Lu sur la toile
Eva Gonzales : ” Le Petit Lever “
Même les magistrats commencent à s’en émouvoir. La condition des domestiques, en France, demeure une anomalie dans notre pays républicain. Ils sont un million environ. Dépendants du bon vouloir du maître ou de la maîtresse, dans l’attente du coup de sonnette qui les soumet, 16 heures par jour, aux caprices d’un autre.
Quelques jugements, isolés, commencent à donner raison à ces pauvres gens.
Il est maintenant moins admis qu’une femme de chambre subisse les assauts d’un des hommes de la famille et, enceinte, soit obligée d’abandonner sa place, sans aucun recours ni compensation. Les pratiques de certaines maîtresses hystériques qui battent leurs gens ou ne les nourrissent pas à leur faim, commencent aussi à intriguer la justice.
” Le Journal d’une Femme de Chambre” d’Octave Mirbeau -livre à succès – est passé par là.
L’auteur montre, en publiant un document qu’il prétend authentique, la triste réalité de la vie d’une jeune domestique, employée tour à tour dans plusieurs maisons “respectables”. D’une plume acérée, il égratigne ce monde aristocrate ou bourgeois aux moeurs vils. Tel maître de maison fétichiste des bottines qu’il fait chausser à sa femme de chambre ; telle grande dame ordonnant à la malheureuse de coucher avec son fils ; telle autre à la beauté sur le déclin qui s’offre des gigolos …
Le livre finit par provoquer la nausée : écoeurement de voir ce monde de faux-semblants, cette hypocrisie sociale qui cache une sphère privée sans morale, écrasant les faibles. Le style est pourtant vif, alerte et ne manque pas d’humour.
E. Gonzales: “La Toilette”
Notre héroïne Célestine, bien qu’attachante, est loin de réunir toutes les vertus. Elle aime aussi le vice et les plaisirs, se délecte des fruits défendus qui passent à sa portée et finit par se mettre en ménage avec un homme peu recommandable mais malin. Ils ouvrent un café à Cherbourg. Les dernières pages du roman nous décrivent Célestine devenue… patronne et houspillant son personnel. La boucle est bouclée.
Quelques familles aux idées généreuses et avancées, commencent à fixer des règles spontanées de bonne conduite avec “leurs gens”. Cela reste cependant trop rare. Elles sont nombreuses ces pauvres paysannes qui partent, pour trouver à se nourrir, loin de leurs parents. Ignorantes aussi bien du français correct que des chausse-trappes de la ville, elles rejoignent des ”maisons” qui vont les transformer en esclaves des temps modernes.
Il n’est pas encore né le Spartacus qui rendra sa liberté à ce million d’hommes et femmes, domestiques sans droits, ignorés des syndicats d’ouvriers et méprisés des bourgeois. Pauvres servant les riches, on va jusqu’à les débaptiser pour mieux les soumettre à ceux qui ont un nom.
Le livre de Mirbeau leur donne enfin un peu d’orgueil. Le journal de Célestine nous fait partager le point de vue de ceux qui, d’habitude, se taisent.
Un peu honteux, j’ai donné sa journée à ma bonne… et, surtout, j’ai rangé soigneusement ce livre hors de sa portée. Je vais augmenter ses gages et je voudrais qu’elle croie que c’est spontané.
Lu sur Il y a un siècle, le JOURNAL AU JOUR LE JOUR : « Nous sommes il y a 100 ans, jour pour jour. Un fonctionnaire bien placé du ministère de l’Intérieur raconte son quotidien personnel et professionnel. Proche hiérarchiquement du Ministre Clemenceau, il vous fait re-vivre la Belle Epoque…comme si vous y étiez ! » Bouhhhh, que ça fait peur !
http://ilyaunsiecle.blog.lemonde.fr/2008/06/09/10-juin-1908-il-ne-fait-pas-bon-etre-bonne/
10 juin 1908 : Il ne fait pas bon être bonne
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10/06/2008