Les Fusillés de Malines
Les Fusillés de Malines, par GEORGES EEKHOUD (Bruxelles, Lacomblez). — Voilà un très bon livre, malgré quelques pages d’un naturalisme un peu trop de kermesse à la phase excrémentielle. C’est l’histoire de la révolte des Flandres, en 1798, contre l’occupation française et la stupide tyrannie des Jacobins. On avait fermé et pillé les églises, déporté les prêtres à Cayenne, supprimé toutes les gildes, confréries, corporations et fêtes locales ; à toutes ces vexations (imaginées naturellement au nom de la liberté et de l’égalité) ajouté la conscription : — les paysans, un jour, trouvèrent que cela allait un peu loin et prirent les armes. Ils surprirent Malines, mais surpris à leur tour et cernés, ils furent massacrés, et ceux qui avaient échappé à la tuerie fusillés le lendemain après un simulacre de jugement. L’auteur méprise et hait la Révolution française, — sentiment que tout artiste ne peut que hautement approuver. Ah ! Gantois et Brugeois, si vous nous aviez appartenu, comme nous aurions rasé vos maisons à pignons, vos beffrois, vos couvents, vos hôpitaux, vos chapelles, vos églises ! Comme nous aurions redressé vos rues qui s’en vont sans savoir où ! Et comblé les inutiles canaux de Bruges ! Et rendu toutes ces villes un peu modernes ! Songer que Bruges pourrait ressembler à Saint-Denis ! Sous couleur de patriotisme flamand, cette étude de M. Eekhoud, fort bien écrite d’ailleurs, avec plein de trouvailles de mots et style, est un plaidoyer de l’art contre le vandalisme et de l’idéalisme contre le despotisme utilitaire : donc, à tous les points de vue, un très bon livre.
Remy de Gourmont, « Les livres », Mercure de France, mai 1891.
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27/12/2010