Association Francis Jammes
Charles-Louis Philippe
(bulletin de l’association
sorti le 19 juin 2009)
Charles-Louis Philippe est mort à Paris, emporté par une typhoïde à trente-cinq ans, le mercredi 21 décembre 1909, cette même année qui vit sortir les premiers numéros de la Nouvelle Revue Française dont il fut l’un des fondateurs et des premiers collaborateurs. On célèbre, cette année, et cette mort et cette naissance.
La mémoire de Philippe doit beaucoup aux fondateurs de la N.R.F., à Jean Schlumberger, à André Ruyters, à Henri Ghéon, et surtout à Gide qui voua à ce romancier naturaliste et populiste, humble employé de la Préfecture de la Seine, une franche et profonde amitié.
Charles-Louis Philippe fut aussi l’ami de Francis Jammes et son sincère admirateur. Prosateur pour la partie connue de son oeuvre, il subit fortement l’influence du poète béarnais. Robert Mallet cite, dans “le Jammisme” de longs passages de Philippe qui sentent le Jammes à plein nez, et parle à ce sujet de « mimétisme instinctif ». Ainsi, par exemple, dans La Mère et l’enfant :
« Le monde, fleuri comme un jardin, est plein de bruit, et puis des bêtes l’habitent qui sont simples et bonnes. Les enfants aiment les bêtes. Je vais vous dire pourquoi : les bêtes ont un cerveau ignorant et naïf, de sorte que les petits enfants les aiment parce qu’ils sentent qu’elles leur ressemblent. Il y a l’âne aux grandes oreilles qui bougent. Il y a le boeuf et la vache qui sont si pacifiques que l’on dirait que le boeuf est le mari et que la vache est la femme. Il y a les bons moutons couverts de laine. Il y a les poules qui sont un peu folles. Mais il y a surtout les petits veaux que l’on aime parce qu’ils sont des enfants », ou encore dans ces lignes où Charles-Louis Philippe évoque Robinson Crusoé exactement comme ferait Francis Jammes:
« Robinson Crusoé, quand vous étiez marin et quand vous fîtes naufrage, c’était beau comme une belle aventure. Et l’île déserte, ô Robinson Crusoé, je la revois avec sa mélancolie, votre cabane, le ciel et les rivages. Vous deviez être bien heureux, Robinson Crusoé ! Je ne comprenais pas votre philosophie et votre résignation. Je n’étais pas du même avis que votre perroquet lorsqu’il disait “mon pauvre Robinson”. Vous deviez être bien heureux, Robinson Crusoé ! Et maintenant je suis triste parce que vous n’avez jamais existé ».
Leur correspondance porte l’accent d’une amitié admirative, triste et tendre. Ce sont deux coeurs épris des pauvres gens et des choses simples, deux ruraux attachés à leurs origines et à leurs provinces: le Béarn pour l’un, le Bourbonnais pour l’autre. Il y a pourtant une différence dans leur approche politique des humbles : l’un est de droite, nous savons qui, l’autre socialiste et plus ou moins anarchisant. A la mort de Philippe, maladroitement, Francis Jammes dénoncera cette divergence, et ce seront le mécontentement sinon l’indignation d’André Gide et la fin d’une amitié (Joseph ZABALO).
1ère partie : Correspondance Francis Jammes / Charles-Louis Philippe, présentée par David Roe qui a enseigné la langue et la littérature française pendant 38 ans à l’Université de Leeds (G.-B.) et qui est secrétaire général de l’Association Internationale des Amis de Charles-Louis Philippe.
2ème partie : Charles-Louis Philippe, Conférence prononcée par André Gide au Salon d’Automne le 5 novembre 1910
(© Editions Gallimard).
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3/10/2009