Miracles
Les phalanstériens se moquent grandement des miracles ; il n’y a point de plus fiers incrédules, et ils sont fâchés que Jésus-Christ, qu’ils estiment un génie assez complet pour son époque, ait déshonoré son enseignement par ces prodiges si nombreux rapportés dans les évangiles. Quelle bonne volonté qu’on y mette, en effet, cela ne peut passer pour mythe et pour allégorie : donc, au bout du compte, ce sont des impostures.
Mais ils se tiennent pour assurés que la réalisation de l’utopie fouriériste accomplira tous les miracles annoncés par leur prophète : que l’océan sera changé en un immense bol de limonade gazeuse, pour la commodité des navigateurs ; -que la lune d’aujourd’hui qui est maussade et inodore, sera réformée et remplacée par cinq autres lunes de différentes couleurs, dont l’influence, ou celles des nouveaux astres qui les accompagneront, parfurmera les légumes de toutes sortes d’odeurs délicieuses ; -que le lion deviendra le plus doux des chevaux de poste ; -que l’homme ne mourra presque plus ; -que les habitants du phalanstère vivront entre eux dans une harmonie profonde, en se communiquant réciproquement leurs femmes. -Si quelqu’un ose dire qu’il restera dans le coeur de l’homme la moindre trace de sentiments sur lesquels reposent aujourd’hui le goût et le besoin de la famille, qu’il soit anathème ! Anathema sit ! Ce drôle-là n’a point lu M. Considérant !
Louis Veuillot, LesLibres penseurs, 1886.
Laisser un commentaire
27/09/2008