“Si les morts ne disent jamais d’idioties, il leur arrive parfois de faire des farces. Aussi Semper surveille-t-il soigneusement sa collection de crânes et se plaît-il à constater que pas un ne ressemble à l’autre. Certains, tenus contre la lumière, ont des transparences de parchemin, d’autres, plus opaques, évoquent les caprices de l’agate. Certains sont d’une pâleur crémeuse, tandis que d’autres tourneraient presque à la nuance chaude de l’abricot sec, selon les hasards de la pigmentation individuelle. Tous les crânes de Semper sont bizarres et beaux. Tous rappellent la mer, les rocs, les grèves sonores où s’échouent les arêtes mystérieuses, des ossements de sirènes, des frégates à demi mangées que tètent des crabes noirs et, parmi les sables, ces grands coquillages nacrés, ténèbres qui mugissent d’une voix inconnue.”
« L’os », Gabrielle Wittkop, in Morgue, Jean-Luc Hennig, 1979/2007
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24/12/2020