Tant qu’il eut conscience, il les espéra simples et bons et ne se résigna jamais à accepter la moyenne combinaison, dosée selon l’usage social, des vertus hypocrites et des sadismes et huis-clos. C’est dans cette non-acceptation et dans l’oscillation jamais diminuée entre ce qu’il espérait des hommes et sa déception qu’est peut-être la grandeur et et le tragique de sa vie… »
Exportons !
I have a friend who shows a strong desire, a truly touching desire, to understand things. Naturally, he aspires to that which is simple, great and beautiful. But his education, fouled with the prejudices and lies inherent in all the education called « higher, » almost always stops him in his dash towards spiritual deliverance. He would like to free himself completely from traditional ideas, from the ancient routines where his mind is bogged down, despite himself, but he cannot. Often, he comes to see me and we have long talks. The doctrines of anarchism, so maligned by some, so misunderstood by others, greatly concern him; and his honesty is great enough, if not to embrace them all, at least to understand them. He does not believe, as so many people believe in his circles, that those doctrines consist solely in blowing up houses. He glimpses, on the contrary, in a fog that will perhaps dissipate, some beauties and harmonic forms; and he takes an interest in them as we do in a thing that we like, but which seems still a bit terrible to us, and which we dread because we do not understand it well. Lire la suite »
Rémo Gary
Ponchon et Cie
Année : 2012
Durée : 66′
Réf POISSON À TIROIR
Commander (23 €)
- Ouvre (Edmond Haraucourt / Laurent Rualten)
- La grève noire (Jules Jouy / Jean François Bidet)
- Le sonnet de Vincennes (Raoul Ponchon / Jeanne Garraud)
- Le testament de Pierrot (Xavier Privas)
- V. Maïakovski, poète (Michèle Bernard)
- Le passé ? (Jacques Bertin)
- Premier mai (Henri Max / Clélia Bressat-Blum)
- La femme battue (Yvan Dautin / Angelo Zurzolo)
- Je proteste (Louis Aragon / Lino Léonardi)
- La chanson de Gavroche (Victor Hugo / Lucien Merer)
- Lomer (Richard Dsjardins)
- La chanson de fusils (Gaston Couté / Jeanne Garraud)
- Le saut du tremplin (Théodore de Banville / Joël Clément)
- Sur mon cou (Jean Genet / Hélène Martin)
- Le poésia es un arma (Gabriel Celaya / Paco Ibanez)
- Le disparu (Robert Desnos / Francis Poulenc)
- Grain de blé (Jean Richepin / Frédéric Bobin)
- Quand on est sans pain (Eugène Bizeau / Rémo Gary)
- Le scupteur et le cerisier (Allain Leprest / Gérard Pierron)
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Le Livre de Monelle
Étudiant en Lettres à Bard College, aux États-Unis, Kit Schluter travaille sur Schwob et se destine à traduire certaines de ses œuvres, trop méconnues en Amérique du Nord selon lui. Il vient de publier cet automne une nouvelle traduction, la seconde dans le monde anglo-américain depuis celle de William Brown Meloney, parue en 1929 (pref. by John Erskine, Indianapolis, The Bobbs-Merrill company).
The Book of Monelle, trans. with an afterword by Kit Schluter, Cambridge (Massachusetts, USA), Wakefield Press, october 2012. (infos : site Marcel Schwob)
Une femme de lettres entre deux siècles
Renée Vivien, une femme de lettres entre deux siècles (1877-1909)
Sous la direction de Nicole G. Albert et Brigitte Rollet
Paris : Honoré Champion, coll. « Littérature et genre », 2012.
D’une vie courte mais riche et agitée, Renée Vivien a su faire une aventure littéraire et une quête poétique. Issu de la journée d’étude organisée à Paris en 2009 pour commémorer le centenaire de sa mort, ce volume le prouve, qui explore et revisite de multiples aspects de son oeuvre, poésie et prose confondues : la question du genre, l’humour, les jeux avec la fiction, la place du platonisme et de la spiritualité, la relecture de Sappho.
Depuis sa disparition en 1909, la postérité de Vivien s’est déclinée au pluriel, confirmant sa légitimité – et sa marginalité – dans les lettres françaises. La poétesse demeure plus largement une icône, une figure emblématique du saphisme dont la sépulture fait l’objet d’un culte discret mais vivace. Derrière l’image séduisante bien que mortifère de la muse 1900, la modernité de sa plume et de ses choix ne laisse pas de surprendre. Son oeuvre a repris le chemin des éditeurs, les études vivieniennes connaissent un nouvel essor attesté par la variété des contributions recueillies dans cet ouvrage. Celui-ci comporte d’abondantes annexes reproduisant des pièces rares ou inédites, lettres, photos, critiques et autres documents personnels destinés à enrichir l’exploration d’une figure littéraire singulière.
Nicole G. Albert est spécialiste de la littérature fin-de-siècle et du genre. Elle a notamment publié Saphisme et Décadence dans Paris fin-de-siècle (La Martinière, 2005) et dirigé le premier ouvrage collectif jamais consacré à la poétesse, sous le titre Renée Vivien à rebours. Études pour un centenaire (Orizons, 2009).
Brigitte Rollet est maître de conférences à l’Université de Londres à Paris, spécialiste des questions de genre et de sexualités au cinéma et à télévision. Elle est l’auteure de nombreuses publications dans ce domaine. Lire la suite »