Emma Goldman. La révolution comme mode de vie.
Traduction Laetitia Devaux
C’est l’histoire d’une femme exceptionnelle qui pensait que la révolution sociale passait d’abord par la révolution de l’intime, d’une rebelle qui lutta pour le droit de rester vivant dans ses sens, de jouir de la liberté de pensée et de parole, de rejeter l’usage arbitraire du pouvoir. Résister. Refuser, au plus profond de soi, d’accepter le monde tel qu’il est lorsqu’il semble injuste, c’est ce que fit Emma Goldman. Pour Vivian Gornick, qui en brosse le premier portrait psychologique, il existe un tempérament qui fait que quelqu’un devient activiste, et ce tempérament, Emma le possédait. Elle nous invite ici à ressentir ce que Goldman a ressenti, à réfléchir à ce qui l’a poussée à se battre contre des conditions que ses contemporains acceptaient docilement, et à nous demander si les choses sont si différentes aujourd’hui.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
« Anarchie et amour chez Emma Goldman », par Steven Sampson (en ligne le 13 février 2024).
Un thé chez Miranda
En six soirées, Jean Moréas et Paul Adam se font conteurs, et documentent à peu près tout ce qui constitue l’esthétique fin-de-siècle. De la Décadence, du Naturalisme, du Symbolisme le plus songeur, beaucoup de thèmes sont instruits : les villes flamandes, les Belgiques et les Hollandes brumeuses ; l’atavisme, les vices, les difformités, les amours jaunes, la fatalité, les masques et autres monstres… La préciosité balance avec le transgressif, le morbide avec l’irrévérence, l’orfèvrerie avec le grotesque, tandis que les recherches stylistiques sont saisissantes, où la syntaxe et le lexique sont raffinés à l’extrême. Fashionables et somptueux, les contes (autant parfois de poèmes en prose) du Thé chez Miranda (1886) sont un spectacle moderne, moderne au sens baudelairien, où se rencontrent «quelque chose d’éternel» et «quelque chose de transitoire», où la beauté serait comme extraite «d’humanités flottantes».
Jean Moréas (Ionnis Papadiamantopoulos, 1856-1910) est l’auteur de recueils de vers, Les Syrtes (1884), Les Cantilènes (1886), Le Pèlerin passionné (1891), d’inspiration symboliste. Dans le Figaro (1886), il publie un manifeste littéraire «Le Symbolisme», dont il expose les principes. Fondateur de l’Ecole romane (1892), il évolue ensuite vers une poésie classicisante et déclamatoire, Les Stances (1899).
Polygraphe, romancier, essayiste, journaliste, dramaturge, Paul Adam (1862-1920) est l’auteur d’une œuvre nombreuse, traversée par le Naturalisme, le Symbolisme, l’occultisme, alternant étude de mœurs, roman historique, utopie, sensualité… Citons Chair molle (1885), Être (1888), L’Année de Clarisse (1897), Lettres de Malaisie (1898), Irène et les Eunuques (1907)…
Outre le Thé chez Miranda, Jean Moréas et Paul Adam écrivirent un roman, Les Demoiselles Goubert (1886).
Les échafauds du romanesque
De la guillotine on ne retient jamais que l’effet de rupture, l’effondrement d’un monde auquel la Terreur met un terme, définitivement. C’est oublier que la guillotine s’inscrit dans la mémoire, qu’elle découpe alors un nouvel espace de représentation auquel la peinture, la photographie, le cinématographe, musées de cire et salons de coiffure, se trouvent assujettis…Visages plus purs exaltés par la lunette, visions figitives -« un éclair…puis la nuit! »- qui obéissent à la logique de l’instantané: le fil de la guillotine commande l’exposition romanesque du visage. L’échafaud fonde une scène nouvelle, suscite une constellation d’images et de textes. Singulière machine, -appareil funèbre,- vrai objet de désir. La littérature romanesque du XIXe siècle se renouvelle, s’édifie, s’échafaude à partir de la guillotine, avec vue sur la Grève.
Vienne fin de siècle
En sept études, Carl Schorske dévoile la naissance de notre modernité. Celle-ci commence à Vienne, dans les années 1880, où la bourgeoisie libérale, parvenue au pouvoir, traduit ses espérances dans le prodigieux remodelage de la Ringstrasse. Mais le peuple tenu à l’écart de la scène politique y fait une brutale irruption, guidé par les leaders antisémites. Face à ce déferlement de violence politique dont Hitler saura s’inspirer, beaucoup rejettent les illusions de leurs pères : à la raison, ils opposent le sentiment ; aux normes sociales, ils substituent la libération des instincts ; à l’empire multinational, ils préfèrent une terre promise. Herzl bâtit l’État juif, Freud libère l’inconscient, Otto Wagner esquisse la ville de demain, Klimt révèle les visages d’Éros, Kokoschka révolutionne le langage et Schoenberg invente la musique.
Carl E. Schorske (1915-2015)
Historien américain de la culture, successivement professeur à l’Université wesleyenne, à Berkeley et à Princeton, il a également publié De Vienne et d’ailleurs (Fayard, 2000).
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Yves Thoraval
revu par Éric Vigne
Préface inédite de Jacques Le Rider
Au commencement était…
Depuis des siècles, nous nous racontons sur les origines des sociétés humaines et des inégalités sociales une histoire très simple. Pendant l’essentiel de leur existence sur terre, les êtres humains auraient vécu au sein de petits clans de chasseurs-cueilleurs. Puis l’agriculture aurait fait son entrée, et avec elle la propriété privée. Enfin seraient nées les villes, marquant l’apparition non seulement de la civilisation, mais aussi des guerres, de la bureaucratie, du patriarcat et de l’esclavage.
Ce récit pose un gros problème : il est faux.
David Graeber et David Wengrow se sont donné pour objectif de « jeter les bases d’une nouvelle histoire du monde ». Le temps d’un voyage fascinant, ils nous invitent à nous débarrasser de notre carcan conceptuel et à tenter de comprendre quelles sociétés nos ancêtres cherchaient à créer.
Foisonnant d’érudition, s’appuyant sur des recherches novatrices, leur ouvrage dévoile un passé humain infiniment plus intéressant que ne le suggèrent les lectures conventionnelles. Il élargit surtout nos horizons dans le présent, en montrant qu’il est toujours possible de réinventer nos libertés et nos modes d’organisation sociale.
Un livre monumental d’une extraordinaire portée intellectuelle dont vous ne sortirez pas indemne et qui bouleversera à jamais votre perception de l’histoire humaine.