Une pluie d’oiseaux
» L’émerveillement, l’admiration, la stupéfaction, le saisissement, l’attrait, le désir : voilà en effet les émotions qui surviennent quand l’oiseau « apparaît dans la vie d’un homme ».
Docteure en littérature, professeure à l’EHESS à Paris et écrivaine, Marielle Macé poursuit au fil de ses livres une tentative de déceler les idées qui se logent dans les manières d’être et dans la diversité des formes de vie. En prenant appui sur les poètes, les anthropologues, les philosophes et les artistes, en mêlant les études littéraires et les sciences sociales, elle s’emploie à décrire les façons dont nous nous lions les uns aux autres, dont nous manifestons nos attachements, et dont nous défendons ce à quoi nous tenons. Ses derniers essais s’interrogent en particulier sur nos manières d’habiter un monde abîmé : tandis que Sidérer, considérer (Verdier, 2017) envisageait la crise humanitaire des migrants en France, Nos cabanes s’attardait sur les habitats de fortune qui s’érigent entre autres dans des zones naturelles menacées et qui traduisent – presque – toujours des tentatives de résistance…Dans Une pluie d’oiseaux, c’est encore à un élargissement de la vigilance qu’exhorte l’auteure, en pointant cette fois vers le monde vivant et en particulier vers les oiseaux. Les êtres humains ont toujours entretenu un lien particulier à cette espèce, par le biais des pratiques ancestrales de divination, de chasse ou de colombophilie, mais aussi par l’intermédiaire de la poésie. Or, 30% des oiseaux ont disparu ces quinze dernières années en France, et voici que l’émerveillement qu’ils suscitent en nous se double d’un sentiment de deuil : leur silence nous alerte sur le déclin de la biodiversité dans son ensemble…
Le souci de Marielle Macé est d’observer la façon dont on parle des oiseaux, dont on parle aux oiseaux et dont ils nous font parler. Elle suggère que la parole, et le soin que l’on y met, fait partie de nos responsabilités écologiques, et que les poètes peuvent nous accompagner dans cet effort de mieux qualifier, et donc de mieux honorer, nos relations avec le vivant.
Marielle Macé, Une pluie d’oiseaux, José Corti (coll. Biophilia), 2022, 384 p.
Entretien Marion Houtart – Marielle Macé, « Tu m’en liras tant », RCF en podcast ici : https://rcf.fr/articles/culture-et-societe/entre-beaute-et-vulnerabilite-que-nous-font-les-oiseaux-avec-marielle
Une pluie d’oiseaux : remarquable et solide concrétion d’innombrables écrits et poèmes sur les oiseaux. «Car ce retour des oiseaux dans notre attention et dans nos inquiétudes parle d’évidence de la situation aujourd’hui faite aux vivants et à leur condition d’existence; il parle de notre monde abîmé, il parle pour notre monde abîmé: les oiseaux, leur voix et notre écoute, la façon que l’on a d’en répondre, cela regarde le monde commun, celui auquel on voudrait commencer à tenir.»
Frédérique Roussel, Libération, 12 mai 2022
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5/10/2022