Prostitution et domesticité
Un seul monde !
sorti en janvier 2008 chez Laffont
« A côté des filles de maison, les femmes du demi-monde sont enfermées dans leur statut d’Impures. La conséquence de ces clôtures sociales, c’est que l’impureté féminine est tout à la fois soulignée, reconnue et mise hors d’état de nuire. Le danger que représente le mensonge féminin est mis sous cloche. L’homme n’a qu’à se servir, en toute tranquilité. Hors du monde prostitutionnel, il n’aura à faire qu’à des femmes « pures », bonnes à épouser, faciles à tromper. Une ou deux Bovary ne changent pas grand chose à ce tableau ; sans compter que la pauvre Emma finit par payer ses mensonges au prix fort (mais c’est peut-être un effet du goût de Flaubert pour la tragédie), les adultères féminins sont rares : ils ne pèsent pas lourd, face à la généralisation du recours à la prostitution au siècle dernier. La dissémination de la prostitution, (c’est-à-dire la fin de la prostitution comme fait social séparé) changerait la confguration : un homme ne pourrait plus se fier à une femme rencontrée en dehors du monde de la prostitution, parce qu’il n’y aurait plus de dehors du monde de la prostitution ; mais un seul monde. Dans ce monde, je ne dis pas -et je n’espère pas- qu’il n’y aurait plus de vertu féminine. Mais il n’y aurait plus de poches de vertu, clairement localisées et toujours disponibles (filles de famille en stock, femmes rangées). Cette perspective m’amuse. «
Claude Habib, Pensées sur la prostitution, Belin, 1994
21/05/2008